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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L’)

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fond qui les produit comme fruits nécessaires. Pour les détruire, il faudrait modilier physiquement cet être humain qui est le péché, c’est-à-dire reconstituer notre organisation physique. C’est pour n’avoir pas voulu souscrire à cet étrange système que l’Église catholique est accusée de pélagianisme. On le trouvera décrit dans le De servo arbitriode Luther, dans la Concordia, part. II, p. 640 sq., dans V Institution chrétienne, I. II, c. I, n.8sq., p. 291 ; dans la Profession de foi de la Rochelle, n. 9-11, p. G, par exemple : « même qu’après le baptême, c’est toujours péché quant à la coulpe, bien que la condamnalion en soit abolie aux enfants de Dieu. Outre cela, que c’est une perversité produisant toujours des fruits de malice, etc. »

4. Théorie de la justification.

a) Le rôle de l’homme est absolument nul dans le relèvement : Dieu seul doit tout faire ; c’est logique, les facultés ayant été absolument éteintes. Luther comparait l’homme déchu, à la statue de sel (femme de Lot), il ne peut pas plus agir que cette statue. In Gen., c. xix. Cf. Môhler, op. cit., t. I, p. 114 sq. — b) Le moyen unique d’être justifié, c’est la foi — confiance, sans actes ni mérites : et encore est-ce illogique, puisque la foi est, malgré tout, un effort personnel, une œuvre. — c) La nature de la justification est bien étrange chez les réformateurs : ils ont horreur de tout changement réel que Dieu opérerait dans l’âme : ni grâce sanctifiante, ni vertus infuses. Une simple imputation extrinsèque de la justice du Christ. On comprend ainsi qu’elle soit inamissible ; tous les péchés anciens, ou plutôt le péché permanent subsistait avec cette imputation de la justice du Christ ; elle subsistera également avec de nouvelles fautes. — d) L’effet merveilleux de cette justification, c’est la fameuse liberté chrétienne qui met le chrétien au-dessus de toutes les lois ; il a beau les violer toutes, il reste toujours saint et parfait (en même temps que criminel) parce que ses crimes ne lui sont point imputés, et au contraire la justice du Christ lui est imputée.

3° L’Eglise à Trente a sagement maintenu le véritable auguslinisme entre les deux excès. — 1. Contre le pélagianisme, le concile a défini de nouveau les grandes maximes augustiniennes sur le péché originel et la nécessité de la grâce. — a) Sur le péché originel elle affirme (sess. V, Denzinger, Enchiridion, n. 669) : a. dans Adam, le changement in détenus secundum corpus et animant, can. 1 ; b. la transmission à tous ses fils, du peccatum quodest mors animai, can. 2 ; c. son inhérence à chaque âme, inest anicuique proprium, et sa destruction par le Christ seul, can. 3 ; d. son existence dans les entants, même des chrétiens, can. 4 ; e. il est totalement remis par le baptême (contre les réformateurs), can. 5.

— b) Sur la nécessité de la grâce, les Pères de Trente sanctionnent les canons d’Orange : a. l’impuissance des œuvres humaines sans la grâce, sess. VI, can. 1, Denzinger, n. 693 ; b. la nécessité de cette grâce, non ut facilius possit, mais pour pouvoir, can. 2 ; c. nature de la grâce actuelle et des actes requis, can. 3.

2. Contre le prédestinatianisme protestant.

a) Le concile venge la liberté : a. elle survit à la chute et n’es ! pas titulus suie re, sess. VI, can. 5 ; b. son pouvoir de résister à l’action de la grâce, posse dissentire si velu, can. 4 (le concile du Vatican a dit oui résistera posse t, t.defide, c m. Denzinger, n. 1640) ; c. son pouvoir d’agir bien ou mal, can. 6 ; d. même l’infidèle, ne pèche pas dans tous ses actes, can. 7. — b) Le concile condamne ensuite expressément : a. la prédestination au mal, can. 17 ; b la justification par la foi seule, can. 9-16 ; c. la liberté chrétienne des protestants (nécesdes bonnes œuvres et leur mérite), can. 19-33. Voilà le véritable augustinisme préservé de tout <

VI. LB FAUX WGOSTINISMB DBS JANSÉNISTES (01 PRÉ-DB 8TINAT1ANISMB DÉGUl É) ESI SXt II ni : l’ÉOLISB. — Le jansénisme est par excellence l’hérésie de l’augusli nisme excessif ; pendant plus de deux siècles (depuis 1561, dénonciation du livre de Baius, au synode de Pistoie, 1791), elle a profondément troublé l’Église, en s’appuyant uniquement sur le docteur d’Hippone, et en lui empruntant ses propres formules, mais entièrement détournées de leur propre sens. Jansénius avouait que sa doctrine était contraire à celle qui, depuis l’époque des scolastiques, était familière presque dans toute l’Église universelle depuis environ cinq cents ans. Mais l’autorité irréfragable d’Augustin le rassurait contre tout. Augustinus, t. ii, lib. proœm., c. xxx, p. 26. Cf. Fénelon, Dialogues sur le système de Jansénius, 17 « lettre sur la nouveauté de ce système, Œuvres, édit. Lebel, Paris, 1823, t. xvi, p. 7.

Trois noms, Baius († 1589), Jansénius (fl638), Quesnel (-J- 1719), représentent les trois phases d’une erreur dont la souplesse admettait diverses tonnes en gardant toujours les mêmes principes fondamentaux. Ces trois noms exigeront chacun un article ; ici il suffit d’indiquer les principes communs, pour qu’on en voie le rapport avec les autres interprétations de l’augustinisme ; il faut rappeler l’affinité des formules entre le système janséniste et le système norisien déjà exposé. Voir Au GUSTIMANISME.

Exposé du système.

1. A la base du système

est l’erreur fondamentale sur le caractère purement naturel de la justice originelle. — Pas plus que Luther, les jansénistes n’ont connu les deux ordres, naturel et surnaturel, a) L’élévation de l’homme à une d’gn’lé divine par la filiation adoptive que Dieu lui accorde au de la de toutes les exigences de sa nature est pour eux absolument inintelligible. — a. Surnaturel nié dans Adam : tous les dons qu’il a reçus, immortalité, science, intégrité, grâce sanctifiante, destination à la vue de Dieu dans l’éternité, tout cela n’est pas une partie de sa nature (Luther), ce n’est pas non plus seulement exigé par la bonté du créateur (augusliniens), c’est exigé absolument par la nature de l’homme. Il n’est donc pas élevé : il est à son rang d’homme. — b. Surnaturel nié dans l’homme déchu et racheté. En effet, la rédemption rétablit l’homme dans quelques-uns des droits qui étaient dus à sa nature. Tout au plus, quand les jansénistes se sentaient gênés par l’enseignement commun, accordaient-ils le mot surnaturel, mais en y attachant un sens tout nouveau : la grâce de Dieu, bien que due à la nature humaine avant le péché, est surnaturelle pour notre nature coupable, parce que ses fautes l’ont rendue positivement indigne de ce don qui par suite devient indebitum, totalement gratuit. Il en résulte que pour eux l’état de nature pure, c’est-à-dire d’un homme qui, sans péché originel, serait sujet à la concupiscence et aux autres maux de l’humanité actuelle, est absolument inconcevable.

b) De ce principe nait une conception protestante du péché originel et de l’état de l’homme déchu. Le péché originel est envisagé comme une altération très grave des facultés naturelles de l’homme. Les jansénistes n’accordent pas à Luther que les facultés humaines ont perdu toute leur activité’, mais, avec Calvin, ils avouent que toute liberté de choix, toute liberté d’indifférence, c’est-à-dire tout pouvoir de choisir entre deux partis est absolument anéanti.

c) Les jansénistes en concluent que la clef du système augustinien est dans la différence essentielle du gouvernement divin et de la grâce dans les deux états. Ils ont imaginé deux économies absolument opposées, et ils ont cru les trouver dans le I) correptione et gratia de saint Augustin. Voir col. 2299, 2185. — a. La prédestination dans l’état d’innocence était post mérita.

Cour l’homme déchu elle est absol ni gratuite. —

b. La liberté dans Ad. un consistait dans l’indifférence avec pouvoir de se déterminer à son gré. Dans l’homme déchu, il n’y a plus que spontanéité, c’est-à-dire volon-