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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L')


ment, ajoutent-ils, spiritum conservai ivum, l’esprit de tradition, opposé à toute nouvemité, » mais non à tout progrès. Voir In IV Sent., 1. III, la conclusion (t. iii, p. 890) ; sur Aristole et Platon, In Hexæm., coll. v (de l’année 1273), t. v, p.360sq., le sermon Christus unusmagisler, t. v, p. 572 ; In IV Sent., 1. II, dist. I, part. I, a. 7, q. il, t. il, p. 22. D’autre part, l’historien de saint Thomas, Guillaume de Tocco, accentue avec insistance, dans la méthode et les doctrines du docteur angélique, la note d’innovation qui effrayait Peckham : Erat novos in sua leclionè movens arliculos, novum modum et tiarum delerminandi inveniens, et novas reducens in determinationibus rationes, utnemo, qui ipsunt audisset nova docere et novis ralionibus dul/ta definire, dubitaret quod euni Deus novis luminis radiis illustraret… Acta sanct., martii t. vii, n. 15. Il en résulte que l'école augustinienne franciscaine représentait la tradition comme les dominicains le progrès. Une heureuse fusion des deux méthodes dans les deux ordres amènera peu à peu l’accord sur les points certains, sans exclure les divergences sur les points encore obscurs (comme l’unité ou la multiplicité des formes), le progrès chez tous. Les censures d’Etienne Tempier, de Kilwardby et de Peckham contre la doctrine du docteur d’Aquin n’arrêtèrent point son essor. Rome s'était réservé le jugement définitif, d’après Peckham lui-même. Lettre du 7 décembre 1284, Chartularium univ. Par., t. i, p. 625. L’n an après la sentence de 1277, le chapitre général de l’ordre, tenu à Milan quillet 1278), envoyait en Angleterre deux visiteurs pour punir toute opposition à la doctrine du vénérable père Thomas. Chartularium, ibid., p. 560. En juillet 1278, (Mlles de Lessines publiait son traité De imitais formarum en faveur de cette doctrine. Kilwardby lui-même, promu au cardinalat, avait déjà sa résidence à Rome ; la résistance en Angleterre (Hait brisée. Cf. Mandonnet, p. cclii. On sait que la i anonisation de Thomas mit un terme à l’opposition de Paris. L'évéque de Paris, par un acte officiel du 14 février 1325, retira la condamnation de son prédécesseur et combla la doctrine de Thomas des éloges les plus flatteurs. Cf. Mandonnet, p. cci.iv.

2° La théorie de V illumination divine fournil au XIJF siècleun exemple des transformations de l’augusHnisme par le péripalétisme. — L’impuissance de l’intelligence à atteindre la certitude de la connaissance intellectuelle sans une inlluence particulière de Dieu, soleil des âmes (voir col. 2334 sq.), fut un des points les plus caractéristiques de l’augustinisine médiéval ; mais dans les phases diverses de cette opinion on peut voir le type de la pénétration lente de l’aristotélisme scolastique dans les esprits les plus augustiniens. Les franciscains, éditeurs de saint Bonaventure à Quaracchi, ont publié sur ce sujet une dissertation très intéressante avec documents nouveaux. Voir Bibliographie.

i r ° phase. — Avant l’introduction d’Aristote, les théologiens admettaient tous les lormules augustiniennes : nous connaissons les choses intelligibles in rationibus esterais, ou in luce increata, puisque : a) les créatures >n |ittes au changement ne peuvent nous donner la vérité immuable, certaine, et que in les diverses intelligences, sujettes, elles aussi* aux variations, prouvent par leur accord sur les vérités, qu’elles les puisent, non en elles-mêmes, mais dans une lumière immuable. Saint Thomas, dans la Quæst, un. de spiritualibus creaturis, a. 10, ad 8° iii, Paris, 1889, t. xiv. p. 34, décrit avec une extrême clarté l’origine de ce système augustinien, auquel il oppose les vues d’Aristote. Voir aussi l’augustinien saint Bonaventure. Mais qu entendaient les augustiniens des xi> et xir siècles par cette vision m rationibus KternU ' Il est iremalaisé de le déterminer.

a) Les uns semblent s'être contentés de meiire sous ces formules des idées forl vagues et impi ce qui

rend bien difficile toute interprétation. Saint Anselme

lui-même a-t-il livré toute sa pensée ? Quidquid video, dit-il, per illam luceni divinam video, sicut infirmus ocidus quod videt, per lucem solis videt, quant in ipso suie nequil aspicerê. Proslogion, c. xvi. P. L., t. clviii, col. 235. Il est certain que par ces mots et autres semblables, il n’a point enseigné l’ontologisme, car cette phrase est immédiatement précédée de celle-ci : Vere, Domine, hsec est lux inaccessibilis… Vere ideo liane non video, quia nimia mihi est. Cf. Lepidi, Examen jiliilosophico-theologicum de on loi., 1874, p. 225-235. Il est plus probable qu’il entendait par là l’action illuminalrice de Dieu des bonaventuriens, ainsi que le pense Van Weddingen, Essai critique sur la pliilosophie de saint Anselme, p. 139, 157, etc. Mais le vague des formules prouve que les idées restaient sur ce point confuses dans beaucoup d’esprits. Voir Jean de Salisbury, Enlheticus, v. 639-650, P. L., t. cxcix, col. 978.

b) D’autres interprétaient-ils Augustin dans le sens d’une vision en Dieu des vérités éternelles ?

Nier que parmi les augustiniens des xiie et xiiie siècles il y eutdevéritablesonlologistes, comineon l’a lait souvent jusqu’ici, n’est plus possible, après les nouveaux documents publiés par les franciscains de Quaracchi. De humanse cognit. rat. Le fameux franciscain Pierre-Jean Olivi († 1298) à la question : Voyons-nous Dieu'.' répond que quidam aliquando dicere voluerunt (ils ne disent donc plus), .i/o// AUCTORIl.1 TIBUS AUGUSTINI, quod Deus in vita isla directe et IMMEDIATE videtur a nohis, ila tanxe.n quod aliter videant stulti, aliter sapienles, aliter beali (cette vision est donc obscure, imparfaite). Mais pour lui cette théorie est plutôt une erreur qu’une opinion et elle contient des assertions contraires à la foi. Et il cherche une interprétation plausible de saint Augustin. Voir le texte, ibid., p. 245-247. D’ailleurs, l’existence de l’ontologisme ressortait d’une insistance semblable chez les grands docteurs à réfuter expressément cette interprétation augustinienne. Ainsi saint Bonaventure, dans la Qusest. disp. de scientia Clinsii, q. iv, éditée pour la première fois par le P. Fidelis a Fanna, De humanse cognit. ratione, Quaracchi, p. 61 sq., Opéra, t. v, p. 22 sq., décrit admirablement l’ontologisme : ad certiiudinalem cognitionem concurrit lucis seternse evidentia, tanquam ratio cognoscendi jota et SOL A, e il repousse cette interprétation d’Augustin parce que secundum hoc nulla esset rerum cognitio nisi m Verbo, et lune mm di/ferret cognitio vise u cognitione patries, nec cognitio in Verbo a cognilione m proprio génère…, nec cognitio rationis a cognitione revelationis. Et il ajoute cette remarque profonde que de cette opinion, quam quidam posuerunt (veut-il parler seulement des anciens platoniciens ?) est né' le scepticisme. Tout mysticisme exagéré, ontologiste ou autre, produit une déliance incurable de la raison. Richard île Middleton, Qusest. disp., a. 5, éditée dans le De hum. cognit. rai., p. 233, réfute ('gaiement l’ontologisme ex professo, pour ce motif que Dieu habite une lumière inaccessible. I Tint., vi, 16. Saint Thomas a également connu ei réfuté l’ontologisme tel qu’il a été présenté au xi e siècle, et il affirme que de son temps il avait des partisans. In 1 V Sent., 1.1, dist XVII, q. i, a. 4, l’n is, 1882, t. vii, p. 211.

C) Le plus souvent, l’influence de la lumière éternelle était comprise comme effective, non connue objective. Notre esprit ne voit pas les ratimics : i ternir : mais, selon l’expression souvent employée, ces rationes viiiprimvmt in mentent nostram, c’est-à-dire qu’on admettait cette action spéciale de Dieu, déjà expliquée, col. 2336, qui ((instituait la théorie de l’illumination ou l’irradiation m, m ni m ie de Dieu sur les intelligences, ('.cite interprétation d’Augustin était à peu pics universelle, d’après les éditeurs de sain ! Bonaventure, De humaine cognit. rat., p. 12 sq., 37-42. Il est vrai qu’on essaie même d’attribuer celle opinion a saint Thomas, ce qui est