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APOLOGISTES (LES PÈRES) — APOSTASIE

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christianisme, de son histoire, de ses titres de crédibilité, de son enseignement, de sa morale, de ses résultats sociaux. Justin, Tatien, Hermias, Athénagore, Octavius, Tertullien, en nous révélant ces motifs, ont ainsi fourni les divers éléments d’une démonstration substantielle de la divinité du christianisme.

Le christianisme opérait chez ses adhérents, quels qu’ils fussent, à quelque rang de la société qu’ils appartinssent, une transformation telle qu’on n’en avait jamais vu de semblable : pureté de vie, grandeur du caractère, noblesse des sentiments, courage devant l’épreuve, héroïsme devant la mort, sérénité et patience imperturbables, sans le moindre essai de révolte, sans la moindre manifestation de haine ou de simple hostilité ; phénomène nouveau qui sollicitait, de la part de tout esprit droit et réfléchi, un examen approfondi. Les chrétiens prétendaient se rattacher à un crucifié nommé Jésus, qu’ils adoraient comme leur Dieu, puiser dans leur foi la pratique de toutes les vertus, posséder la vérité révélée, tenir, en y adhérant, une conduite éminemment rationnelle, appuyés qu’ils étaient sur des livres sacrés, les uns de date récente, les autres de date ancienne, mais portant tous la marque de leur origine divine et un témoignage absolument convaincant. Le fait contemporain de l’existence du christianisme et de sa puissance de transformation dans l’individu, la famille et la société, étant indéniable, n’était-ce pas déjà une forte présomption en faveur de son caractère extraordinaire ? Restait à expliquer ce fait. Pour le faire, les apologistes étudièrent l’Écriture, soit dans le texte hébreu que possédaient les Juifs, soit dans la traduction des Septante que chacun pouvait consulter, l’un et l’autre de beaucoup antérieurs à l’apparition du christianisme. Or, l’Écriture renferme un grand nombre de prophéties et comme l’histoire anticipée de la venue, de la vie, du rôle et de l’œuvre de Jésus-Christ, de l’incrédulité et du châtiment des Juifs, de la conversion des gentils, c’est-à-dire de l’établissement du christianisme. Si donc il conste, d’un côté, que ces prophéties existent, et, de l’autre, qu’elles sont pleinement réalisées, la preuve est acquise : Jésus-Christ est Dieu ; le christianisme est divin, Justin, Apol., i, 12, 30, 53, col. 315, 376, 405 ; il n’y a plus qu’à croire, Justin, Dial., 7, col. 492 ; Tatien, Oral., 35, col. 877 ; Athénagore, Légat., 7, col. 901 ; Théophile, Ad AutoL, i, li, col. 1015.

C’était là, aux yeux des apologistes, la démonstration capitale, décisive. Elle était d’un contrôle aisé puisqu’il n’y avait qu’à rapprocher des témoignages écrits, garantis doublement parle texte et par la traduction, avec le récit des événements passés, au siècle d’Auguste, sous les yeux des Romains, sous Ponce Pilate. Et par là s’expliquaient et la sublimité de la doctrine, et l’excellence de la morale, et la beauté du culte, et la rapide propagation de la foi malgré les obstacles, et l’efficacité de transformation que possédait le christianisme, et la vertu des chrétiens, et leur pouvoir sur les démons, et leur attitude héroïque devant le martyre : autant de traits que les apologistes eurent le soin d’indiquer comme autant de preuves à ajoutera la première. Sans doute, alors comme aujourd’hui, les humbles ne pouvaient pas trouver scientifiquement la raison de leur foi, ils en prouvaient du moins l’excellence par leur conduite ; ils ne débitaient pas de beaux discours, ils produisaient de belles actions, Athénagore, Légat., 11, roi. 912 ; Non eloquimur magna sed vivimus, Octavius, 3b, P. L., t. iii, col. 357 ; ils mouraient pour le Christ, ce que jamais disciple ne fit pour aucun philosophe. Mais, à leur défaut, des esprits cultivés, tels que les apologistes pouvant revendiquer leurs titres de philosophes et de lettrés, motivaient leur adhésion à la foi et <l imontraient rationnellement le bien-fondé de leur conduite. Leur— preuves restent acquises, dans leur ensemble puissamment lié ; on y reviendra toujours, sauf à insister, suivant les circonstances, sur l’une ou sur l’autre, et à les enrichir, selon les besoins, de considérations et d’aperçus nouveaux. Mais quelle que soit l’évolution de l’apologétique, les Pères apologistes garderont l’honneur d’avoir ouvert la voie et seront lus toujours avec profit.

Introduction de D. P. Maran dans Otto et Migne ; Cabanes, Étude critique de la méthode suivi* par les apologistes du ii’siècle, Strasbourg, 1857 ; Freppel, Les apologistes chrétiens au ir siècle, 2 in-8° Paris, 1860 ; Aube, De l’apologétique chrétienne au // siècle, Paris, 1861 ; Histoire des persécutions : La polémique païenne à la fin du u’siècle, Paris, 1878 ; Werner, Geschichte der apologetischen und polemischen Liter. der christl. Théologie, 5 in-8° Schafïhouse, 1861-1807 ; Donaldson, A critical history of Christian littérature…, The apologists, Ii-m, Londres, 1866 ; J. Moschakes, MtMtai nc f tSv z ? [jTt « vSv àn » XoY>iT."v…, Athènes, 1876 ; H. Dembowski, Die Quellen der christlichen Apologetik…, t. I, Leipzig, 1878 ; Ostroumow, Critique des témoignages d’Eusèbe et de saint Jérôme, touchant les apologistes grecs (en russe), Moscou, 1880 ; Mariano, Le apologie nei primi tre secoli délia Chiesa…, Naples, 1888 ; Schmitt, Die Apologie der drei ersten Jahrhunderte, Mayence, 1890 ; Harnack et Gebhardt, dans Texte und Untersuchungen, t. i, fasc. 1-3, Leipzig, 1882, 1883 ; Harnack, Geschichte der altchristl. Liter.., Leipzig, 1893, 1897 ; A. Ehrard, Die altchristliche Litteratur und ihre Erforschung seit 1880, dans les Strasburger theologische Studien, t. i, fasc. 4 et 5 Strasbourg, 1894, p. 78-97 ; von 1881-1900, ibid., Supplément, t. I. 1° part., Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 198-253 ; J. Rivière, Saint Justin et les apologistes du u° siècle, Paris, 1907.

G. Bareille. APOPHTHEGMATA PATRUM. D’origine inconnue, certainement postérieure au concile de Chalcédoine (45I), ce recueil grec de sentences fait parler les patriarches monastiques selon l’ordre alphabétique des noms depuis saint Antoine jusqu’à l’abbé Or. P. G., t. lxv, col. 71-440, d’après J.-B. Cotelier, Monumenta Ecclesiæ græcæ, in-4o, Paris, 1677-1686, t. iii, p. 171. Voir l’édition de Butler, Cambridge, 1898.

C. Verschaffel.

APOSTASIE.
I. Notion théologique.
II. Appréciation morale.
III. Histoire et peines canoniques.
IV. Cause de séparation dans le mariage.

I. Notion théologique.

L’apostasie, d’après l’étymologie du mot, est une désertion de son poste ou une renonciation à son état : àirb r<7T « u.at, se placer en dehors ou se séparer. Les théologiens et les canonistes distinguent, après saint Thomas, Sum. theol., II a II æ, q. xii, a. 1, trois espèces d’apostasie, selon qu’un fidèle renonce à la foi chrétienne après avoir cru, aposlasia a fide ; ou à la foi religieuse après avoir fait profession solennelle, aposlasia a religione ; ou à la vie cléricale après avoir été admis aux ordres sacrés, aposlasia ab ordine. Sanli, Prœlectiones juris canonici, Ralisbonne, 1899, 1. V, p. 112. Mais dans le langage théologique ordinaire, lorsqu’il est question de l’apostasie sans addition ou explication, il faut l’entendre de l’apostasie de la foi : « A parler simplement et rigoureusement, dit saint Thomas, lac. cit., la véritable apostasie est celle par laquelle on renonce à la foi. » En conséquence, c’est seulement de l’apostasie de la foi que nous nous occuperons dans cet article.

Nous la définissons : l’abandon total de la foi chrétienne par celui qui a reçu le baptême. Cette définition appelle quelques explications :

L’abandon de la foi chrétienne.

Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait apostasie, que le fidèle passe à une autre religion, qu’il professe par exemple le judaïsme, le paganisme ou le mahométisme ; il suffit qu’il abandonne sa foi, quand même il resterait ensuite étranger à toute croyance. Sont apostats par conséquent après le baptême reçu, les athées qui nient Dieu, les rationalistes qui rejettent toute doctrine révélée, les matérialistes qui ne croient plus qu’à la matière, les panthéiste qui identifient tous les êtres avec un Dieu qui n’est plus Dieu.