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APOSTOLIQUES (PÈRES)


base d’un système, d’après lequel l’Église ne serait arrivée à l’unité qu’après plusieurs générations de conflits et grâce à une conciliation harmonieuse de ces éléments antagonistes. Mais ce système se heurte à des faits trop explicites et se trouve réfuté d’avance par les témoignages concordants venus de Rome, de Syrie et d’Asie Mineure. C’est ainsi que Clément joint la mort de Paul à celle de Pierre, / Cor., v, Funk, t. I, p. 66-68 ; qu’Ignace s’excuse d’écrire aux Romains sans avoir sur eux l’autorité de Pierre et de Paul, Ad Rom., iv, p. 218 ; et que Polycarpe rappelle aux Philippiens le nom de Paul, leur apôtre et leur correspondant, tout en mêlant à cette évocation plusieurs passages empruntées aux Épitres de saint Pierre. Ad Philip -, ni, p. 270. De telle sorte qu’en associant ainsi ces deux grandes autorités dans la direction des églises, ils n’en soupçonnent ni les divergences ni les incompatibilités, qu’on a prétendu y voir. Il y a plus : dans la question du salut, ils proclament simultanément, avec Paul, la nécessité de la foi, et, avec Jacques, la nécessité des œuvres. Voir plus bas. Enfin ils connaissent de même les autres apôtres ; car ils font appel aux Actes, aux Épitres, à l’Apocalypse, aussi bien qu’aux Evangiles. Et si rien n’indique qu’ils aient entre les mains ou sous les yeux une liste, un canon des livres du Nouveau Testament, ou même qu’ils aient désigné le Nouveau Testament par le nom propre de Kaivï) AtaO^xr), il n’en est pas moins vrai que, à l’exceplion de VÉpilreà Philémon, c.de la IIP Épitrede saint Jean, tous les livres du Nouveau Testament leur fournissent, mieux que de simples réminiscences, des citations textuelles en grand nombre. En voir la liste aussi curieuse qu’instructive dans Funk, t. i, p. 564-575. La formule ordinaire pour introduire une citation,  ; "féypa7tTai, est encore réservée pour l’Ancien Testament, sauf, dans un seul cas, Barnabe, iv, p. 12. Quand il s’agit du Nouveau, le plus souvent l’emprunt n’est pas signalé. On trouve cependant la formule : à>ç ÈxsXeuo-îv ô Kvp-.o ; âv tÔ) EJayyiîXia), Didaché, viii, p. 24 ; 6 Kvpioi ; sî’itEv, ô> ; £"/ £T£ £v X V EûayyeXia). Didaché, xv, p. 44. Seul Papias cite nommément Matthieu et Marc. Clément rappelle aux Corinthiens les injonctions de Paul, 1 Cor., ZLVII, p. 120 ; Ignace rappelle aux Éphésiens qu’ils doivent à Paul leur initiation à la foi et la place qu’ils occupent dans ses lettres, A d Eph., ii, p. 182 ; Polycarpe rappelleaux Philippiens le cas que Paul faisait d’eux. Ad l’hil., iii, p. 270. Mais, en dehors de ces cas, pas d’autres références à tel ou tel écrivain inspiré, désigné par son nom, bienque les emprunts textuels soientnombreux.

Une autre remarque importante, c’est l’absence, chez les Pères apostoliques, de citations empruntées aux apocryphes du Nouveau Testament. Et pourtant ils connaissent certains apocryphes de l’Ancien. Barnabe fait allusion à une parole de l’Écriture qu’il croit avoir lue dans Hénoch, iv, p. 8 ; Clément cite plusieurs passages prophétiques étrangers à l’Ancien Testament ; Hermas nomme le livre de Eldad et Modad, Vis., Il, 3, p. 318 ; Papias doit vraisemblablement son erreur millénaire à l’influence de Hénoch et de Baruch. Les passages d’Ignace, qui semblent dériver d’une source apocryphe du Nouveau Testament, sont plutôt l’écho de la tradition orale ; car toutes ces allusions aux faits évangéliques, et elles sont nombreuses, se trouvent fondées sur les Évangiles canoniques. Seul, ce passage : « Touchez, palpez et voyez, je ne suis pas un démon incorporel, » de AdSmyrn., iii, p. 236, paraitemprnntéà la Doctrineou à la Prédication de Pierre, d’après () ; igène, De princ, , « ./>. G., t. xi, col. 119, ou al’Évangile des Nazaréens, au dire de.lérôme, De vir. ill., 16, P. L., t. xxiii, col. 686, et In Isai., x viii, prolog., P. L., t. xxiv, col.652 ; mais ce n’est là qu’un écho de Pur, xxiv, .’( !), ainsi que le remarque avec raison Lightfoot.14posf. Fath., part. I, 1. 1, p. 11. Papias lui-même, lui si porté à interroger les témoins et à consigner les dires des anciens, peut passer

jusqu’à preuve du contraire pour avoir échappé à l’influence des apocryphes du Nouveau Testament. Il y a dans cette fidélité si exclusive des Pères apostoliques à l’enseignement écrit ou oral des apôtres un phénomène unique et de capitale importance, dont on voudrait voir se multiplier les preuves par la découverte des Aoyt’tov xvpiaxuW è ; syr 1 <Tea)ç <myypà|A[j.aTa uévte de Papias.

IV. Forme et fond.

C’est surtout sous forme de lettre, à l’exemple de saint Paul, qu’ont écrit les Pères apostoliques, selon les besoins de l’heure et les circonstances, sans la moindre préoccupation d’ordre littéraire, sans vue d’ensemble sur un système lié de théologie, simplement pour accomplir un devoir, pour répondre à une nécessité, pour faire œuvre de sentinelles vigilantes. Clément ne cherche qu’à apaiser les troubles intérieurs qui divisent l’église de Corinthe, et fait valoir les principes d’ordre, d’unité, de hiérarchie, les plus propres à rétablir la paix. Ignace obéit à un sentiment de reconnaissance envers les commumiutés d’Asie Mineure, dont il a reçu les délégués, à son passage à Smyrne, et glisse des conseils pour les mettre en garde contre les dangers de l’hérésie qui menacent l’intégrité de la foi et l’unité de l’Église ; seule sa Lettre aux Romains exprime un violent désir du martyre et adresse un appel suppliant pour qu’on ne s’oppose pas à l’honneur qu’il ambitionne. Polycarpe, prié de communiquer les lettres d’Ignace, dont il possède l’original ou la copie, les expédie non sans y joindre quelques paroles d’édification. C’est encore sous forme de lettre qu’écrivent le pseudo-Barnabe et l’auteur de l’ÉpUre à Diognèle, mais sans que l’on puisse constater les circonstances ou les relations personnelles qui les mettent en rapport avec leurs correspondants ; ils imitent plus tôt la forme de Y E pitre aux Hébreux et composent, l’un un traité polémique, l’autre une espèce d’apologie. Quant aux autres écrits des Pères apostoliques, ils n’ont pas la forme épistolaire : la Didaché est une catéchèse et un manuel de liturgie ; le Pasteur, une allégorie ; les Expositions, un commentaire.

Aucun des Pères apostoliques ne brille par le style, l’ordonnance et le mérite de la composition littéraire, à l’exception de YÉpître d Diogncte ; aucun ne trahit la possession d’un enseignement théologique systématiquement ordonné. Ce n’est déjà plus la simplicité, la clarté, la profondeur des évangélistes, ni la marque de leur inspiration divine ; et c’est encore moins l’exposition méthodique ou scientifique des Pères du ive et du v c siècle. Toutefois cette infériorité sous le rapport littéraire, se trouve largement compensée par la noblesse et la grandeur du caractère. Ce sont de vrais directeurs d’âmes ; ils portent l’empreinte de l’Évangile ; ils se meuvent dans un large courant de haute inspiration morale ; ils se préoccupent des intérêts et des besoins des communautés chrétiennes ; et ils apportent dans leur intervention le sentiment profond de leur responsabilité. Clément de Borne, avec une mesure et une modération qui n’excluent pas l’énergie, montre l’unité dans le plan divin, les harmonies de la nature et de la grâce, tout ce qui peut ramener des égarés au devoir, des insubordonnés à la soumission ; c’est déjà la marque romaine dans les affaires de l’Église. Ignace es ! l’homme de l’Orient, vif, impétueux, dominé par la soif du martyre ; il a le zèle sympathique et clairvoyant qui aperçoit et signale le danger, montrant dans l’union des fidèles avec leurs chefs le remède approprié. Polycarpe est par excellence l’homme de la tradition, le témoin inébranlable de la foi, la r.hp-x àxivr.Toi ;, l’iîpaio ; <, '> ; à’x|io)V, de la lettre d’Ignace, Ad Poh/r.. ni ; apres avoir résisté comme l’enclume aux marteaux de l’hérésie, il léguera au jeune Innée contre le gnosticisme l’esprit de saint Jean et la force de saint Ignace. Ces trois Pères ont une personnalité nettement accusée, pleine de relief, el trèa