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APOSTOLICITÉ


qu’ils renouvellent le rit divin de l’eucliarislie ; bref, qu’ils soient, en même temps que les prédicateurs de la parole, les dispensateurs des sacrements. Qu’ils gouvernent enfin cette Église, qu’ils doivent réunir par leur parole et sanctifier par les sacrements. Jésus est avec eux jusqu’à la fin des siècles, son Esprit les assistera, et jamais l’enfer ne prévaudra contre le royaume du Christ.

Les Actes et les Épîtres nous montrent les apôtres à l’œuvre ; la société qu’ils fondent a une doctrine, des moyens déterminés de sanctification, une constitution et une autorité. Déjà aussi nous les voyons créant des évéques, se choisissant des successeurs pour la même œuvre d’enseignement, de sanctification, de gouvernement. Les écrits des Pères apostoliques montrent en acte ce que les apôtres ont fait, et ils donnent, en même temps que l’enseignement apostolique, la théorie de l’apostolicité. Il est donc acquis que les apôtres sont les chefs de l’Église et que les évoques établis par eux doivent leur succéder avec le même pouvoir ; qu’ils prêchent, non pas leurs idées à eux, mais ce qu’ils ont appris du Christ et du Saint-Esprit, et que leurs successeurs doivent enseigner et transmettre fidèlement la doctrine reçue, rien de plus, rien de moins. S’il doit y avoir quelques différences entre les apôtres comme tels et les évêques leurs successeurs, elles portent sur des privilèges spéciaux (voir Apôtres), non sur les points que nous venons d’indiquer.

_ 2. L’apostolicité, marque distinctive de la véritable Église du Cltrist. — Il s’agit ici de la succession des pasteurs ou de l’identité de gouvernement. L’identité de doctrine ne serait pas à elle seule une marque suffisante et exclusive. Si une société enseigne une doctrine contraire à celle du Christ et des apôtres, elle est jugée. Mais de ce que la doctrine serait ou semblerait être vraiment apostolique, on ne peut rien conclure. Il en est autrement pour la succession légitime des pasteurs. Avec elle il y a continuité, sans elle, non ; avec elle, d’ailleurs, on est sûr, sans autre examen, de la véritable doctrine, car c’est au corps des pasteurs qu’a été confié le dépôt et qu’a été promis le Saint-Esprit pour le garder et le transmettre. On sait les beaux textes d’Irénée et de Tertullien sur ce sujet. Ils ne font que résumer et formuler l’enseignement du Christ et des apôtres. Sans cette succession légitime, pas de mission pour enseigner ; pas d’autorité par conséquent ; à plus forte raison, pas de garantie divine. Il faut voir avec quel mépris les saints Pères, saint Cyprien notamment, traitent ces hérétiques et ces schismatiques ayant pour toute mission celle qu’ils se sont donnée. C’est ce qui explique les angoisses de Luther pour se trouver une mission ; ce qui explique les efforts désespérés des anglicans pour soutenir la validité de leurs ordinations, condition nécessaire, quoique non suffisante, de la succession légitime, et pour soutenir tant bien que mal la continuité malgré le schisme.

C’est, en effet, une chose évidente : l’Église étant un corps social hiérarchique, il faut appartenir à ce corps social pour avoir part à l’autorité de sa hiérarchie. Sans succession apostolique, la hiérarchie n’est plus celle que le Christ a instituée : c’est une œuvre humaine ; et quand même les sacrements y resteraient, l’autorité n’y serait pas ; car le pouvoir d’ordre n’emporte pas de soi le pouvoir de juridiction : celui-ci est attaché à la mission, à la succession légitime. Il ne suffit pas de se réclamer du Christ, ni même d’avoir les sacrements. On est des siens, on est de son église (je parle au for extérieur) quand on obéit aux pasteurs établis par lui, envoyés par lui. C’est donc pour une Église une question capitale que celle de la succession légitime. Voyons où se trouve cette -ion.

II. APPLICATION DP PRISt IPE : QUELLE Esr VBÀIM IPOSTOl tQl I’"

Il y a deux manières de procéder. On peut résoudre

la question grosso modo, pour ainsi dire, sans subtiliser, par une vue d’ensemble sur les différents groupes chrétiens, qui se réclament du Christ, et on peut la résoudre avec une précision plus scientifique.

i. Solution par l’observation concrète. — La société fondée par Jésus doit être quelque part dans le monde, puisque Jésus lui a promis la durée ; elle doit être vivante et visible, réclamant pour elle ces prérogatives que lui promet l’Évangile, se montrant comme la continuatrice du passé, capable de donner ses titres et de légitimer ses prétentions. Ce ne peut être évidemment que l’Église latine, ou l’Église grecque ou le protestantisme, de quelque nom qu’on le nomme, ou l’anglicanisme, ou le groupement de tous ceux qui à quelque titre, se réclament du Sauveur Jésus.

Ce ne peut être le groupement de toutes ces sectes, dont les doctrines s’opposent, et qui s’analhématisent : il est trop évident qu’elles ne font pas une société, non plus que la France et l’Allemagne ne font un Etal. 11 faut renoncer à l’idée d’une Église visible ou renoncer à l’idée d’une Église ainsi séparée en tronçons. Reste donc à chercher quelle est, parmi les sectes chrétiennes, celle qui continue les apôtres, celle qui est leur légitime héritière. Serait-ce l’Église grecque ou l’Eglise russe ? Qui Je croira ? Il n’y a même pas une Église grecque ; et, quant à l’Église russe comme telle, c’est une institution d’État. Serait-ce le protestantisme ? Mais il ne forme pas une église. Serait-ce l’anglicaniame ? Trop de signes évidents y montrent le schisme : il a sa date, et la main des hommes y a marqué son empreinte. Rome s’impose.

Ainsi à peu près raisonnait Nevvman, et c’est ce qui le fit catholique. « Les écrits des Pères… ont été la seule et unique cause intellectuelle de sa rupture avec la religion de sa naissance et de sa soumission à l’Église catholique… Si on lui demande pourquoi il s’est fait catholique, il ne peut donner que cette réponse, celle que son expérience intime, que sa conscience des choses lui présente comme la seule vraie : il est venu à l’Église catholique simplement parce qu’il la tenait, et elle seule, pour l’Église des Pères ; — parce qu’il tenait qu’il y avait une Église sur terre jusqu’à la fin du monde, et une seulement ; et parce que si ce n’était pas la communion de Rome, et elle seule, il n’y en avait pas du tout ; parce que, pour employer un langage d’une réserve voulue, parce que c’était le langage de la controverse, « tous les partis seront d’accord que, de tous « les systèmes existants, la communion actuelle de « Rome est en fait l’image la plus rapprochée de l’Eglise « des Pères, quitte à croire, si l’on veut, qu’on peut en « être plus près encore sur le papier ; » — parce que, « si saint Athanase ou saint Ambroise revenaient soudain à la vie, nul doute possible sur la communion « qu’ils prendraient, » entendez, « qu’ils reconnaîtraient « pour la leur ; » — parce que « tous accorderont que ces « Pères, malgré toutes les différences d’opinion, et, si « vous voulez, toutes les protestations, se trouveraient « plus chez eux avec des hommes comme saint Bernard « ou saint Ignace de Loyola, ou avec le prêtre solitaire « dans sa demeure, ou avec les saintes sœurs de charité, « ou avec la foule illettrée devant les autels, qu’avec les « chefs ou les membres de toute autre communauté religieuse » . Voilà le grand fait, évident, historique, qui m’a converti — vers. lequel onl convergé toutes mes recherches particulières. Le christianisme n’est pas affaire d’opinion, c’est un fait extérieur, qui pénètre l’histoire du monde, qui s’y réalise, qui en est inséparable. Il couvre matériellement le monde, c’est un fait ou une ho continue, la même d’un boul à l’autre, distincte de

tout le reste ; être chrétien, c’est être de ce systè,

c’est s’y soumettre ; et toute la question étail ou est, quelle est à présent relie chose qui au premier

itholique ? La réponse impo ait ; l’Eglise