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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L’)


Dieu, soleil des intelligences, se confondra avec le concours divin, et l’interprétation des ration.es œternæ dans l’école franciscaine sera celle de saint Thomas. On constate cette marche de la pensée dans plusieurs documents de la collection de Quaracchi. Le Fr. Eustache d’Arras (que l’on a longtemps confondu avec saint Bonaventure, De humanm cognitionis ratione, p. xviii) exige bien encore une irradiation des régies éternelles dans l’âme, mais elle est le résultat de l’influentia generalis, qui ne semble chez lui guère distincte de la création et du concours. Voici ses formules : Non vult dicere Augustinus quod veritas inercata luceat menti immédiate per seipsam, sed per alignant sui similitudinem expressant, tjua mentem informat sni nolitia, sicut lux informat acient sua expressissima similitudine, guse est lumen seu radius, per gttam agnoscitur ipsa lux, licet in suo fonte non videatur. Qusest. disp., I, ibid., p. 186. Un peu plus loin, il dit que la vérité incréée est ratio videndi alia, non pas qu’on puisse la contempler immédiatement, mais hoc facit per quasdam régulas, hoc est per quasdam irradiationes vel illustrationes supra mentent, quse ideo dicuntur régula’quia direct ivw sunt mentis in noliliam aliarum verilatum. Ibid., p. 180. Mais ces irradiations sont-elles autre chose que les premiers principes ? Le frère Eustache a soin d’ajouter que la lumière incréée éclaire sans cesse notre âme, sicut semper influit ad conservandam naturam. Ibid. Ce n’est donc plus que l’action conservatrice et le concours. Richard de Middleton (de Mediavilla) ne veut rien exiger de plus, semhle-t-il, dans sa Qusestio dispulata sur ce sujet, ibid., p. 220-245 ; car lui aussi il n’exige de Dieu dans la connaissance que le concours requis dans toute action des créatures : per suant influentiam gêneraient aux necessaria est ad hoc quod agens crcalunt agal quameumque actionem.

3. La fusion de l’augustinisme et du thomisme éclate dans la schola segidiana, qui, composée des religieux de Saint-Augustin, se réclame plus hautement de son nom depuis le xive siècle. Il est à remarquer que son plus illustre docteur, celui qui lui a donné son nom, (lilles de Rome (.Egidius Colonna, 1247-1316, doctor fundatissimus), est en même temps, le R. P. Mandonnet le proclame, op. cit., p. lxiv, un fervent disciple de Thomas d’Aquin. Plusieurs lui attribuent à torl, selon le docte P. Echard, 0. P., la fameuse apologie du thomisme, Correctorium corruptorii. Cf. Fernandez, U. S. A., Bevisla agustiniana, 1882, t. ii, p. lil-151, 305-371. Mais cette union des écoles égidienue et thomiste n’empêchait point des divergences sur des questions particulières dans lesquelles les augustins voulaient suivre de plus près leur docteur préféré. Ainsi, Gilles de Rome aurait, d’après le P. Mandonnet, rejeté l’unité de la forme substantielle dans l’homme, d’après le De erroribus philosophorum, a. 7, publié’pur le savant dominicain, dans Siger de Brabant, appendice, p. 7. Cl. p. i.xiv, ci. xxvi, sur l’authenticité de cel écrit contre les auteurs de llltst. liltrr. de la France, t. xxx, p. iSi ; Slattioli, Studio critico sopra Egidio Romano, Rome, 1896, p. I. v ">. Il est du moins certain que Robert d’Erfort écrivit contre Gilles une apologie de certaines opinions de saint Thomas qu’il avait attaquées. Voir Ehrle, Archivfûr l.in. und Kirchengesch, , t. ii, p. 227 239. I Werner a étudié en détail les points spéciaux qui ont distingué’cette école, par exemple l’âme de

l’homme considérée comme image créée de la Trinité, Dieu consommateur et béatitude de l’homme envisagé’comme l’objet spécifique de la théologie, Deus in quantum glori/icator vel glorificativum est subjectum theo logiæ, ’M Grégoire de Rimini, 0. s. A.. In IV s, ni., prol., q. iv, a. 2, distinction des deux connaissances spirituelles de l’homme, Bcience et sagesse, etc. Nous renvoyons à cette auteur, Der Auguslinitmui de$ spàtercn Mittelallers, Vienne, 1883.

4. Les causes qui amenèrent la victoire du thomisme péripatéticien sur l’ancien augustinisme sont multiples : a) Le R. P. Mandonnet, Siger de Brabant, p. LYH, a justement signalé la principale : la philosophie auguslinienne, tout imprégnée de platonisme, en partageait les avantages et les inconvénients. Les hautes spéculations sur Dieu, le Bien, et l’homme la rendaient immortelle. Mais l’absence de méthode didactique et de synthèse ordonnée de tout l’ensemble, puis l’oubli des données expérimentales qui imprimaient à l’aristotélisme une allure plus scientifique et positive, préparaient le triomphe de la philosophie nouvelle. Le caractère vague, imprécis et mystique de certaines spéculations, par exemple dans la théorie de la connaissance, les condamnaient à disparaître devant une analyse exacte des choses.

b) La sagesse et la modération de la nouvelle école contribuèrent puissamment à son triomphe : Albert le Grand et saint Thomas, loin de se poser en adversaires de saint Augustin, comme on le leur reprochait, se mettaient à son école et, tout en modifiant certaines théories, introduisaient et absorbaient dans leur système toute la théologie du docteur d’Hippone. « C’est avec la méthode scientifique d’Aristote, dit le R. P. Mandonnet, p. lviii, qu’ils réorganisèrent le dogme augustinien pour lui assurer des assises plus fermes et une ordonnance plus systématique. » Ainsi il n’y eut plus d’école strictement augustinienne, parce que toutes les écoles l’étaient ; toutes éliminèrent certains points spéciaux, et gardèrent pour le maître une même vénération. Ce qui disparait, c’est uniquement l’augustinisme sous un aspect trop étroit et trop limité que lui donnaient des questions particulières alors agitées, c’est l’augustinisme trop platonicien ; mais le grand augustinisme, avec ses vues sur Dieu, sur les idées divines, sur la Trinité, sur la rédemption, sans parler de la grâce, conserve toujours son empire sur les esprits.

IV. L’AUGUSTINISME DANS LES ïF.lfr.S MODFnXK ? :. —

Après ce qui a été dit, col. 2321, et en réservant l’immense mouvement augustinien dans les questions de la grâce (voir plus loin et aussi AUGI’STINIANISME, col. 2485), nous n’avons qu’à indiquer ici quelques faits importants :

1° Aux xve et xvi c siècles, une renaissance très exagérée de platonisme chercha un point d’appui dans la philosophie d’Augustin. Ce fut sous une inspiration tout augustinienne, dit Nourrisson, La philosophie de S. Augustin, t. ii, p. 175, que Bessarion († 1472) composa ses plaidoyers en faveur de Platon, en particulier sa réfutation de Georges de Trébizonde sous le titre Adverxus calumniatorem Platonis, Rome, 1469. Cf. Henri Vast, Le cardinal Bessarion, p. 337. Le mouvement platonicien se propagea rapidement et envahit tout, même la cour de Léon X. Marsile Ficin († 1499), l’imprudent apôtre de cette résurrection, s’appuie sur l’autorité du grand docteur africain, pour opposer Platon au double courant de l’averroïsme panthéiste et matérialiste qui menace d’engloutir toute croyance à la vie tuture ; mais Ficin, loin d’imiter Augustin et de convertir Platon au christianisme, semble sacrifier inconsciemment sa foi aux plus étranges rêveries. Enfin, vers la (in du xvi" sieele, François Patrizzi, rappelant les magnifiques éloges des platoniciens par s.nnt Augustin, demandait au pape Grégoire XIV de bannir des écoles chrétiennes la philosophie péripatéticienne. Cf. Launoy, De x^ana Aristotelis fortuna, in-12, Paris, 1000. p. 88,

2° Au xviie siècle, il faut signaler certains rapports

indéniables entre le cartésianisi t la philosophie de

saint Augustin. Certes il a une étrange exagération à soutenir, comme lluetl’a fait dans sa Censura philosophise cartesianæ, V « dit.. Paris, 1694, p. 244 sq., que lies n’est qu’un plagiaire audacieux, et surtout de l’évéque d’Hippone. Mais on ne peut nier quelques res-