Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/581

Cette page n’a pas encore été corrigée
2649
2650
AVORTEMENT


niotomie, mais de toute opération qui tend directement à la mort du fœtus ; et c’est de toute opération de ce genre que la S. C. répète la formule : tuto doceri non posse licitam esse. Canoniste contemporain, 1890, p. 225.

IV. conclusions.

1° L’avortement directement volontaire, étant un homicide direct, est toujours mauvais, gravement coupable, et ne peut être légitimé par aucune raison. Voir Homicide. Il n’y a pas à alléguer un plus grand bien, le salut de la mère, l’intérêt de. toute une famille, les besoins d’autres enfants qui seraient abandonnés dans la misère, ni même l’intérêt de la société, le bien public s’il s’agit d’une personne constituée en dignité, fût-elle à la tête d’un État. C’est un principe moral d’une rigueur absolue qu’une fin honnête ne justifie pas des moyens coupables : non surit facienda mala ut éventant bona.

2° L’avortement indirectement volontaire peut être sans péché comme l’homicide indirect. Cette seconde conclusion est une application du principe bien connu que formulent et démontrent tous les moralistes dans le traité De aclibus humants : on peut taire un acte bon ou indifférent de sa nature, dont on prévoit deux ell’ets possibles, l’un bon, l’autre mauvais, pourvu que la volonté ait pour objet direct le bien, que ce bien soit, par rapport à l’acte posé, une conséquence aussi immédiate que l’eftet mauvais, et enfin qu’on ait des raisons suffisamment graves pour agir et permettre ainsi le mal. Cf. Génicot, Tlieol. mor. irist., Louvain, 1898, t. i, p. 15. Par application de ce principe, on excuse des assiégeants qui dans une guerre juste lancent des projectiles sur la ville assiégée, au risque de tuer des non-belligérants, par conséquent des innocents. S. Liguori, Theol. mor.,

1. III, n. 393, lue. cit., p. 243. Nous disons de même : une mère dont la vie est en danger, peut prendre un remède dont l’effet direct et immédiat sera de lui rendre li santé, quoiqu’elle prévoie que ce remède occasionnera probablement, sinon certainement, l’avortement. S. Liguori, ibid., n. 394, p. 246.

Une explication s’impose toutefois. Pour permettre un effet mauvais comme conséquence d’un de nos actes libres, il faut que nous ayons des raisons suffisamment graves, c’est-à-dire proportionnées au mal prévu. Or, il faut remarquer que l’enfant avorté meurt à la vie éternelle comme à la vie corporelle, par le fait qu’il ne peut être baptisé. Le salut corporel de la mère est-il une raison suffisante pour permettre un si grand malheur ? Nous répondons : I. Dans certains cas le médecin est convaincu que l’entant ne peut naitre, ni par conséquent être baptisé si la mère vient à mourir. De sorte que le mal de l’enfant que l’on permet en guérissant la mère est exactement le même qui serait arrivé par la mort de celle-ci. Tous les théologiens accordent qu’on peut, en cette hypothèse, pourvoir à la guérison de la mère. S. Liguori, ibid.

2. Dans d’autres circonstances, il y a un espoir fonde que l’enfant pourra être baptisé. Alors les casuistes sont hésitants. Quelques-uns ont dit : la mère n’est pas obligée de sacrifier sa vie aux inquiétudes qu’elle peut concevoir sur la condition future, incertaine d’ailleurs, de son enfant pendant l'éternité. Saint Liguori, toc. cit., déclare qu’il ne peut souscrire à ce sentiment : huic sententim nec valeo acquiescer e. Il se prononce avec l’opinion plus commune en sens opposé. L’enlant qui meurt sans baptême meurt pour le ciel, malheur infiniment plus grand que la mort temporelle. D’où l’ordre de la charité exige que la mère accepte ce moindre mal qui est la perte de la vie, plutôt que de causer, indirectement mais sciemment, ce mal beaucoup plus grand qui est en somme la damnation de l’enfant : nemitii licet ad tuendam vitam temporaleni positive exponere proximiim in necessitale conslitutum periculo mortit mternee. Ibid. La question de l’opération césarienne 1 1 <le l’obligation pour la mère de s’y soumettre, se rattache

à ces considérations ; mais nous ne la discutons pas ici. Voir Césarienne (Opération).

III. Peines canoniques.

Droit ancien.

Dès les

premiers siècles le crime d’avortement est assimilé à l’homicide et puni avec rigueur par les lois ecclésiastiques. Le concile d’Ancyre, en 314, can. 20, rappelle une règle qu’il dit ancienne et d’après laquelle les femmes coupables d’avortement étaient exclues de l'église jusqu'à la mort. Il atténue la rigueur de cette peine et la réduit à dix ans de pénitence : De mulieribus quve fornicantur et partus suos necant, vel quse agunt secum ut utero conceptos excutiant, antiqua quidem de/initio usi/ue ad exituni vitse eas ab ecclesia removet. Humanius autem nunc definimus, ut eis decem annorum tempus secundum prsefixos gradus pœnitentise largiamur. Hardouin, Acta concil., Paris, 1715, t. i, col. 279. Voir aussi les conciles d’Elvire, en 313, can. 63, ibid., col. 2Ô6 ; de Lérida, en 524, can. %ibid., t. H, col. 1064 ; in Trullo, en 706, can. 91, ibid., t. iii, col. 1694.

Le pape Sixte V publia contre les pratiques abortives la bulle Effreenatam, du 29 octobre 1588. Il rappelle dans cette constitution les canons des anciens conciles, nommément ceux de Lérjda et de Constantinople (in Trullo), puis il déclare que conformément à cette antique discipline, pour empêcher l’extension d’un mal déplorable, il frappe des peines qui vont être déterminées, tous ceux, de quelque dignité et de quelque ordre qu’ils soient, qui procureront l’avortement d’un fœtus animé ou inanimé, ou qui y coopéreront soit par eux-mêmes soit par des intermédiaires : Qui de cetero per se, aut interpositas personas, abortus seu fœtus immaluri, tam animati quam inanimati, formali vel informis ejectionem procuraveril percussionibus, venenis, niedicamenlis, potionibus, oneribus, laboribusque mulieri prsegnanli imposilis, ac aliis etiam incognitis, vel maxime exquisitis ralionibus, ila ut rc ipsa abortus inde secutus fuerit, ac etiam prægnantes ipsas mulieres, quse scienler prsemissa fecerint… Voici les peines qui sont portées : 1. excommunication taise sententise, dont l’absolution est réservée au saint-siège, contre tous les coupables ; 2. irrégularité pour l’admission aux ordres et l’exercice des ordres déjà reçus, dont la dispense est aussi réservée au saint-siège, même quand le délit sera occulte, comme il a été décrété par le concile de Trente, sess. XIV, c. vii, De reform., en ce qui concerne l’homicide. Magnum bullarium romaniun, Luxembourg, 1742, t. ii, p. 702.

Cette constitution très sévère souleva bientôt des difficultés d’exécution pratique, en raison surtout de la réserve de l’excommunication au saint-siège. D’autre part, elle condamnait implicitement l’opinion théologique dont nous avons parlé', d’après laquelle l’avortement du fœtus non animé> aurait été permis pour sauver la mère du danger de mort. Aussi fut-elle réformée ef atténuée ; moins de trois ans plus tard, par Grégoire XIV dans la bulle Sedes aposlolica, du 31 mai 1691.

Cette nouvelle constitution détermine ceci : 1. En ce qui concerne l’avortement du fœtus animé, l’excommunication est maintenue, mais sans réserve au siège apostolique, de telle sorte que tout prêtre délégué par l'évêque du lieu pourra absoudre le coupable. Il n’est rien dit de l’irrégularité. 2. Quant à l’avortement du fœtus inanimé, toutes les peines sont enlevées, et la question est remise en l'étal où elle (lait avant la constitution de Sixte V : per inde ac si eadem conslitutio in hujusmodi parte nunquam émanasse !. Magnum bullarium ronx., t. ii, p. 7(i(i.

Droit actuel.

L’irrégularité portée par Sixte V

contre les avorteurs, non supprimée par Grégoire XIV en ce qui concerne le lo’tus animé, n’a jamais été abrogée depuis. Elle reste donc une règle du droit canonique. Gasparri, De sacra ordiuatione, n. 405, Paris, 1893, t. i, p. 254.