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APOLOGÉTIQUE (NOTION ET BUT)

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la vérité : la dialectique ; mais ils envisagent souvent des objets identiques : 1e surnaturel, Jésus-Christ, l’Eglise ; seulement, tandis que l’apologiste admet le magistère de l’Église à cause de Jésus qui l’a institué, proclame la mission divine de Jésus à cause du témoignage de Dieu lui-même, qui l’a surnaturellement révélée, affirme l’existence et l’autorité’de la révélation à cause des miracles et des prophéties qui lui donnent pour garants la science et la puissance divines, connaît enfin les attributs de Dieu par la raison capable de s’élever des créatures au créateur, le théologien suit un ordre inverse : c’est l’Église, qui est la règle prochaine de sa foi, en lui proposant la révélation divine, et c’est par elle qu’il connaît la personne de Jésus, l’ordre surnaturel et la nature de Dieu.

Il y a donc un rapport évident entre l’apologétique et la théologie, non pas que la première puisse être nommée la source de l’autre, puisque leur raison formelle est absolument différente, l’une procédant de faits expérimentaux et de principes rationnels, l’autre des vérités révélées, mais parce que la révélation n’est certaine et sa transmission assurée qu’après démonstration rationnelle, l’apologétique est tout au moins la condition absolument nécessaire de la théologie. Kleutgen, qui lui attribue ce caractère, Théologie der Vorzeit, Munster, 1853-18/i, p. 553, se refuse à aller plus loin et ne veut pas qu’on l’appelle principe ou fondement de la théologie : elle n’est point principe, puisque les arguments de la science sacrée ne sont pas des spéculations rationnelles ; elle n’est pas fondement, car celui-ci n’est pas de même nature que l’édifice dont il est la base. A ces scrupules, qu’ils jugent excessifs, Knoll, Schwetz, Hettinger, Jansen et autres, opposent la distinction qui existe entre fondement et source, principe et germe. Les eaux d’un fleuve sont identiques aux eaux de la source, mais une maison peut être composée d’autres matériaux que ses fondations, un germe produit un être par un développement naturel, mais on peut légitimement désigner sous le nom de principe tout ce qui concourt à l’existence, à l’évolution ou à la connaissance d’un être. Ces considérations paraîtront plus claires et mieux justifiées dans la suite de cet article, mais, dès à présent, on peut dire que, si la théologie peut être comparée à un temple, l’apologétique est, à la fois, la base solide sur laquelle reposent les nefs, le sanctuaire, les coupoles, le clocher ; les contre-forts extérieurs qui soutiennent les murailles, le porche et le vestibule par où l’on pénètre dans l’édifice de la prière et de la vérité.

IV. L’apologétique est une démonstration du christianisme. —

C’est la forme définitive qu’elle tend à prendre de plus en plus ; sa fonction principale est une justification : la défense et l’attaque sont les espèces de la polémique, ne sont, que secondaires et presque accessoires, surtout moins rigoureusement scientifiques, En ce premier sens, l’apologétique est dite irénique, expo-Bilive et positive, car elle n’affecte pas les allures du combat, elle définit, elle déduit, et c’est par voie directe qu’elle établit la vérité du christianisme. Son but est de révéler le trésor de la révélation, non de le proléger ; sa t iche est accomplie lorsqu’elle l’a enveloppé de lumière et rendu visible à tous les yeux.

Considérée sous cet aspect, l’apologétique est désisous divers noms. C’est, pour un grand nombre de théologiens du xviik siècle suivis par l’erroné, Schouppe, Lahousse, lional. etc., le Traité de la vraie religion ; Eigliara la nomme : Propédeutiquc à la doctrine tærée. Les titres : Introduction « la théologie (Thomas Esser, 0. P.), Prolégomènes, ont le même sens, mais ils semblent peu propres à désigner une science distincte et constituée. Il semble que détnonitration chrétienne el démonstration catholique ne conviennent pas absolument, car ces mots ni ; distinguent pas suffisamment l’apologétique de la dogmatique, et présentent le grave inconvénient de laisser supposer que les dogmes proposés par le christianisme et définis par l’Eglise sont en eux-mêmes un objet de démonstration proprement dite. Le terme de théologie générale ferait croire qu’elle est un genre dont les divers traités de théologie spéciale, dogmatiques ou moraux, seraient les espèces. Raphaël Pacetti la nomme logique théologique, et l’abbé Jules Didiot logique surnaturelle. Ces auteurs, le second surtout, prétendent établir une relation étroite entre la philosophie et la théologie. La science sacrée se composerait, de même que la science rationnelle, de logique, métaphysique et morale ; seulement la première aurait pour objet l’ordre surnaturel, la seconde l’ordre naturel. A ce point de vue, la logique étant l’art d’arriver au vrai, il doit exister une logique surnaturelle qui nous conduit à la vérité révélée. Cette théorie est ingénieuse et juste, mais ce titre est trop général, un peu vague, et désigne surtout un ensemble de règles formelles qui n’enveloppent pas tout le contenu de notre science. La nommer avec Drey, Stôckl et Gutberlet : Apologétique, c’est prendre le genre pour l’espèce, car rien n’est plus distinct, ainsi que nous allons nous en convaincre, que l’apologétique irénique et l’apologétique polémique. Pour ces motifs, nous préférons le nom de théologie fondamentale (Schwetz, Ottiger). Quævis sane scientia, dit Knoll, ut rite constituatur, solido fundamento indiget. Cognoscere nimirum oportet in primis illius tunt principium constitutivum seu fontem, tum pravcipium regulativum seu modum, quo veritates pertraclandse hauriri debeanl. — Si autem de disciplinis agatur, quse theologise specialis parles officiunt, harum principiun constitutivum est ipsa revelalio divina, principium autem regulativum primarium est infallibilis Ecclesise auctoritas, et secundarium est ratio humana. lnstitutiones theologix dogmatiese generalis seu fundamentalis, Inspruck, 1852, p. 28. C’est donc une science des fondements de la vraie religion, une théorie des principes qui servent à établir l’existence d’une religion surnaturelle, la vérité de la révélation chrétienne, la légitimité, la nécessité de la forme sociale qu’elles revêtent dans le catholicisme et qui subsiste une et vivante dans l’Eglise de Jésus.

V. L’apologétique défend le christianisme contre ses ennemis. —

Historiquement, il en a ; psychologiquement et moralement, il doit, en avoir. Repousser leurs attaques est le rôle de l’apologétique polémique, défensive, négative. Elle est plus ancienne, plus générale, plus mobile, plus variée, plus populaire que la théologie fondamentale ; mais elle est éparse et dépourvue de l’unité rigoureuse qui caractérise celle-ci. On comprend, en effet, que les aspects sous lesquels on peut envisager la religion sont innombrables : dogmes, préceptes, rites, suggèrent des difficultés et des objections, renferment des obscurités, présentent des antinomies apparentes qu’il faut dissiper et résoudre. Il n’est point de branche de la science sacrée que l’apologétique polémique ne doive dégager et soutenir. Les solvuntur objecta des traités classiques sont l’indispensable complément de la théologie scolastique ; la démonstration d’une thèse exige la réfutation de l’antithèse, et les preuves d’une vérité s’affermissent par les arguments qui repoussent l’erreur. — En théologie positive, l’apologétique doit sauvegarder les text » 6 par une sévère méthode critique, permettant de repousser les attaques contre l’intégrité ou l’authenticité d’un témoignage doctrinal ou historique, conlre la sincérité et la compétence de son auteur. — En exégèse biblique, combien de questions naissent et pullulent autour des théories sur la canonicité ou l’inspiration des Livres saints ? — En histoire ecclésiastique, combien de discussions s’élevonl sur l’aposlolirité des Eglises. l’influence ou la sainteté des papes, etc. On voit qu’il est impossible d’assigner des cidres à la polémique religieuse, de prévoir les points de vue auxquels elle