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AUGUSTINISME (DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DE L')


dire une vertu active, une puissance de s’assimiler toute autre matière à l’infini, et ainsi de s’accroître. Et il donne l’exemple du ferment dont la ratio seminalis peut s’emparer de toute la pâte. In. IV Sent., 1. II, dist. XXX, a. 3, q. i, Quaracchi, t. ii, p. 729-631. Saint Bonaveniure étudie les textes d’Augustin, De vera relia :., c. XLII, n. 79, P. L., t. xxxiv, col. 158 ; De Gen. ad lia., 1. V, c. xxiii, n. 44, ibid., col. 331.

3. La composition hylémorphique des êtres spirituels fut également considérée comme une des grandes thèses augustiniennes. Le docteur d’Ilippone avait-il donc affirmé que tout esprit, ange ou àme, est composé de deux éléments, d’une matière (spirituelle) et d’une forme ? Tout au plus avait-il douté. Voir col. 2355 (anges), 2360 (âmes). Il est très probable, selon la conjecture de M. de Wulf, op. cit., p. 20, que le Fonsvitse du juif Ibn Gebirol (Avicebron) n’est point étranger à la vogue de cette doctrine. Mais les plus fervents augustiniens l’adoplérent, en s’appuyant souvent sur un texte apocrypbe du De mirabilibus S. Scripturse. Voir col. 2308. Cf. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. III, part. I. a. 2 ; scholion des éditeurs, Quaraccbi, t. ii, p. 93. Tel fut l’enseignement du dominicain saint Pierre de Tarentaise († 1174), de tous les grands maîtres franciscains (sauf Jean de la Rocbelle), Alexandre de Haies, saint Bonaventure, Iiicbard de Middleton, de Scot qui n’hésite pas à se réclamer d’Ibn Gebirol : ego aident ad posilionem Avicembronis redeo… De rerum principio, q. viii, a. 4, n. 21, Opéra, Paris, 1892, p. 378. Malgré l’opposition de saint Thomas, Sum. theol., I a, q. L, a. 2 ; Cont. gent., 1. II, c. L, et d’Henri de Gand lui-même, Quodl., IV, q. xvi, cette idée a survécu et a trouvé des défenseurs au xvii c siècle, tels que Jérôme a Montelortino, Sunima Scoti, t. ii, q. l, a. 2, etc.

4. La multiplicité des formes substantielles dans les composés, spécialement dans l’homme, fut aussi soutenue avec énergie par les augustiniens contre l’aristotélisme au xur siècle. Voir plus loin. Mais si l’on se rappelle que pour les augustiniens du xiie siècle, Hugues de Saint-Victor, Alain de Lille, Pierre Lombard luimême, les mots matière et forme étaient loin de répondre aux concepts péripatéticiens, on doit bien reconnaître, avec M. de Wulf, op. cit., p. 28, que ces scolastiques de la première époque n’avaient guère envisagé le problème qui agita le siècle suivant. Il n’en est pas moins vrai que les franciscains ont défendu la pluralité des lormes, à la suite d’Alexandre de Halès, Sum., II a, q. xi. iv, m. 4, de saint Bonaventure (voir le scholion des éditeurs, Quaraccbi, t. ii, p. 323, 379), de Richard de Middleton, In I V Sent., 1. II, dist. XVII, a. 1, q. v. Sur cette question de la multiplicité des formes il importe d'éviter tout excès ; les opinions sont libres. D’un côté les censures contre l’opinion de saint Thomas sont dénuées de toute valeur. Voir plus loin. D’autre part, la définition du concile de Vienne (1311) sur l'âme forme du corps, n’a nullement sanctionné la théorie thomiste au détriment de la théorie que les franciscains ont cru augustinienne. Cela est reconnu aussi bien par le cardinal Zigliara, 0. P., De meute concilii viennensis m definiendo dogmate unionis anima humante cum corpore deque unitate forma subttantialis ni /min iii, '.

Rome, 1878, p. 96 Bq., que par le l Prosper de Martigné, l.n scolastique et les traditions franciscaines, in-8", Paris, 1888, p. 175 sq. Le I". Ehrle, S..1.. a publie des textes qui le démontrent péremptoirement, Zur Vorgeschichte des Concili von I ienne, dans Archiv f.Litt. und Kirchengeschichte desM.A., t. ii, p. 369, et encore Olu Va Leben "ml Scltriften, ibid., t. iii, p. 109. Il est certain que les franciscains les plus ardents pour

la multiplicité des for s, enseignaient unanimement

que l'âme spirituelle est forme du corps. L’un d’eux, Richard de Middleton, un des examinateurs d’Olivi, n’hésita pas a le censurer, el dans son Quodlibet, III,

q. xii, in-8°, Paris, 1519, fol. 95, on lit expressément : Contra veritatem fidei est quod dicii (Avicenna) animant non esse formant substantialem corporis Iiumani, sed tanticmmodo corporis administrantem.

5. L’impossibilité de la création du monde al> seterno, ou le caractère essentiellement temporel de toute créature sujette au changement, est une des idées d’Augustin, voir col. 2350, que ses disciples défendirent avec le plus de constance et, semhle-t-il, avec le plus de bonheur. L’opuscule de saint Thomas, De seternitate mundi contra -murmurantes, dans ses explications des textes d’Augustin et d’Hugues de Saint-Victor, montre combien la discussion était serrée, et aussi combien pouvaient être troublés les anciens augustiniens, en lisant cette concession : Et præterca adhuc non cal démons tratum quod Deus non possit facere quod sint infinita actu. Opusc, XXIII, De œternit. mundi, Opéra, Paris, 1889, t. xxvii, p. 453.

/II. LA LUTTE DE L’AUGUSTINISME CONTRE L’ARISTOTÉLISME THOMISTE. — I" L’opposition à la doctrine de saint Thomas (1270-1290) s’explique en grande partie par la résistance de l’ancien augustinisme ; la condamnation du thomisme (1277) est la dernière victoire des augustiniens. — Nous devons signaler ici ce fait d’une extrême importance pour l’histoire des doctrines, d’autant qu’il a été souvent déllguré par les critiques rationalistes. Renan, Averroès, p. 259, se flattait de démontrer que, sans abuser de la conjecture, on peu l désigner les deux foyers de l’averroïsme au xiiie siècle, l'école franciscaine et surtout l’université' de Paris. Sur la parole de Renan, dépourvue de toute preuve, d’autres ont répété, comme Cantu, Hérétiques d’Italie, t. i, p. 339, que les franciscains, par opposition aux dominicains et aux thomistes, favorisaient les idées averroïstes. Or les documents démontrent absolument le contraire. La lutte contre saint Thomas, durant sa vie et après sa mort, a pour vraie cause L’attachement sincère, mais parfois étroil et intransigeant, de l’ancienne école pour les thèses platonico-augustiniennes qu’on voyait renversées. Si l’ordre franciscain s’esi trouvé en masse dans l’opposition, loin d'être poussé par une préférence pour l’averroïsme, c’est par horreur pour les nouveautés philosophiques et pour l’oubli de l’augus tinisme, qu’il s’attaquait au thomisme. C’est ce qu’oui définitivement établi les savants travaux du I'. Ehrle, du P. Mandonnet, 0. P., et de M. de Wulf. Voir bibliographie. Cf. aussi Denifle, Charlularium unir. Paris., t. i, p. 556. llauréau, Histoire de la philosophie scolastique, part. ii, t. ii, p. 36, avait adopté les fausses vues de Renan.

1. Les faits plus importants.

L’averroïsme apparaît dans l’université de Paris peu après 1250. Ibn Rosch était mort en I I98, Michel Scott datait une de ses Ira ductions en latin de 1217, llermann en date une autre de 1210 à Tolède. Dès le 9 mars 1255, un réveil de l’aristotélisme (condamné au concilide Paris en 1209) se manifeste dans le règlement de la faculté des arts ordonnant l’enseignement officiel des érrils du Slagyrite. Dès 1256, Alberl le Grand publie son lie unitate intellectus contra Averroem. Le 19 janvier 1263, une lettre d’Urbain IV renouvelle les décrets de Grégoire IX. avec prohibition d’enseigner Aristote. En 1267, apparat) Siger de Brabant, le grand propagateur de l’averroïsme. Thomas d’Aquin, qui depuis 1261 élaborait à la cour pontificale les traductions nouvelles d Aristote avec commentaires, revient en [269 à I université de Paris, et aussitôt commence la grande controverse contre l’averroïsme. Voir Mandonnet, o/i. cit., p. i. xxiii. En cette même année sont publiés les mani lestes des deux partis, le De anima intellectiva de el De unitate intellectus contra averroistas de saint Thomas [scriptum mirabile, s'écrie Guillaume de que nul, capable de comprendre Aristote, ne