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173 ABSOL. DES PÉCHÉS, SENTIMENTS DES ANC. SCOLASTIQUES 471

péché? Summa sententiarum, tr. VI, c. xi, ibid., col. 147-149. C’est que Hugues et ses disciples n’avaient pas encore une notion exacte du sacrement qui constitue un tout moral, dont les éléments agissent par leur réunion et non successivement ; c’est plus encore parce qu’ils ne considéraient pas la contrition comme un élément constitutif du sacrement, mais comme une simple disposition préparatoire. De même, dit encore l’auteur de la Summa, qu’il faut ôter le fer d’une blessure avant d’y appliquer un emplâtre, ainsi faut-il que l’obscurcissement du péché soit été de l'âme par la contrition, pour qu’ensuite le remède du sacrement soit appliqué par les prêtres ; car, c’est toujours lui qui parle, les sacrements sont comme des emplâtres : interna excitas de corde lollitur, ut post sacramenti medicina per sacerdotes superaddatur. Sunt enim sacramenta quasi emplastra. Summa sententiarum. Il donne d’ailleurs place à la satisfaction dans le sacrement ; car il ajoute que le prêtre absout de la peine à subir, par la satisfaction qu’il impose, a debito futurm pœnæ absolvendo per eam quant injungit satisfactionem. Ibid., col. 149.

Pour avoir mal posé la question et attribué à l’absolution du prêtre une action indépendante de celle de la contrition du pénitent, Hugues avait été amené à supposer que le prêtre ne remet que la peine du péché, et à dire que cette peine, damnalio, est le péché luimême. De sacramentis, loc. cit. En cela, il s’inspirait, à son insu sans doute, d’une erreur analogue soutenue sur l’efficacité du baptême par son contemporain Abélard. Voir III Abélard (École d'). Abélard disait en effet d’un adulte qui recevrait le baptême avec la foi, qu’il est juste avant le baptême par la dilection et que le baptême ne fait que lui remettre ses péchés, c’est-à-dire leur peine, dilectione justum jam dicimus, cui tamen in baptismale nonduni sunt peccata dimissa, id est pœna eorum penitus condonata. Expositio in Epist. Pauli ad Roynanos, l. II, P. L., t. clx’xviii, col. 838. C’est qu’Abélard voulait soutenir que le baptême ne remet que la peine du péché, cf. ibid., col. 841, 860, parce qu’il faisait consister tout le péché originel, que le baptême efface chez les enfants, dans la peine du péché d’Adam. Quodnon contraximus culpam ex Adam, sed pœnam tantum. Prop. 9, condamnée par le concile de Sens, 1141 ; Mansi, Concil. anwliss. coll., Venise, 1776, t. xxi, col. 568. Cette erreur d’Abélard sur le péché originel, qui n'était pas sans parenté avec la théorie de Hugues sur la manière dont les péchés actuels sont remis par l’absolution, fut condamnée un an avant la mort de ce dernier.

Aussi tandis que l’opinion du Victorin était embrassée par un disciple d’Abélard, Ognibene (-j-1185), Gietl, Die Sentenzen Rolands, Fribourg, 1891, p. 247, trouva-t-elle bientôt un adversaire en Pierre Lombard († 1160). Au quatrième livre des Sentences, dist. XVIII, P. L., t. cxcii, col. 885-889, le célèbre auteur montre que si la charité efface la tache du péché, elle ouvre aussi au pécheur la porte du ciel, de sorte que le lien de la damnation doit être ôté en même temps que la tache du péché est effacée. Il rejette donc la doctrine de Hugues. Mais comme il ne pose pas mieux la question que lui et qu’il regarde aussi la contrition et l’absolution comme agissant successivement et produisant des effets différents, il est entraîné par la logique des choses à une conclusion aussi inexacte. Reprenant l’opinion de saint Anselme, il soutient que la contrition remet à la fois la tache et la peine éternelle du péché. A son avis, le rôle de l’absolution du prêtre qui intervient ensuite, consiste à montrer que le péché a été pardonné de Dieu : Peccata dimittunt vel retinent dum dimissa a Deo vel retenta judicant et ostendunt, ibid., col. 888 ; son efficacité est donc surtout déclarative. Pierre Lombard accorde en outre au prêtre le pouvoir de délier de la pénitence satisfactoire qu’ils ont imposée et de remettre ainsi d’une

certaine manière la peine temporelle du péché. Ibid.

L’opinion de Pierre Lombard exerça une grande influence sur tous les auteurs de la fin du xiie siècle et même sur ceux du commencement du xiii e. Roland Iiandinelli († 1181), le futur Alexandre III, soutint dans son livre des Sentences la même théorie que Lombard. Il pourrait bien même être le père de cette théorie ; car il ne semble pas s'être servi de l’ouvrage de Lombard. Bandinelli, plus exact que ce dernier, attribue d’ailleurs à la confession elle-même, aussi bien qu'à la satisfaction, le pouvoir de remettre une partie de la peine temporelle du péché. Die Sentenzen Rolands, édit. Gietl, Fribourg, 1891, p. 248 ; cf. p. xvii.

Richard de Saint-Victor († 1173), qui prend à partie l’opinion du Maître des Sentences, qui la traite de frivole et de ridicule, De potestate ligandi et solvendi, P. L., t. exevi, col. xii, 1168, et qui semble défendre le sentiment de Hugues (qu’on lui attribue d’habitude), se rapproche en réalité de Pierre Lombard. Hugues avait remarqué que la tache du péché renaîtrait, si le pénitent ne se faisait absoudre en confessant son péché, et qu’il est délivré de la damnation sans l’absolution du prêtre dans le cas exceptionnel où il mourrait sans uvoir pu se confesser. De sacramentis, I. II, part. XXIV, c. viii, P.L., t. clxxvi, col. 567. Richard s’empare de cette observation de son maître pour transformer la théorie qu’il lui a entendu enseigner. Il admet que la contrition suffit pour que Dieu remette à la fois la tache du péché et la dette de la damnation éternelle, avant la confession : il est donc d’accord en cela avec Pierre Lombard ; mais pour garder les formules de Hugues, il dit qu’avant la confession, la dette de la damnation éternelle n’est remise par Dieu que conditionnellement, c’est-àdire à condition qu’on recevra l’absolution du prêtre. Il peut ainsi conclure que l’absolution du prêtre remet la dette de la damnation définitivement, et qu’elle n’est pas seiûementdvclurat’i-ve. Depotestate solvendi, c. viii, P. L., t. exevi, col. 1165. Cette conclusion ne diffère guère de la théorie de Lombard que dans les mots. Richard attribue d’ailleurs à l’absolution du prêtre une autre efficacité dont Hugues n’avait point parlé, et que le Maître des Sentences ne semblait pas admettre. Richard pense que l’absolution a la puissance non seulement de délivrer de la damnation éternelle définitivement, mais encore de remettre une partie de la peine temporelle qu’on devrait autrement subir en purgatoire. Ibid., c. vi sq., col. 1653 sq. Il avait sans doute emprunté cette doctrine à Roland Bandinelli (voir plus haut). Par rapport à la peine temporelle, Lombard disait seulement qu’un prêtre peut délier de l’obligation d’accomplir la pénitence satisfactoire par lui imposée. Sent., l. IV, dist. XVIII, n. 7, P. L., t. cxcii, col. 888. Nous allons voir que sur ce point les auteurs postérieurs suivirent Richard.

Cependant Pierre de Poitiers (1167-1205) le combattit et reproduisit intégralement les enseignements du Maître des Sentences. Sententiarum libri quinque, l. III, c. xvi, P. L., t. ccxi, col. 1073, 1075. Innocent III (1160-1216) ou l’auteur du commentaire sur les psaumes pénitentiaux qui lui sont attribués, suit aussi le sentiment de Pierre Lombard ; il admet que la rémission du péché précède la confession ; mais avec cette réserve assez importante qu’il en est le plus souvent ainsi, confessio sœpissime sequitur remissionem peccati. 11 semble donc croire que la confession remet quelquefois le péché que la contrition n’aurait pas effacé ; mais sa pensée reste bien obscure. Comment, in VIII psalm. psenit., ps. il, P. L., t. ccxvii, col. 1016. Guillaume d’Auxerre († 1223) se rapproche nettement de Richard de Saint-Victor. A son avis, Dieu, par la contrition, commence à effacer le péché, dont il remet la tache et la peine éternelle ; l’absolution du prêtre achève par la rémission des peines temporelles ce qui a été ainsi