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APOSTASIE


Excommunicationi latæ sententiaa speciali modo romano pontifici réservât » subjacere declaramus :

I. Omnes a christiana fide apostatas et omnes ac singulos hæreticos quocumque nomine censeantur, et cujuscumque sectae existant, eisque credentes, eorumque receptores, fautores, ac generaliter quoslibet illorum defensores.

importe de voir dans quelle mesure cette constitution récente maintient et confirme l’excommunication portée contre les apostats et leurs fauteurs :

Nous déclarons soumis à l’excommunication latx sententix spécialement réservée au pontife romain :

I. Tous les apostats de la foi chrétienne, et tous et chacun des hérétiques, quel que soit leur nom et à quelque secte qu’ils appartiennent, et ceux qui croient en eux, ceux qui les reçoivent, ceux qui les favorisent et généralement tous ceux qui les défendent.

Nous n’avons plus à expliquer ce qu’est un apostat. Remarquons seulement que l’excommunication n’atteindrait pas un acte d’apostasie purement interne, mais qu’elle suppose une manifestation extérieure, car elle est une peine de for externe.

Credentes apostatis sont ceux qui, sans avoir euxmêmes apostasie formellement, écoutent volontiers les apostats et, par des paroles ou des actes, approuvent, du moins en général, leur manière de penser et de dire. Au fond, c’est ce que nous avons appelé plus haut l’apostasie implicite ou interprétative. Elle ne se dislingue pas essentiellement de l’apostasie explicite et formelle. Lehmkuhl, Theologia moralis, n. 921, Fribourg-enBrisgau, 1888, t. i, p. 656.

Receptores sont ceux qui donnent refuge aux apostats en tint qu’apostats, pour leur permettre d'échapper aux poursuites de l’autorité légitime.

Fautores, ceux qui les favorisent par une coopération quelconque, positive ou négative. Sont coupables de coopération positive, ceux qui soutiennent les apostats par des déclarations ou écrits en leur faveur, par des attaques contre la législation ou la procédure ecclésiastiques, par un appui matériel ou moral dans la résistance. Sont coupables de coopération négative, ceux qui, étant tenus par office de dénoncer, poursuivre ou punir les apostats, manquent à cette obligation.

Defensores, terme général comportant d’abord la signification des précédents et désignant de plus toutes les formes possibles de protection, en paroles, en écrits, en actes, en intluence, au profit des apostats, quand même on ne participerait en aucun degré à leur incrédulité ou à leur fausse croyance. Grandclaude, Constitutio qua censurx lalas sententim limilantur, Paris, 1877, p. 26-27.

II. Tous ceux et chacun de ceux qui lisent sciemment, sans l’autorisation du siège apostolique, des livres d’apostats ou d’hérétiques, soutenant l’hérésie, … et ceux qui gardent Ces mêmes livres, qui les impriment ou les défendent d’une manière quelconque.

C’est encore une forme de coopération à l’apostasie ou à l’hérésie, qui est atteinte par cette excommunication.

1° De quels livres s’agit-il 7 Des livres écrits par les apostats ou hérétiques pour soutenir et justifier leur erreur dans la foi. Il ne suffit pas que l’erreur soit simplement énoncée dans le livre ; il faut qu’elle y soit appuyée ou défendue, propugnantes. Mais, d’autre part, il n’est pas nécessaire que l’auteur se soit fait connaître précédemment comme renégat. L’acte d’apostasie peut être son livre même, l’eut-on hésiter, par exemple, à i li Vie de Jésus, par Renan, parmi les livres d’apostats él ritS pour ma ni Tester et soutenir l’apostasie'.' Grandclaude, loc. cit., p. '.'A).

Quels sonl les actes que l’excommunication atteint ?

Scienter legenles : Ceux qui lisent ces livres iciem II. Omnes et singulos scienter legentes, sine auctoritate sedisapostoliese, libros cm modem apostatarum et hæreticorum hærcsim propugnantes, … eosdemque libros retinentes, imprunentes et quomodolibet defendentes.

ment, c’est-à-dire, sachant bien que ce sont des livres d’apostats, interdits à ce titre et sous peine de censure. Peu importe l’intention du lecteur : qu’elle soit bonne ou mauvaise, l’interdiction et la peine subsistent également. Mais il ne suffirait pas d’avoir lu seulement quelques lignes pour être atteint par la censure ; il faut avoir commis un péché mortel, et, par conséquent, avoir lu ce qui peut constituer une matière grave. Certains casuistes sont d’avis que la lecture de quelques lignes serait déjà matière grave ; d’autres requièrent une page entière ; d’autres même davantage. « La meilleure règle me paraît être, dit Grandclaude, loc. cit., p. 28, celle qui prend pour base non pas le nombre de lignes qui sont lues, mais le péril auquel s’expose le lecteur, et, conséquemment, la matière grave variera selon les lecteurs et selon les cas. »

Retinentes : Ceux qui gardent sciemment un de ces livres, soit qu’il leur appartienne, soit qu’il appartienne à d’autres, pourvu qu’ils le conservent pendant un temps assez notable, environ pendant trois jours. Lehmkuhl, T/ieol. mot :, n. 921, t. ii, p. 658 ; Marc, Inst. nwr., n. 1316, t. i, p. 817. Les libraires, les dépositaires, les emprunteurs sont atteints par la censure.

Imprimentes : Sous ce nom il faut comprendre l'éditeur, le directeur de l’imprimerie, les compositeurs typographes et tous les ouvriers qui coopèrent directement et sciemment à l’impression du mauvais livre.

Defendentes : Il y a deux manières de se constituer défenseur d’un livre d’apostat : 1° par des actes, en le mettant en vente, le colportant, et, à l’occasion, le cachant, pour qu’il ne soit pas confisqué ; 2° par des paroles ou des écrits, en en faisant l'éloge, en vantant la science et le talent de l’auteur, pour établir le mérite de l’ouvrage et conclure à sa conservation. Tous ceux qui agissent ainsi sont défenseurs du mauvais livre et partant excommuniés.

La constitution Officiorum, publiée par Léon XIII, le 21 janvier 1897, art. 47, reproduit exactement, sans y changer un mot, cette excommunication de la bulle Apostolicx sedis, contre la lecture de certains livres. Voir Péries, L’Index, Commentaire de la constitution apostolique « Officiorum » , Paris, 1898, p. 217.

Voir, au mot Hérésie, les autres peines qui dans le droit actuel atteignent les apostats comme les hérétiques.

IV. L’apostasie cause de séparation dans le mariage. — 1. Légitimité. — Dans le mariage chrétien, l’apostasie d’un des époux est, pour le conjoint resté fidèle, une cause légitime de séparation de corps et d’habitation. Ceci est établi par tous les droits, naturel, divin et canonique.

En droit naturel, un chrétien doit avant tout sauvegarder sa foi et assurer son salut éternel. Or la foi et le salut d’un époux sonl mis en danger par l’apostasie du conjoint dont il partage la vie de chaque jour. Le danger peut être évident et prochain, et alors l'époux fidèle doit renoncer à la vie commune ; ou bien il n’est qu'éloigné, incertain pour le présent mais toujours possible pour l’avenir, et alors quoique le Gdèle n’ait pas l’obligation de se séparer immédiatement, il a du moins une raison suffisante de le faire.

Le droit divin positif confirme ces déductions du droit naturel. Notrc-Seigneur dit : « Si quelqu’un vient à moi, et ne hait pas (s’il le faut) son père, sa mère, son épouse, … il ne peut être mon disciple. » Luc, xiv, 16. Kl ailleurs, Malth., xix, 29 : « Quiconque quittera son épouse, … pour l’honneur de mon nom, sera béni au centuple et aura la vie éternelle. » N’est-ce pas enseigner assez clairement que l 'homme doit quitter son épouse, et la femme son époux, pour la sauvegarde de sa foi chrétienne i i l’accomplissement de ses devoirs envers Dieu ? — Quelques auteurs voient un autre argument, dans le texte de saint Matthieu, v, .'12. NotreSeigncur dit à ce ! endroit que la séparation est légitime