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AVERROÏSME


évêque de Paris, l’an du Soigneur 1270, le mercredi après la fête du bienheureux Nicolas d’hiver » . C’était le 10 décembre. Denifle-Chatelain, op. cit., t. I, p. 486. Voici le texte des propositions condamnées. 1. Il n’y a numériquement qu’une seule intelligence pour tous les hommes. 2. Il est faux ou impropre de dire que c’est l’homme qui comprend. 3. La volonté de l’homme veut ou choisit sous l’empire de la nécessité. 4. Tout ce qui se passe dans le monde est soumis nécessairement à l’inlluence des corps célestes. 5. Le monde est éternel. 6. Il n’y a pas eu un premier homme. 7. L’âme qui est la forme de l’homme comme tel se corrompt par la mort. 8. L’àme séparée après la mort ne peut pas souflrir d’un feu corporel. 9. Le libre arbitre est une puissance passive et non active, mue nécessairement par son désir. 10. Dieu ne connaît pas les singuliers. 11. Dieu ne connaît rien en dehors de lui-même. 12. Les actions humaines ne sont pas soumises à la providence divine. 13. Dieu ne peut pas donner l’immortalité ou l’incorruptibilité à une chose corruptible et mortelle. Ct. Mandonnet, op. cit., p. cxxix.

5° La condamnation de 1270 lit peut-être taire les enseignements qu’elle prohibait, mais elle ne calma pas les esprits. Nous en avons une première trace dans une dispute quodlibétique soutenue par saint Thomas d’Aquin peu de temps après l’acte d’Etienne Tempier, l’évêque de Paris. Ces disputes portaient habituellement sur des questions d’actualité. Or, celle-ci résout entre autres problèmes, le suivant : « Doit-on éviter les excommuniés, lorsque les gens compétents ont des opinions diverses sur leur excommunication ? » Il est difficile de ne pas deviner là une allusion à la situation de certains averroïstes qui ne s’étaient sans doute pas complètement soumis et que d’aucuns voulaient, par conséquent, éviter comme excommuniés. L’effervescence continuait ; elle jeta bientôt des divisions prolondes dans la facultë des arts. A propos d’une élection au rectorat, les averî (ustes se divisèrent, nommèrent un recteur autre que celui choisi par la majorité. Pendant trois ans, il y eut deux facultés des arts ayant chacune ses chefs propres et sa vie indépendante. Les dissidents s’appelaient le parti de Siger qui en (’tait probablement devenu le recteur. On dut se laisser aller à de grandes témérités dans cette faction, si nous en jugeons par un règlement promulgué le 1° avril 1272 par le parti de la majorité, appelé le parti d’Alhéric, son recteur. Denifle-Chatelain, op. cit., t. I, p. 499. Entre autres choses, il est dit dans ce règlement : « Si quelqu’un conclut, dans Paris, contre la foi à l’occasion d’une question qui touche à la théologie et à la philosophie, celui-là sera réputé hérétique à perpétuité et retranché de la société des maîtres, à moins qu’il ne se rétracte humblement. Enfin quand un maître ou un bachelier de la laculté aura à lire ou à discuter des textes ou des questions difficiles qui semblent porter atteinte à la foi, il usera de prudence. Il réfutera les raisons ou le texte, ou même les déclarera simplement taux et erronés. Il se gardera aussi de lire ou de discuter les difficultés tirées du texte ou d’autres auteurs, niais les omettra entièrement comme « ’tant hors (le la vérité. » Trad. Manilonnet, op. cit., p. CCXIII.’tait, on le voit, la manière m ci ne de Siger que nous avons signalée plus haut et qui était ouvertement pro lilliee.

6° Toutes ces divisions, d’autres encore, mettaient l’université de ! ’; iris d.ms un étal lamentable, el peu s’en fallut que la crise de l’averroïsme n’ait été le coup de mort de la plus grande institution d’études du moyen Age. Heureusement, de pari et d’autre, les maîtres virent le danger et d’un commun accord recoururent à l’arbitrage du légat, Simon de lîrion. La sentence arbitrale est du 7 mai 127">. Elle rétablit l’unité « luis le gouvernement de la faculté des arts. Elle ne prononce aucune condamnation de doctrines, mais elle la prépare en me naçant de répression les auteurs de la division. Denifle-Chatelain, op. cit., t. I, p. 529. La paix ne se fit pas dans les esprits. Les maîtres averroïstes perdirent sans doute quelque prestige et des adeptes. Ils gardèrent, du moins clandestinement, leurs positions philosophiques et un décret du 2 septembre 1276 porté par l’université dut interdire les conventicules secrets. Ûenille-Chatelain, t. i, p. 539.

7° Instruit sur tous ces faits, le souverain pontife, Jean XXI, dans une lettre adressée à Etienne Tempier, le 18 janvier 1277, se plaint que certaines erreurs opposées à la foi se fassent jour de nouveau, il prescrit à l’évêque de Paris une enquête sur ces erreurs et leurs partisans et demande un rapport détaillé. Denifle-Chatelain, t. i, p. 541. Etienne Tempier fit l’enquête prescrite par le pape. Mais au lieu d’attendre, de provoquer même la sentence pontificale qui devait en être la conclusion toute naturelle, il se prononça lui-même et porta, le 7 mars, un décret condamnant 219 propositions tirées de l’enseignement de quelques maîtres es arts ou averroïstes ou simplement péripatéticiens, de certains livres de nécromancie ou autres superstitions. Les auteurs ou auditeurs desdites propositions devaient, dans les sept jours, sous peine d’excommunication, révéler ce qu’ils savaient à l’évêque ou à son chancelier. Ensuite l’évêque procéderait juridiquement contre les coupables, suivant la gravité de leur faute. Cet acte émanait d’un homme trop passionné, mêlait trop de choses, obéissait à des préoccupations trop humaines, à des vues d’école trop étroites pour jouir d’une grande autorité. Il était, en effet, plutôt une condamnation du péripatétisme en général, y compris l’averroïsme, qu’une prohibition exclusive de celui-ci.

8° Quoi qu’il en soit, il mettait les chefs averroïstes dans une situation fort dangereuse. A la suite de l’enquête qui avait précédé et des dénonciations qui durent en être la conséquence, Siger de Brabant et les autres maîtres de l’erreur furent l’objet de poursuites, quittèrent Paris et, avec leur disparition, s’éclipsa aussi pour un temps l’école averroïste.

Elle ne disparut pas totalement et longtemps encore elle lut l’adversaire le plus redoutable de la scolastique. Sa fuisse philosophie se retrouve, aux siècles suivants, à Paris, en Italie, où elle se fait des adeptes résolus dans l’université de Padoue ; elle s’infiltre sourdement en plus d’un système doctrinal ; elle mène la scolastique à la décadence et à la ruine.

IV. Li : s IDÉES. — Il n’est pas une partie de la science chrétienne que l’averroïsme n’ait tenté de pervertir dans ses thèses principales. Pour le prouver nous recourrons, outre les propositions condamnées en 1270 et en 1277, à VHexæmeron de saint Bonaventure, collât, vi, Opéra oninia, Quaracchi, t. v, p. 3604)61 ; au catalogue des erreurs d’Averroés donné par Cilles de Home, dans Mandonnet, op. cit., p. 5 sq., et aux diverses œuvres de Siger de Brabant éditées par Bâumker et par le P. Mandonnet.

1° En théologie, les averroïstes attaquent tout le système catholique des rapports des créatures avec le créateur. Avec eux Dieu cesse de créer, de gouverner sa Créature, de la conserver, de concourir à ses actes. L’échelle des êtres a Dieu à son sommet, en bas les natures matérielles, sphères incorruptibles et intelligentes,

ou espèces terrestres corruptibles et passagères, au centre

les intelligences séparées. Celles-ci sont nécessaires et

ne peinent pas ne pas être, elles produisent les sphères

incorruptibles, qui, à leur tour, appellent à l’être les natures corruptibles de ce inonde terrestre. Dieu n’a connaissance que de ce qui est nécessaire, universel,

immatériel et causé par lui. liés lors il ne connaît pas ce bas monde, et n’en a cuvf pour y exercer une provi

deiice ou un concours quelconque.

2° En cosmologie, le monde est éternel : en vertu de