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AUGUSTINISME (DEVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L')


évêque de Troyes, et Remy, successeur d’AmoIon sur le siège de Lyon (852), ainsi que l'Église lyonnaise qui donnait au diacre Florusla mission d'écrire en son nom. Voir Bibliographie. D’après Hincmar, De prsedest., c. xxi, P. L., t. cxxv, col. 186, Prudence, qui avait signé les capitula de Kiersy, les attaqua ensuite et leur opposa quatre capitula conservés par Hincmar. Ibid., col. 64. Ct. Hefele, loc. cit., § 454, t. v, p. 395.

2. Le concile.

Il en résulta que les évêques des trois provinces de Lyon, Arles et Vienne, convoqués par l’empereur Lotliaire en concile à Valence (janvier 855), sous prétexte de condamner les graves erreurs de Scot Érigène, ineplas queestiunculas, et aniles pêne fabulas, scotorumque pultes puritati fidei nauseam infèrent es, est-il dit dans le can. 6, Denzinger, Enchir., n. 288, condamnèrent aussi les capitula quatuor (de Kiersy) quse a concilio fratrum iioslrorum minus prospecte suscepta sunt, propter inulililalem vel ctiam noxielatem et errorem contrarium verilati. Ibid., can. 4. Les six canons affirmaient, le 1 er la nécessité d'éviter les nouveautés (blâme pour les c. m et iv de Kiersy), le 2e l’accord de la prescience et de la liberté humaine nettement proclamée, le 3e les deux prédestinations electorum ad vitani, … impiorum ad morlem, le 4e les limites de la rédemption, le 5e la véritable régénération des non -élus par les sacrements, le 6e les règles des conciles anciens (Orange, etc.) sur la grâce, à maintenir contre les deux excès opposés. Cf. le texte du IIIe conc. de Valence, Mansi, t. xv, col. I sq. ; Denzinger, Enchiridion, n. 283 sq. ; Hefele, op. cit., § 456, t. v, p. 400.

3. Explication doctrinale.

Il est certain que les Pères de Valence, en réprouvant les capitula de Kiersy, croient y trouver des erreurs, propter errorem, et que leurs formules diffèrent absolument de celles de Kiersy (par exemple les deux prédestinations). Mais il n’est pas moins certain que les expressions de Valence sont encore plus malheureuses, plus obscures que celles de Kiersy, et que les deux partis, ne se comprenant plus l’un l’autre, soutenaient au fond la même doctrine ; seulement ils n’en voyaient et n’en exprimaient qu’un côté chacun. Nous sommes en cela de l’avis d’Hergenrôther, KirchengescU., iv « période, n. 202, trad. franc., t. v, p. 464. Pour s’en convaincre, on n’a qu'à lire la critique détaillée des Capitula Carisiaca par saint Remy de Lyon, De tenenda Script, verit., c. viii-xv, P. L., t. cxxi, col. 1102-1134, et l’apologie des mêmes capitula par Hincmar, De preedest., c. xvi-xxxiv, col. 129-369. Cet accord doctrinal apparaît sur les points principaux :

a) La liberté et le pouvoir de se sauver chez les réprouvés sont affirmés par les Pères de Valence : [credinius] nec prorsus ulli malo prsescientiani Dei imposuisse necessitateni ; … nec ipsos malos ideo perire, quia boni esse non potuerunt, sed quia boni esse noluerunt. Can. 2. Tous les adversaires d’Hincmar disaient de même : Loup Servat, Epis t., cxxix, /'. L., t. exix, col. 606 : non ad supplicium impellendo… /saint Remy, loc. cit., c. viii, P. L., t. cxxi, col. 1002 : nec ista prsedestinatione aliquem cogat (Deus) ad maie agendum ; ct. tout le c. x, col. 11Il sq. ; saint Prudence, De prædestin. cont. Scotum, c. ni, P. L., t. cxv, col. 1039 : Quod dicis prsedestinalioni Dei nullam inesse vint qua quit cogatur ad aliquid, et nos dicimus et probamus. Donc le prédestinalianisme était repoussé par les deux partis.

b) Quant à la prédestination simple ou double, c'était une pure logomachie, Hincmar ne voulait pas dire : g Dieu prédestine les réprouvés à la peine, » mais : « Dieu prédestine la peine aux réprouvés. » C i de Kiersy, Denzinger, Enchiridion, n. 279. Saint Remy et les Pères <le Valence veulent aussi la première formule, mais ils ajoutent que cette prédestination des réprouvés suit la prescience de leurs fautes et diffère ain.si essentiel. DE THÉOL. CAT1IOL.

tiellement de celle des élus. Can. 3 de Valence, Denzinger, n. 285. Aflaire de mots, accord pour le fond.

c) Sur la volonté divine de sauver tous les hommes, le griei de saint Remy, loc. cit., c. xii, P. L., t. cxxi, col. 1116, c’est qu’on soulève ces questions délicates que le pape Célestin n’a point voulu décider. Voir col. 2463. Le concile de Valence n’a point osé nier cette assertion de Kiersy.

d) Quand les Pères de Valence nient l’universalité de la rédemption, ils veulent dire que ceux qui étaient damnés avant la passion du Christ n’ont point été retirés de l’enfer, etc.

4° Les conciles nationaux de Savonnières (859) et de Toioy (800) rétablissent l’accord et sanctionnent la victoire de l’augustinisme modéré. — En 859, quinze jours avant le concile national convoqué à Savonnières près de Toul par Charles le Chauve, une conférence tenue à Langres prépara l’accord en supprimant du concile de Valence la censure des capitula. Au concile de Savonnières quin 859) trois rois (Charles, Lothaire II et Charles de Provence) étaient présents, ainsi que les évêques de douze provinces (entre autres Remy et Hincmar). On lut les canons revisés de Valence et ceux de Kiersy, renvoyant à un prochain concile les explications. Voir Mansi, t. xv, col. 527, Concil. Tullense apud Saponarias. Ce concile, plus nombreux encore que le précédent (étaient présents les membres des synodes de Kiersy et de Valence) se tint à Toucy, près de Toul. Sans revenir sur les décrets de Kiersy et de Valence, les Pères rédigèrent de concert ou plutôt chargèrent Hincmar de rédiger une lettre synodale pour les fidèles, expliquant les principes sur lesquels tous les évêques étaient d’accord. Or on y lit expressément que Jésus-Christ est mort pro omnibus mortis debitoribus, Mansi, t. xv, col. 565, et au contraire il n’y est point fait mention de la prédestination ad mortem. C'était le triomphe de l’augustinisme modéré d’Hincmar et de Kiersy.

IV. l’augustinisme sagement interprété par les grands scolastiques du MOYEN âge. — 1° Caractère général du développement de l’augustinisme par la scolastique médiévale. — 1. Un premier fait à signaler, c’est que les grands scolastiques reconnaissent Augustin comme leur guide et leur maitre. Même ceux qui suivent avec le plus d’ardeur le nouveau courant péripaléticien, dès qu’il s’agit de la grâce, s’inspirent de ['évéque d’Hippone. Celui-ci est parfois mal interprété, mais il est le maitre reconnu. Pierre Lombard lui emprunte une série innombrable de textes devenus classiques. Il faut ajouter que, dans l’ensemble, les docleurs scolastiques, évitant les deux écueils du pélagianisme et du fatalisme, restent Qdèles.m véritable augustinisme et sauvegardent les grands principes sur lesquels il repose, en particulier la dépendance continuelle de la liberté par rapport à Dieu. Saint Thomas en particulier mérite, dans les questions de la grâce, d'être égalé par Suarez à Augustin lui-même : ipsi Augustino eum supparem reputamus, tant il s’est pénétré de l’esprit augustinien. De gratta, proleg. VI, c. vi, n. 28, Paris, 1857, p. 322.

2. Un second fait est l’immense progrès que réalise la scolastique dans sa synthèse de I ; mgustinisme : elle ne transcrit pas servilement les formules, elle les étudie, les développe, les complète, selon les lois énoncées plus haut, et c’est encore saint Thomas qui imprime à ce progrès sa direction éminemment sage et modérée. — a) Certaines idées plutôt supposées que traitées par saint Augustin sont mises en relief et développées ; telles sont les théories des deux ordres naturel et surnaturel, de la grâce sanctifiante, etc. — b) Dans le gouvernement divin de l’homme, le côté de la libelle, de la responsabilité humaine, du pouvoir qui lui est donné pour le bien comme pour le mal, est spécialement envisagé, tandis que saint Augustin, ayant en face, les pélagiens, accen I. - 80