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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L’)


graves. De dominio divino, 1. I, c. xv, 1890, p. 126 : Necessilatus a Deo… non potius cogitur qnam grave, lève, vel corpus nostrum ad niotum sibi naturalissimum. .. vel alia quselibet créât ura cogitur appelere ipsammet esse.

3. Caractère spécial du prédestinatianisme de Wiclef. — La nécessité absolue du bien pour les élus, du mal pour les autres, c’est la thèse commune à tous les prédestinatiens. Mais Wiclef a cru trouver dans la théorie augustinienne de l’Église (voir col. 2410, objection de Harnack) une conception qui devient chez lui une doctrine centrale bouleversant toute l’économie chrétienne. La qualité de prédestinés et de non-prédestinés va modifier essentiellement toute la morale, tout le gouvernement ecclésiastique et même civil, tous les droits et les devoirs des particuliers. Ainsi : a. Les mêmes péchés changent absolument de nature, selon qu’ils sont l’acte d’un prédestiné ou d’un non-élu. Poulie prédestiné ce sont fautes vénielles, pour le non-élu, la faute est toujours mortelle. Au fond Wiclef, préludant à la Réforme, enseigne (et il semble bien que Bradwardin l’ait pensé ainsi) que toute faute, étant contre la majesté infinie de Dieu, est par là même mortelle, mais que Dieu les pardonne tontes d’avance à ses élus. Voir Trialogus, 1. III, c. v-vi tout entier, surtout p. 148150. — b. Les mêmes actes de vertu sont méritoires dans le prédestiné (serait-il actuellement un scélérat) et sans valeur dans un non-élu, serait-il en ce moment dans la charité. Tel est le sens de l’article 26 condamné : Oratio præsciti nulli valet. Denzinger, Enchiridion, n. 502. Il ajoute ailleurs cette thèse dont s’emparera Luther, tout homme en état de péché, même dans les plus beaux actes de vertu, commet un nouveau péché mortel : Si Petrus sit injustus, quidquid fecerit, sive dormiendo, sive comedendo, sive quodeumque opus bonumde génère faciemlo, continue peccat mortaliter. De civili dominio, 1. I, c. i, Londres, 1885, p. 5. — c. Aucun pouvoir d’ordre ne peut exister dans un nonprédestiné, et les sacrements administrés par lui sont invalides. Art. 4 : Si episcopus vel sacerdos existât in peccato mortali, non ordinat, non consecrat, non conficit, non baplizal. Denzinger, n. 480. Tout coupable de péché grave est donc exclu ; mais il faut se rappeler que tout péché est grave pour un non-élu. Si on réfléchit que la qualité de prédestiné est invérifiable, qu’il est par suite impossible de jamais savoir si un pasteur a commis une faute grave (puisque tout forfait est véniel pour les élus), on voit quelle révolution dans l’Église se préparait par ces impudentes affirmations.

— d. Aucune juridiction ne subsiste dans un prélat, fût-il pape, s’il n’est point prédestiné. Art. 8 : Si / » ; / » , sit prsescitus et malus (ces deux qualités vont toujours ensemble), et per conséquent membrum diaboli, non habet potestatem super fidèles, etc. Denzinger, n. iSi.

— e. Toute autorité, même civile et politique, est nulle et sans valeur dans le prince ou le prélat en étal dé péché mortel (c’est-à-di.e non-élu, car c’est tout un). Ail. I.’i. Denzinger, n. 191. Wiclei, fiés logiquemeui. en déduit le droit des sujets à la révolte pour châtier a leur gré les gouvernants en faute. Art. 17, ihul., n. 103,

— f. Le droit de propriété n’existe jamais pour le pécheur (et par conséquent pour le non-élu), et au contraire le juste a un vrai droit de propriété sur le monde entier. Telle est la thèse fondamentale qu’il se propose de démontrer dans tout le De civili dominio : Intendo… cêtendere duos veritates, quibus uiar temquam principii $…, prima, quod nemo » ’est m peccato mortali habet justitiam simpliciter ml donum Dei îles biens créés) ; secunda. quod quilibet existent in gratia sanctificante finaliter (c’est le prédestiné) neduwi luibri jus, sed in re habet on

ia bona Dei. I.. I. C i, p. I. Voilà

ce que Wiclef ose attribuer à saint Augustin (voir col. 2439), tandis que d’après d’Argentré, Colleetio ju die, t. I a, p. 104, ces idées subversives lui venaient des sectes révolutionnaires réfugiées du continent en Angleterre. Voilà sur quelle base il établit le communisme qui souleva en Angleterre les masses populaires contre l’ordre social. Son raisonnement était fort simple : tout homme doit être en état de grâce, et s’il y parvient, il est vraiment maître (dominus) du monde entier ; donc tout homme est destiné à jouir de cette propriété universelle : quod non staret cttni multitudine hominum, nisi omnes illi deberent habere omnia in communi ; ergo omnia debout esse communia. Deciv. doininio, 1. I, c. xiv, p. 96. Cf. Loofs, Dogmengesch., 3e édit., p. 326. — g. Enfin la nature même de la grâce dépend de ce rôle exceplionnel attribué par Wiclef au fait de la prédestination. Il en conclut que la grâce sanctifiante n’est point une réalité’(une qualité, dit-il, inventée par les scolastiques), mais c’est tout simplement l’acceptation divine en vertu de laquelle Dieu regarde un homme comme un ami destiné à partager son bonheur pour l’éternité. Cette acceptation, on le comprend, ne concerne que les prédestinés, et de sa nature elle est inamissible. Voir Trialogus, 1. III, c. vii, p. 152-153.

2° L’augustinisme prédestinatien de Luther et fie Calvin. — Il ne s’agit pas d’esquisser ici le système théologique de la Réforme, mais seulement d’indiquer sur le terrain de la grâce et de la prédestination la position prise par les réformateurs relativement à Augustin. On a vu que sur le point fondamental de la justification par la foi, ils sont obligés d’abandonner absolument le docteur d’IIippone, ainsi que sur la question des mérites. Voir col. 2323, 2324 sq. Mais ils prétendent bien lui emprunter leur théorie effroyable du gouvernement irrésistible de Dieu. Voici la théorie protestante officielle des chefs de la Réforme.

1. La prédestination divine et l’impulsion irrésistible qui la réalise sont le dogme fondamental de la Réforme. Tous en effet, Luther et Mélanchtbon, Zwingle et Calvin, enchaînent l’homme d’abord par les décrets d’une providence qui ordonne tout d’avance, les crimes aussi bien que les actes vertueux, et ensuite par l’étreinte de fer de la causalité divine qui exécute avec une irrésistible puissance les décisions éternelles. — o) La prédestination, qui entraîne nécessairement les non-élus à leur damnation, n’est point, pour les chefs, comme pour bon nombre de leurs disciples depuis le synode de Dordrecht, une conséquence du péché originel ; elle est la loi primordiale de tout gouvernement divin, et Adam lui-même y était sujet ainsi que toute créature. Voir la Formula concordia-, part. II, Solida declar., xi, De œterna prsed. : la doctrine (omise dans la Confession d’Augsbourg) est ici plus modérée dans la forme que chez Calvin, mais c’est la même pensée, n. 57 sq., Berlin, 1857, p. 813 sq. Calvin, on le sait, fit son dogme à lui, de cetie prédestination au ciel et à l’enfer. Institution chr es tienne, 1. III, c. xxi, édit. du Corpus reformatorum, Brunswick, 1866, p. 451-531. « Nous disons donc… que Dieu a une fois décrété par son il éternel et immuable, lesquels il voulait prendre à salut, et lesquels il voulait dévouer à perdition, Nous disons que ce conseil, quant aux esteus, est fondé en sa miséricorde sans aucun regard de dignité humaine. Au contraire que l’entrée de vie est forclose à tous ceux qu’il veut livrer eu damnation, ef que cela se fait par son jugement occulte et incompréhensible, combien qu’il soit juste ei équitable. » C. xxi, n. 7, col. 567. Ainsi on ne peut dire que les damnés sonl perdus par leur faute, qu’à la condition d’ajouter, dit Calvin. « qu’ils .mi été asservis à cette perversité, d’autant que… ils ont été’suscités pour illustrer la gloire de Dieu en leur damnation, i C. xxiv, n. I i. col. 524.

/, , L’action toute-puissante de Dieu s’exerce s m - la volonté créée pour l’entraîner irrésistiblement et n<

lirement à l’acte bon ou criminel décrété par Dieu.