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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L')


DEC1PIENDUM ESSE PR.ESCIEBAT. Cette science avant le décret permissif de la tentation ne peut être la science de vision : celle-ci est l’effet du décret, la première le dirige. Parfois même ils distinguent expressément cette prescience de la science de vision. Nous ne pouvons que renvoyer à un texte très curieux d’Albert le Grand, montrant la gratuité de la prédestination, Suni. theol., I a, tr. XVI, q. lxiii, où il parle d’une præscientia meritorum secundum rationem intelligentise (par opposition à la science de vision) qui est en Dieu avant le décret de la grâce à conférer. Cf. In IV Sent., 1. I, dist. IV, a. 3. Voir aussi un texte intéressant de Robert Pulleyn, Sent., l.I, c. xvi, P. L., t. clxxxvi, col. 714-715. — c) La prédestination, prise dans son ensemble, est donc absolument gratuite. Quant à l’opinion si répandue alors de la prédestination à la gloire post mérita, il faut la juger selon les remarques déjà faites, col. 2402-2401. Mais chez bon nombre de scolastiques la question est très confuse. — d) Enfin la dépendance absolue de la liberté par rapport à la grâce apparaît chez tous soit dans l’ordre du salut (pas un seul acte ne peut être méritoire sans la grâce sanctifiante), soit dans l’ordre naturel : tout acte bon est préparé par. un bienfait spécial de la providence. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. Cix.

4. Sauvegarde de la liberté et extension de la grâce d’après les scolastiques. - I" principe : Ils proclament en Dieu la volonté (sincère, sans être absolue) de sauver tous les hommes. Le Maître des Sentences, 1. I, dist. XLVI, c. iii, avait cité les dernières formules (assez ambiguës) d’Augustin. Chez les commentateurs l’affirmation est catégorique, ils distinguent la volonté antécédente et conséquente, mais n’hésitent point sur le principe. S. Thomas, In IV Sent., loc. cit., q. i, a. 2 ; Sum. theol., I a, q. xix, a. 6 ; S. Bonaventure, In IV Sent., loc. cit., a un., q. i, Quaracchi, 1882, t. i, p. 820 ; voir le scholion des éditeurs, p. 822 ; Alexandre de Halès, Summa, I » , q. xxxvi, m. il.

2e principe : Ils affirment non seulement la liberté, malgré le péché originel, mais la nature de cette liberté qui exige essentiellement dominium sui actus, formule énergique répétée par saint Thomas et tous les docteurs. S. Thomas, In IV Sent., 1. II, dist. XXXIX, q. i, a. 1, 2 ; Sum. theol., 1*11", q. x, a.4. Voir aussi Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. XXV, c. ix : ubi nécessitas, ibi non est libertas… nec voluntas, nec ideo meritum. Loofs, Dogmengesch., 3 édit., n. 893, p. 291, reconnaît que c’est l’idée commune de saint Bernard, de saint Anselme, de tous. Il ajoute que sous des formules augustiniennes, ces docteurs enferment les pensées de Grégoire le Grand ; mais il a été prouvé qu’Augustin avait toujours défendu la liberté. Voir col. 2388.

3* principe : lia us In distribution de In grâce, ils s’inspirent d’idées très hautes de la justice et de la bonté de Dieu : a) De la justice : c’e^t une loi inviolable d’après eux, que nul ne pèche, s’il n’a le pouvoir complet et parfait d'éviter le péché. Ils l’ont empruntée à Augustin, De nat. et gr., c. i.xv. Les conséquences en sont immenses : une grâce suffisante est due à tous et toujours pour vaincre 1rs tentations et observer les lois qui obligent actuellement, et une grâce n’est jamais suffisante en réalité, si 'Ile ne donne le pouvoir d’agir parfait et relatif aux difficultés présentes. — b) Haute idée de la bout/' de Dieu : Dieu veut si sincèrement le salut de tous qu’il donne absolument à tous, immédiatement ou médiatement, 1rs moyens nécessaires du salut ; nul ne tombe en enfer que par sa faute, les infidèles eux-mêmes seront responsables de leur infidélité.

Saint Thomas a exprimé la pensée de tous, quand il a dit : Unde dicitur quod si aliquis m barbarit natus nationibus, quod m se est faciat, liens sibi revelabit i/iinii i’st necessarium ad salulenx, vel inspirando doclorem millendo. In I VSent., I. II, dist. XXVIII, q. i,

a. 4, ad 4um. Il ne faut pas le dissimuler, cette loi transfigure toute la providence, et saint Augustin l’avait trop laissée dans l’ombre. Aussi les scolastiques insistent-ils tous sur ce point. Voir Alger (de Liège, vers 1131), De libero arbitrio, c. v, P. L., t. clxxx, col. 972 ; S. Bonaventure, In IV Sent., . II, dist. XXVIII, q. i, il ; Gilles de Rome, In IV Sont., 1. II, dist. XXVIII, q. I, a. 2 : Non habenles eam (gratiam) carent ea per suam culpani. Duni sunt adulti, si semper fecissent quod in se est, et non restitissent divinse molioni et divinse vocationi, habuissent divinam gratiam, qtiam nisi voleutes, nunquam perdidissent, Hervé Nedellec (Nalalis, 0. P., 1323), In IV Sent., . I, dist. XLI, a. 1 ; Renier de Pise, Pantheol., Gratia, c. iii, Lyon, 1655, p. 278 ; François de Sylvestris (Ferrariensis), In l. III cont. Gent., c. clix. Quiconque sur la terre ne résistera pas aux motions providentielles aura part à la foi et au salut.

5. Dans l’explication de la grâce actuelle, les grands scolastiques mettent en relief la théorie augustinienne de la providence extérieure, préparant à son gré les déterminations des libertés. Ils n’ont point proposé un nouveau système de conciliation de la liberté avec la grâce ; mais l’aspect sous lequel ils envisagent la question est celui d’Augustin expliqué plus haut, col. 2392. Sans oublier les appels intérieurs, ils insistent sur les grâces extérieures.

a) Leur pensée est donc que Dieu est maître de toutes nos déterminations, parce qu’il dépend de lui de faire naître par un ensemble de circonstances telle ou telle pensée qui amènera tel acte pariaitement libre. C’est la théorie des visorum suasiones, col. 2389-2391. Dans la doctrine de saint Thomas, c’est là un élément essentiel sans lequel rien ne saurait être compris, ainsi que l’ont remarqué Bancel, Goudin, et après eux Billuart dans une observatio singularis. De grat., diss. III, a. 1, n. 8, Paris, 1872, t. iii, p. 72. C’est ainsi que le docteur angélique prouve que toute bonne volonté sans exception (même dans l’ordre naturel) est un don de Dieu. Car notre volonté ne se détermine pas sans un motif qui lui est présenté ou extérieurement ou intérieurement.

Or, continue le saint docteur, omnes exteriores motus (il faut en dire autant des motions intimes) a dirina providentia moderantur secundum quod judicat nliquem esse excitandum ad bonum his vel illis actionibut. Unde si gratiam Dei velimus dicere non aliquod habituale donum, sed misericordiam Dei per quant intérim motum mentis operatur, et exteriora ordinal ad salulem ; sic sec ci.lum BONUM uosio ruir^r FACEUS sise GRAVI A DEI. De verit., q. xxiv, a. H. C’est l’application du système de saint Augustin, voir col. 238(5-2387, et en même temps une clef indispensable pour saisir la théorie de saint Thomas sur le gouvernement divin. Grâce à cette motion providentielle, il fait dépendre de Dieu chacun de nos actes bons sans exception, et d’autre part l’influence morale, objective, de ces imitations, ne blesse pas la liberté : c’est le rameau vert présente à l’agneau, la friandise qui attire l’enfant. Voir col. 2391. Saint Thomas, qui ne parle jamais d’une action prédéterminante exercée par la volonté, revient sans c< s>e sur cette action providentielle. In IV Sent., . II, dist. X VIII, q. i, a. 4 : admonitio hominis, vel mgriludo corporis, vel aliquid hujusmodi, quæ omuia constat divinse provuientiæ subjecta esse et in bonum eleclorum ordinata. Cf. ioid., ad i"", Sum. theol., I" II", q. r.ix intégralement. Pour lui, cette dépendance continuelle est démontrée à la fois par la philosophie (il cite le c. vin de la Morale à Nicomaque) et par l'Évangile [sine me nihil potestis fa*

i, Les formules pour expliquer ce don divin qui prépare tout acte bon, varient chez les divers scolastiques, *t nde attention pour ne point se méprendre sur leur pensée. Pour 'ont Thomas, c’est une motion divine ; un auxilium Dei movenlis et ad seattrahemtis,