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AVARICE


dans la mesure qui serait convenable, soit pour le soulagement des misères d’autrui, soit même pour la satisfaction normale de ses besoins personnels. Sous cette forme, il y a, dit saint Thomas, toc. cit., a. 3, un péché opposé à la vertu de libéralité. Le saint docteur définit la libéralité, ibid., q. cxvii, a. 1 : « une vertu par laquelle nous faisons bon usage des biens extérieurs qui nous ont été donnés pour notre sustentation. »

/II. SA gravité. — Disons d’abord que si l’avarice est contraire à la justice, à titre, soit de vol, soit d’injuste détention, elle a de toute évidence la gravité de ces péchés, mortelle ex génère suo. S. Thomas, ibid., q. cxvin, a. 4. Voir Détention et Vol.

Mais si elle n’est que l’attachement exagéré à son propre bien, contraire, comme nous avons dit, à la vertu de libéralité, les moralistes s’accordent à dire qu’elle est seulement faute vénielle ex génère suo. S. Thomas, toc. cit. ; Noël Alexandre, Tract, de peccatis, c. v, a. 3, reg. 2, dans Migne, Theol. curs. compl., t. xi, col. 853 ; Busenbaum, Medulla theologise moralis, 1. V, c. iii, dub. II, Bruxelles, 1661, p. 530, reproduit sans commentaire dans S. Liguori, Theol. mor., 1. V, n. 68, Paris, 1884, t. i, p. 259, et dans Ballerini, Opus theol. morale, tr. IV, De peccatis, n. 59, Prato, 1889, t. I, p. 574 ; Génicot, Theol. mor. institutions, Louvain, 1898, t. i, p. 1 50. Cet enseignement unanime est fondé sur des considérations de raison qui peuvent se résumer ainsi : D’une part, la vertu de libéralité, prudente dispensation des biens de la fortune, n’oblige pas sub gravi, quand ni la justice ni la charité ne sont en jeu. D’autre part, l’attachement à la richesse est légitime en lui-même et nécessaire dans une certaine mesure. Dépasser la mesure est une faute qui ne paraît pas constituer un grave désordre moral.

Mais aussi tous les auteurs font remarquer que ce péché, véniel en lui-même quand on le considère dans sa simple opposition à la vertu de libéralité, ex génère suo, peut devenir et devient de fait mortel, en raison de circonstances qui transforment ou aggravent notablement son caractère de culpabilité, per accidens. Voici des exemples : 1° L’amour de l’argent peut arriver aune telle exagération que l’avare soit disposé à sacrifier ses devoirs de religion et la grâce divine plutôt que son argent. Une telle disposition réfléchie et volontaire est mortellement coupable. 2° L’avare, sans léser des droits de justice, peut violer cependant des obligations incontestables de charité. Il ne fait jamais l’aumône. Or, il y a des circonstances où l’aumône est gravement obligatoire. Voir Aumône. 3° Il faut tenir compte aussi du tort que l’avare se fait à lui-même par ses préoccupations exagérées et ses privations imprudentes, soit dans sa santé et ses autres intérêts temporels, soit aussi et surtout dans sa vie chrétienne et ses intérêts surnaturels. D’où, on peut rencontrer, dans la vie pratique, des avares gravement et très gravement coupables. C’est de ceux-ci que le livre de l’Ecclésiastique porte ce jugement sévère, x. 9, 10 : Avaro nihil scelestius ; … ni/ni est iniquius quam amare pecuniam. Ce sont eux aussi que saint Paul exclut du royaume des cieux, 1 Cor., VI, 10 : Negue avari… regnum Dci possidebunt.

III. PÉCHÉS DÉRIVÉS.

L’avarice est un vice ou péché capital. In péché doit être considéré comme capital, dil saint Thomas, eu raison surtout de la tin qu’il poursuit : vitia capitalia dicuntur ex guibus alla oriuntnr, prxcipuc xecundum ralionem causa finalis. Sum. theol., I* II*, q. i.xxxiv, a. ï. Quelle est donc la fin propre du péché d’avarice ? Quel est l’objet où s’arrête la volonté de l’avare 7 Nous avons répondu : c’est la richesse. Or, personne ne conteste que la richesse et

tous les biens que ce mot désigne M’' < ri ' > I) t sur l’nn.i gination et la volonté de l’homme une influence puissante, qui peut devenir un entraînement en dehors des

DICT. DE T1IÉOL. CA1U0L.

limites du devoir et par conséquent une source de péchés :

Quid lion mortalia pectora cogis

Auri sacra lames ?

Virgile, Enéide, 1. ni, 56.

Il faut conclure que l’avarice est comptée à bon droit parmi les péchés capitaux : Avarilia est principale vitium quia respicit ad pecuniam quæ habet quamdam principaiitatem inter boita sensibilia. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ , q. cxviii, a. 7.

Quels péchés naissent de cette source ? Saint Grégoire, Moral., 1, XXXI, c. xlv, n. 88, P. L., t. lxxvi, col. 621, en énumère sept qui constituent comme l’armée spéciale de ce chef qui est l’avarice : Habenl contra nos hœc omnia exercitum suum… De avaritia, prodilio, fraus, fallacia, perjuria, inquiétude), violentise et contra misericordiam obduraliones cordis oriuntur. Saint Thomas, toc. cit., a. 8, appelle ces péchés les filles de l’avarice : trahison, fraude, tromperie, parjure, inquiétude, violence et insensibilité à l’égard des malheureux. Et voici en quels termes il en établit la généalogie : « L’avarice, qui est un amour trop grand des richesses, excède de deux façons. D’abord elle tient trop à la conservation des biens, et de là résulte l’insensibilité, car le cœur de l’avare n’est point touché par la compassion, ni porté à secourir les malheureux. Ensuite l’avarice excède dans la recherche de la fortune ; et sous ce rapport on peut encore la considérer de deux manières. Premièrement dans l’affection de la volonté, elle produit l’inquiétude, parce qu’elle cause à l’homme des soucis et soins superllus, selon ce qui est dit dans l’Écriture : « l’avare ne sera jamais « rassasié d’argent. » Eccle., v, 9. Secondement dans ses effets extérieurs, elle emploie quelquefois la force pour s’approprier le bien des autres, ce qui est la violence ; quelquefois le dol, qui s’appelle la tromperie, s’il consiste en une simple parole ; le parjure, si on y ajoute un serment ; la fraude, s’il est commis par des actes et a pour objet des choses ; la trahison, s’il a pour objet des personnes, comme on le voit par l’exemple de Judas, qui trahit le Christ par avarice. »

IV. Remèdes.

Les moralistes et les auteurs ascétiques ont recherché des remèdes contre le vice d’avarice. Nous groupons sous trois titres les principaux d’entre ces remèdes.

I. CONSIDÉRATIONS D’ORDRE SURNATUREL. — Ces considérations porteront sur deux points : 1° L’exemple de N.-S. J.-C. — Jésus était maître de toutes les richesses du monde ; pourtant il a voulu naître, vivre et mourir dans la pauvreté : egenus factus est cum esset dives. II Cor., viii, 9. Il est né dans l’étable de Bethléhem ; il a vécu du travail de ses mains dans l’atelier de Nazareth ; il n’axait pas, pendant sa vie publique, où reposer sa tête, Luc, ix, 58 ; il est mort dans le dénûment du Calvaire et lut inhumé dans un sépulcre d’emprunt. Cette leçon ne peut rester sans profit pour une aine qui a gardé la loi.

La difficulté du saint pour les riches.

Qu’il nous

suffise de rappeler quelques textes scripturaires en ce sens : Barucb, ni, 18-19 : « Où sont ceux qui ont amassé dans leurs trésors l’argent et l’or en qui les hommes mettent leur confiance ? Ils ont été exterminés et sont descendus dans les enfers. » — Matth., xix, 24 : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux. » — Luc, VI, 24 : « Malheur a vous, riches, parce que vous avez ici-bas voire consolation. » — I Tint., VI, 9 : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et le piège de Satan, et dans de nombreux

désirs vains et pernicieux qui c luisent l’homme à sa

perte et à sa damna lion. »

II. CONSIDÉRATIONS D’ORDRE RATIONNEL. —I" L’avare n’est pas heureux. — D’abord il ne jouit pas de sa

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