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AUMONE


individuelle seule pourra porter utilement le secours eflicace.

2° Mais, d’autre part, l’aumône occasionnelle ne suffirait point. Elle a ses imperfections : surabondante aujourd’hui, elle peut être insuffisante demain. Il importe qu’il y ait une aumône organisée qui pourvoie d’une manière régulière et permanente au soulagement de la misère. C’est pourquoi des institutions de bienfaisance ont été fondées, dans lesquelles on centralise les aumônes pour en taire participer en proportion de leurs besoins les malheureux d’une paroisse, d’une cité, d’une province. L’aumône sous cette forme est plus ordinairement désignée sous le nom d’assistance.

C’est à l'Église que revient l’honneur d’avoir, la première, institué des œuvres d’assistance. « Elle a tellement excellé en ce genre de bienlaits, dit Léon XIII, encyclique JRerum novarum, que ses propres ennemis ont fait son éloge. » Et le souverain pontife rappelle que les premiers chrétiens mettaient leurs biens à la disposition des apôtres pour leurs frères pauvres ; que les diacres furent institués pour la distribution quotidienne des aumônes ; que saint Paul organisait des collectes et portait lui-même les secours aux chrétiens indigents ; que peu à peu se formèrent de pieux dépôts pour « entretenir et inhumer les personnes indigentes, les orphelins pauvres des deux sexes, les domestiques âgés, les victimes du naufrage » . Cette action de l’Eglise s’est continuée à travers les siècles et s’exerce encore sous nos yeux.

L’assistance peut être organisée, ou bien par l’initiative particulière d’une ou de plusieurs personnes charitables, ou bien par l’initiative de l'Étal ou de ses représentants dans une ville, un département, une province. Dans le premier cas, c’est ïassistance privée ; dans le second, l’assistance publique.

L’assistance privée a donné naissance à un grand nombre d'œuvres : crèches, asiles, patronages, hôpitaux, secours à domicile, etc. La distribution des secours est faite dans ces œuvres par des personnes qui n’ont aucun caractère officiel.

L’assistance publique comprend les institutions secourables organisées par les pouvoirs publics. Elle agit sous différents titres : 1° comme organe de distribution de certains secours qui viennent des particuliers, des communes ou de l'État, par exemple, les bureaux de bienlaisance ; 2° comme service public suppléant et complétant les œuvres de L’assistance privée, par exemple, les hospices ; 3° comme institution de police et de préservation sociale, par exemple, les dépôts de mendicité et le patronage des libérés.

L’assistance publique est ordinairement alimentée par des aumônes ou subventions libres. Mais elle l’est aussi, en certains pas, par des impôts forcés sur les riches, telle la taxe (1rs pauvres en Angleterre. Dans ce cas, la charité officielle prend le nom d’assistance légale.

L’assistance privée est de tout point excellente, et c’est le devoir d’un gouvernement soucieux de l’intérêt général de la protéger et encourager. - L’assistance publique est nécessaire, d’autre pari, pour compléter l'œude la charité privée, quand celle-ci ne suffit pas a protéger efficacement toutes les misères. — L’assistance légale donne lieu a de nombreuses et graves critiques, dont la principale est celle-ci, qu’une fois constituée (lie tendrait a supprimer les aumônes privées et a établir un monopole de charité entre les mains de l'État, ce qui serait un abus de pouvoir et un pas en avant vers le socialisme. Antoine, Cours d'économie sociale, Paris, 1896, p. 616.

V. Conditions. - L’aumône n’est légitime et recommandable qu’a la condition de ne violer aucun droit, ni de justice, ni île charité. D’où les conditions suivantes :

I' ihi côté du bienfaiteur. I. Celui qui donne doit donner de son propre bien et non du bien d’autrui.

Faire l’aumône c’est transférer au pauvre la propriété d’un bien ; or, nul ne peut transférer une propriété qu’il n’a pas. En conséquence un injuste détenteur ne peut secourir les malheureux à l’aide du bien qu’il possède injustement ; son premier devoir est de restituer. De même un débiteur ne peut faire des générosités tant qu’il n’a pas satisfait ses créanciers ; un enfant et un domestique ne peuvent donner l’argent qui appartient soit aux parents, soit aux maîtres.

Faisons cependant deux réserves : a) Dans le cas d’extrême nécessité', on peut prendre sur le bien d’autrui pour secourir le prochain, car alors le droit de propriété perd sa rigueur. — b) Les enfants ou les domestiques qui interprètent raisonnablement les intentions de leurs parents ou de leurs maîtres, pour faire quelquefois de menues aumônes en leur nom, sont exempts de faute en raison du consentement lacite des intéresses.

i. Il faut de plus que celui qui donne ait la libre disposition ou l’administration de son bien. La faculté de donner peut en effet être liée par des lois sages, fondées sur des raisons d’ordre social et de droit naturel. C’est ainsi que les mineurs et les femmes mariées ne peuvent disposer des biens dont ils sont les propriétaires, ni même des revenus de ces biens. L’aumône leur est interdite par le fait même.

Cependant il faut entendre cette règle des aumônes considérables et non des menues offrandes qui peuvent être données accidentellement et dans les limites d’une sage prudence. En ce qui concerne particulièrement les femmes mariées, saint Liguori enseigne, avec la plupart des auteurs, qu’elles peuvent laire les aumônes ordinaires et communes que font les femmes de leur condition, malgré l’opposition formelle du mari, parce que la coutume leur a concédé ce droit qu’il n’est pas au pouvoir du mari de leur enlever. Theol. moi'., 1. 111, n. 540, Paris, 1878, t. ii, p. 332.

2° Du côté du pauvre.— 1. L’aumône doit être « universelle » , c’est-à-dire qu’il n’en faut exclure aucun pauvre. L’aumône est, en effet, un acte de la vertu de charité. < >r, la charité est sans exclusion ; elle s'étend aux étrangers, aux infidèles, aux impies, même aux ennemis : « Si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger ; s’il a soif, donnez-lui à boire. » Rom., xil, 20. — Cependant il n’est pas interdit à un riche d’avoir ses pauvres de prédilection, à qui il dispensera la plus grande part sinon la totalité' de ses aumônes. Il peut pourvoir d’une façon spéciale aux besoins de ceux-ci, pourvu qu’il n’exclue pas absolument les autres de sa bienveillance et qu’il soit dispose a leur venir en aide, tussent-ils ses ennemis, en cas de nécessité grave.

2. L’aumône doit être ordonnée comme la charité. a) Il faut pourvoir à la nécessité extrême avant la nécessité grave ; à celle-ci avant la nécessité commune. — b) Toutes choses ('gales, il faut assister ses proches avant les étrangers, les bons et les vertueux avant les méchants et les impies. S. Thomas, Sum, theol., Il* II*, q. xxvi, a. 8.

3. L’aumône doit être faite avec prudence et discernement, car il n a pas d’acte de vertu s’il n’est réglé par la prudence. C’est pourquoi : ") Il ne laitl donner qu'à de vrais pauvres. Agir autrement et donner à ceux qui n’ont pas besoin d’assistance serait priver d’aidant les malheureux qui manquent du nécessaire. — b Il ne faut pas non plus, sous prétexte de bienfaisance, tavoriser le vice, par exemple la paresse ou l’ivrognerie.

A ce sujet, les moralistes et les économistes s’accordent à proclamer qu’une des lormes les plus recom mandables de la charité pour le-- malheureux est l’assistance par le travail. Donner une occupation et une rémunération proportionnée > l’ouvrier sans travail, est un acte de charité qui arrache le pauvre au danger de l’oisiveté >i le relève a ses propres >eux, en lui permettant de gagner lui-même sa subsistance. Voir d’Haus-