Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.djvu/108

Cette page n’a pas encore été corrigée

481 ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES 182

sous d’autres aspects semblables. Après avoir ainsi réduit l’attrition à des motifs qui peuvent être purement intéressés, Scot ajou le qu’elle suffit pour assurer la rémission des péchés, même en dehors du sacrement de pénitence. Il lui attribue, en effet, un mérite de congruo en raison duquel Dieu la fera toujours suivre de la justification et la changera en contrition, c’est-à-dire en détestation accompagnée de charité. IV Sent., l. IV, dist. XIV, q. il, n. 14, 15, p. 45. Mais, se dira-t-on, si cette attrition remet le péché sans l’absolution, à quoi servira l’absolution ? Scot a prévu cette difficulté. Il répond que, pour recevoir la rémission du péché par l’absolution, cette attrition n’est pas nécessaire, qu’il suffit d'être parum attritus, ce qu’il semble expliquer en disant que le sacrement de pénitence remet les péchés, pourvu qu’on ait l’intention de le recevoir et qu’on soit sans aucune attache actuelle au péché. Cette rémission est obtenue non plus en raison du mérite de congruo de l’attrition, mais en raison de la promesse de Dieu, ex pacto Dei, et par l’efficacité propre du sacrement de pénitence ou de l’absolution. Parum attritus, etiam attritione, quæ non habet rationem meriti ad remissionem peccati, volens tamen recipere sacramentum psenitentiæ, sicut dispensatur in Ecclesia, et sine obice in voluntate peccati mortalis in actu inultimo instanti illius pi’olationis verborum, in quo scilicet est vis sacramenti istius, recipiat effeclum sacramenti, scilicet graiiam psenitentialem, non quideni ex merito… sed ex pacto Dei assistentis sacramento suo. IV Sent., l. IV, dist. XIV, q. IV, n. 7, p. 92. Exagérer à ce point l’efficacité de l’absolution, c'était ne tenir aucun compte des textes qui exigent un repentir véritable pour la rémission des péchés.

Ces vues furent cependant défendues, particulièrement par les scotistes nominalistes. Occam (1280-1347), In IV Sent., 1.1V, dist. VIII, IX, Lyon, 1495(sans pagination, les divisions sont distinguées par des lettres), part des principes de Scot et en accentue les conclusions. Dieu peut, dit-il (lettre M), remettre le péché sans qu’on s’en repente intérieurement, ni extérieurement, et cela aussi bien de potentia ordinaria que de potentia absoluta. En fait, il remet le péché par l’absolution, alors même que le pénitent n’aurait aucune attrition, pourvu que celui-ci ait la volonté de recevoir le sacrement et qu’il n’ait aucune attache actuelle au péché mortel (lettre P).

Cependant toute l'école nominaliste ne suivit point Scot et Occam. A la fin du XVe siècle, son représentant classique, Gabriel Biel († 1495), abandonne leur sentiment pour adopter une opinion toute contraire qui ne donne pas plus d’efficacité à l’absolution que le sentiment de Pierre Lombard. Gabriel Biel distingue, avec Scot, la contrition inspirée par la charité, de l’attrition par crainte servile (il appelle la première contrition parfaite, terme qui est resté, la seconde contrition imparfaite). Il admet encore, avec Scot, que l’absolution constitue le sacrement de pénitence et que les actes du pénitent n’en sont pas des parties proprement dites, mais seulement des conditions requises, mais il se sépare de lui pour le reste. Il pense en effet que l’attrition ne peut se changer en contrition. IV Sent., l. IV, dist. XVI (l'édition dont je me sers est sans pagination, ni lieu, ni date). Bien plus, il la regarde comme insuffisante pour la justification. A son avis, on n’est point justifié sans la contrition parfaite, même dans le sacrement de la pénitence. Il en conclut que l’absolution du prêtre ne remet pas les péchés, ni leur peine, aux yeux de Dieu ; elle manifeste seulement leur rémission aux yeux de l'Église. Dist. XVIII. Il estime cependant que l’absolution remet une partie de la peine temporelle et qu’elle augmente la grâce sanctifiante.

Bien que contraire aux sentiments de Scot, ces conséquences découlaient aussi du principe qu’il avait posé, en excluant la contrition et les actes du pénitent du sa crement de pénitence. Ou bien, en effet, ce sacrement est efficace, et, si l’on admet ce principe, il faut dire, avec Occam, que l’absolution remet les péchés sans la contrition ; ou bien il faut la contrition pour que les péchés soient remis, et alors le sacrement de pénitence ne les remet pas. C’est l’opinion de Biel.

Résumé.

Nous avons étudié les opinions des principaux théologiens, qui du VIIIe au XVIe siècle se sont occupés de la part respective de la contrition du pénitent et de l’absolution du prêtre dans l’efficacité donnée par le Christ au sacrement de pénitence. Jusqu’au xiie siècle, nous avons entendu affirmer la nécessité de la contrition, en même temps que l’efficacité de l’absolution, sans rencontrer personne qui ait propose une théorie pour concilier ces deux doctrines. Au XIIe siècle, le problème se pose et deux courants s'établissent. L’un, représenté par Hugues de Saint-Victor, attribue à la contrition la rémission de la tache, et réserve à l’absolution la rémission de la peine éternelle du péché. L’autre, représenté par Pierre Lombard, attribue à la contrition la rémission du péché et de sa peine, et à l’absolution une simple valeur déclarative à laquelle on ajoute la rémission de la peine temporelle du péché. Ce courant l’emporte sur le précédent ; il est suivi même par Richard de Saint-Victor disciple et confrère de Hugues. Au XIIIe siècle, la question se présente sous de nouveaux aspects, parce qu’on distingue l’attrition de la contrition et qu’on détermine bientôt après quelles sont la matière et la forme, et par conséquentles éléments constitutifs et plus ou moins efficaces du sacrement. Guillaume d’Auvergne abandonne la doctrine de Pierre Lombard pour affirmer la rémission du péché et de sa peine éternelle par l’absolution. Albert le Grand revient en arrière. Saint Bonavenlure et surtout saint Thomas reprennent la marche en avant. Ils font de l’absolution la forme, c’est-à-dire la partie principale du sacrement ; ils maintiennent en même temps que les actes du pénitent en sont la matière et par conséquent que la contrition et même l’attrition ont leur part dans les effets du sacrement. Les disciples de saint Thomas gardent sa doctrine et continuent à l’exposer jusqu’au xvie siècle. Mais une théorie opposée a été formulée par Scot dès la fin du XIIIe siècle. Continuant le mouvement qui s'était produit en faveur de l’importance de l’absolution, il fait de cet acte du prêtre le seul élément constitutif du sacrement et regarde la contrition comme n’en faisant point partie. Ce principe admis dans l'école scotiste y donne naissance à deux théories opposées et toutes deux inexactes. L’une proposée par Scot lui-même et reprise par Occam considère la contrition, et l’attrition elle-même, comme inutiles pour la rémission du péché, qui serait exclusivement l’effet de l’absolution. L’autre exposée par Gabriel Biel refuse toute valeur à l’attrition pour la rémission des péchés ; elle attribue cette rémission à la contrition parfaite. Comme, dans le système scotiste, la contrition est en dehors du sacrement, elle conclut, en revenant aux théories de Pierre Lombard, que l’absolution n’a qu’une valeur déclarative, par rapport à la rémission du péché ; qu’elle constate simplement cette rémission aux yeux de l'Église. Ces deux opinions scotistes préparent les voies aux protestants du xvie siècle : la première en leur fournissant un prétexte pour accuser l'Église catholique de prétendre remettre les péchés à ceux qui n’en ont point de repentir ; la seconde en mettant en circulation les théories qu’ils adoptèrent, comme on peut le voir à l’article XII Absolution chez les protestants. La théorie catholique formulée par saint Thomas d’Aquin se précisa d’ailleurs et se compléta dans la suite, par le développement des questions de l’attrition, de la contrition et de la justification. Voir ces mots.

III. Peut-on recevoir la rémission de ses péchés,

EN SE CONFESSANT A UN AUTRE QU’UN PRÊTRE ? — Ce qui

nous amène à examiner les opinions des scolastiqu.es