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185 ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES

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Hugues de Saint-Victor († 1140), qui soutint une doctrine contraire, parle encore de la confession aux laïques comme d’un simple aveu des fautes vénielles ; car il se contente de répéter le texte de Bède. De sacramentis, l. II, part. XVI, c. i, P. L., t. clxxvi, col. 553.

Le traité De vera et falsa pœnitentia attribué autrefois à saint Augustin et qu’on imprime encore dans ses œuvres, recommande la confession aux laïques en cas de nécessité, à la fin du chapitre x. P. L., ï. XL, col. 1122. M. Lea, A Historij of auricular confession, Londres, 1896, t. i, p. 209, pense que ce chapitre est du milieu du XIIe siècle et que les chapitres précédents sont du V e. Je suis persuadé comme lui que le chapitre x est de la première moitié du XIIe siècle ; car avant cette époque personne n’aurait parlé du sujet qui nous occupe, de la manière dont il le fait ; mais les premiers chapitres me paraissent être du même temps ; car ce traité réfute (c. iii) des doctrines que Hugues de Saint-Victor († 1141), De sacramentis, l. II, part. XIV, c. iv, P. L., t. lxxvi, col. 556, combat aussi comme des erreurs de ses contemporains. Quoi qu’il en soit, le pseudo-Augustin s’exprime ainsi au chapitre x : « La puissance de la confession est si grande, qu'à défaut de prêtre, le pécheur fera bien de se confesser à son prochain, pro.vimo… Sans doute celui à qui il se confessera ainsi n’a point le pouvoir de délier ; cependant en confessant la honte de son crime à son compagnon, il se rend digne de pardon, par son désir d’avoir un prêtre. Et si ille cui confitebitur potestatem solvendi non habet, fit tamen dignus venia, ex desiderio sacerdotis qui socio confitetur turpitudinem criminis… L’on voit que Dieu considère le cœur, quand on est empêché par la nécessité de recourir aux prêtres. Unde patet Deuni ad cor respicere, dum ex necessilaie prohibentur ad sacerdotes pervenire. » Aussi bien que tous les théologiens que nous avons cités jusqu’ici, l’auteur du traité De vera et falsa pœnitentia refuse aux laïques le pouvoir d’absoudre. Ii s’occupe comme Lanfranc de la confession de fautes graves, et du cas où on ne peut recourir aux prêtres. Mais il se montre théologien bien plus instruit que l’archevêque de Cantorbéry, lorsqu’il détermine pourquoi le péché confessé à un laïque sera remis, si l’on ne peut trouver un prêtre. Les théologiens de l'époque, Hugues de Saint-Victor aussi bien que Pierre Lombard, disaient en effet que la confession est nécessaire in re, ou en cas d’impossibilité in voto, pour la rémission des péchés. Lanfranc attribuait la justification à une vertu sanctificatrice des diacres ou des laïques qui confessaient. Le pseudo-Augustin, mieux au fait des doctrines du xiie siècle, l’attribue à la confession in voto, c’est-à-dire au désir intérieur, unde patet JDeuni ad cor respicere, du pénitent, de se confesser à un prêtre, ex desiderio sacerdotis. Ainsi, selon lui, ce n’est pas par elle-même et à cause du confesseur, que la confession au laïque justifie, c’est par les dispositions qu’elle suppose dans le pénitent. Aussi à défaut du prêtre, le pseudo-Augustin ne conseille pas, comme Lanfranc, de se confesser à un diacre ou à un clerc inférieur de préférence à un laïque saint ; non, il conseille de se confesser à n’importe quel homme qui se trouvera présent, proximo, socio.

Le traité De vera et falsa pœnitentia ayant été attribué à saint Augustin au XIIe siècle, jouit, dès lors d’une très grande autorité. Il n’eut pas pour les autres points de doctrine, qui étaient admis depuis longtemps, l’influence que certains protestants lui ont attribuée ; mais le nom de saint Augustin ouvrit toutes les écoles de théologie à ses enseignements sur la confession aux laïques. Cet enseignement et la manière dont le pseudo-Augustin le justifie, était d’ailleurs en complète harmonie avec la théorie de Pierre Lombard au sujet de l’efficacité de l’absolution. Aussi le Maître des Sentences († 1160), Sent., l. IV, dist. XVII, P.L., X. cxcii, col. 880 ; Robert Pullus († 1153), Sent., I. IV, c. li, g 301, P. L., t. clxxxvi,

col. 897 ; Alain de Lille († 1202), Cont. hxreticos, I. II, c. ix, P. L., t. ccx, col. 385, formulent-ils absolument la même doctrine que le pseudo-Augustin, le premier et le dernier en s’appuyant sur son traité. Alain de Lille n’en combat pas moins les hérétiques de ce temps, qui soutenaient qu’on peut, en toute circonstance, se confesser à un laïque, aussi bien qu'à un prêtre.

XIIIe siècle. — Nous l’avons vu plus haut, les partisans de l’opinion de Pierre Lombard sur l’efficacité de l’absolution considéraient surtout la confession comme une manifestation de la contrition, tandis qu’au XIIIe siècle on l’envisagea plutôt comme nécessaire pour soumettre les péchés à l’absolution. L’autorité de saint Augustin et des théologiens antérieurs fit respecter pendant tout ce siècle la doctrine de la confession aux laïques, en cas de nécessité. Mais comme la question des éléments constitutifs du sacrement de pénitence se posait alors, on se demanda si cette confession aux laïques, en cas de nécessité, est ou non sacramentelle. Guillaume d’Auvergne († 1249) ne soulève pas encore cette question ; mais il rapporte l’opinion suivant laquelle les laïques pourraient absoudre des péchés véniels en cas de nécessité. Il affirme en même temps comme incontestable que l’absolution en dehors de ce cas ne saurait être donnée que par un prêtre. Il en conclut que la confession pourrait être entendue à la fois par un prêtre ignorant qui prononcerait l’absolution et par un diacre ou même un laïque instruit qui donnerait les conseils et imposerait la pénitence convenable. De sacramento psenilent’tx, c. xix, Opéra, Paris, 1674, t. i, p. 499, 500.

Alexandre de Halès († 1245) dit que la recommandation de saint Jacques de s’avouer mutuellement ses péchés doit, pour les laïques, s’entendre des seules fautes vénielles, ou plutôt encore d’une confession générale non détaillée, semblable à celle qui est exprimée dans le Confiteor. Il admet toutefois qu’il est permis et quelquefois utile de faire à des laïques une confession détaillée de ses péchés même graves. Seulement il soutient que celle confession à des laïques n’est jamais sacramentelle, parce qu’elle n’a pas pour fin d’obtenir une véritable réconciliation par l’absolution. Summa, 1. TV, q. xix, m. i, a. 1, Cologne, 1622, t. iv, p. 596. Il l’estime bonne, mais ne la dit pas obligatoire.il ne semble point d’ailleurs lui attribuer plus d’efficacité en cas de nécessité qu'à d’autres moments.

Albert le Grand (-ꝟ. 1280) regarde la confession faite aux laïques, à défaut de prêtres, en cas de nécessité, comme sacramentelle, c’est-à-dire comme faisant partie du sacrement de pénitence, non pas en raison de l’absolution que le laïque donnerait, mais en raison de la confession elle-même. IV Sent., ]. IV, dist. XVII, a. 59, Opéra, Paris, 1894, t. xxix, p. 755. Cette manière de voir se comprend, quand on se souvient (voir plus haut) qu’il ne faisait pas de l’absolution la forme du sacrement, et qu’il considérait la rémission du péché et de la peine éternelle, comme les effets des actes du pénitent. Il rejette l’opinion des (aliqui) auteurs de son temps, qui prétendaient qu'à défaut de prêtre, il suffit de la confession in voto ou de la confession à Dieu. Il estime que, si on n’a point de prêtre et qu’on puisse se confesser à un laïque, on est tenu de le faire. Compendium theologicse veritatis, l. VI, c. xxvi, t. xxxiv, p. 226. Il est assez logique de conclure de tels principes que cette confession aux laïques fait partie du sacrement, puisqu’elle est requise pour qu’il produise ses effets. Cependant, suivant Albert, celui qui se serait ainsi confessé est obligé de recommencer sa confession, si par la suite il a la facilité de recourir à un prêtre investi du pouvoir des clefs. IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. xxxix, ad 3 1 " », t. xxix, p. 719. Albert ne reconnaît pas, en effet, aux laïques le pouvoir des clefs, ni le pouvoir d’absoudre comme les prêtres. A son avis, cependant, dans le cas de nécessité ils sont ministres de la confession, à la place des prêtres, comme ils le sont du baptême. IV Sent., l. IV, dist. XVII, q. lix,