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AUGUSTIN (SAINT)


Possessor (13 août 520). Voir le texte du document dans Mansi, t. viii, col. 498-500 ; P. L., t. lxiii, col. 490-493, abrégé dans t. xlv, col. 1778 ; Thiel, p. 926 ; Jaffé, n. 850. Possessor, évêque réfugié à Constantinople, trouvant autour de lui les esprits troublés et agités par les écrits de Fauste de Riez, consulte le pape sur ce sujet ; lettre reçue par le pape le 18 juillet 520 : texte dans Mansi, t. viii, col. 497 ; P. L., t. xlv, col. 1776. Hormisdas répondit : a) sur la question spéciale relative à Fauste, que les ouvrages de cet écrivain n’ont pas d’autorité dans l’Église, ou selon la formule usitée neque illum recipi : c’est une allusion au décret dit gélasien qui dans la Ve partie (d’origine incertaine, cf. Bardenhewer, Patrologie, trad. franc., t. iii, p. 142 ; 2e édit. allem., 1901, p. 548) range les écrits de Fauste parmi les apocryphes, (livres ou hérétiques ou suspects). P. L., t. lix, col. 164.

— b) Sur la question générale de la grâce, il renvoie à Augustin, aux capitula et à saint Paul en ces termes, P. L., t. lxiii, col. 493 :

De arbitrio tamen libero et On peut sans doute savoir la

gratia Dei, quod romana (hoc doctrine qu’enseigne l’Eglise est catholica) sequatur et asseromaine, c’est-à-dire l’Église veret Ecclesia, licet in variis catholique, sur le libre arbitre libris beati Augustini, et et la grâce de Dieu, dans les maxime ad Hitarium et divers ouvrages du bienheu-Prosperum, possit cognosci, reux Augustin, principalement tamen in scriniis ecclesiasticis dans ceux qu’il a adressés à ezpressa capitula continentur, Prosper et à Hilaire ; mais elle çpise, si tilii desunt et necessaria est formulée dans des capitula creditis, destinabimus ; quanconservés dans les archives de quam qui diligenter Apostoli l’Église, que nous vous cnverdicta considérât, quid sequi rons, si vous ne les avez déjà debeat evidenter cognoscat. et les jugez nécessaires ; d’ail leurs celui qui examinera avec

attention les paroles de l’Apô tre, verra avec évidence ce

qu’il doit croire.

Deux observations sur ce texte important : a) Le pape n’affirme point qu’il soit facile de trancher les questions de la grâce avec les seules œuvres de saint Augustin, ni qu’il suffise de se borner à les consulter. S’il fallait tout décider par les écrits d’Augustin, dit très bien Petau, pourquoi renvoyer aux décisions recueillies par l’Église, et à saint Paul lui-même ? De Trident, conçu, et Augustini doctrina, c. v. — b) Les ouvrages adressés à Prosper et à Hilaire sont les deux livres De prsedestinationc et De perseverantia, dont la thèse capitale est non d’expliquer le mode de la prédestination, mais d’établir contre les semipélagiens la gratuité absolue de la grâce : Cernilis… quanta manifestalionc defendatur hœc gratia contra quarn mérita extolluntur humana, tanquam homo aliquid prior det, ut retribuatur ei. De prsedest., n. 37, P. L., t. xi.iv, col. 987.

4° Le pape Boni face II et les Pères du concile d’Orange [530-531) sanctionnent l’autorité spéciale de saint.1 uguttin. — Les canons du concile d’Orange (530) envoyés de Kotne par le pape Félix IV aux évêques des Gaules, ne nomment point, il est vrai, le docteur d’Ilippeme, mais on sait qu’ils sont extraits de ses œuvres. Voir AUGUSTIMSME. Quant au pape Honiface II, sucresseur de Félix IV. dans la lettre d’approbation du synode (25 janvier 531), il aflirme que la doctrine de la grâ< été transmise toul spécialement par saint Augustin : de hac re multi l’uln-s, et PTUE CjETERIS beatae recordntionis Augustinus episcopus, etc. Mansi, t. viii, col. 735 ; P. /.., t. xlv, col. 1790 ; cf. Jaffé, n. 881.

.V l.r pape Jean II, dans sa lettre à divers sena14), contre les nestoriens, cite avant les autres Pères, saint Augustin, cujus doclrinam, secundum lecessorum meorum statuta, Knmana sequitur et servat Ecclesia. Mansi, t. viii, col. 804 ; /’. L., t. lxvi, col. 21 j.Iaflé, n. 885. Il y a là l’affirmation d’une vénération traditionnelle du saint-siège pour l’enseignement d’Augustin.

DICT. DE TIIÉOL. CAT1IOL.

6° Les éloges d’Augustin par les papes suivants sont nombreux, mais ont un caractère moins officiel et moins précis. Cf. Gotti, Theologia scliolast. dogmat., 1. 1, De Deo sciente, q. iv, dub. v, Venise, 1750, p. 230. Adrien I er (772-795) l’appelle par exemple præcipuum Patrcm et optimum doctorem. Les pontifes plus récents ont professé la même vénération. Marcelli, O. S. A., Institutiones theologicæ, t. v, De gratia, p. 91, cite des paroles très expressives d’Alexandre VII à l’académie de Louvain : Augustini et Thomse inconcussa tutissimaque dogmata sequi semper velitis ; de Clément X, d’Innocent XII, de Clément XI, etc.

Le document le plus significatif de l’époque moderne est l’ordre donné par Clément VIII aux consulteurs de la congrégation De auxiliis dans l’affaire du molinisme de se guider d’après la doctrine de saint Augustin : adstringere statut totam liane disputalionem ad normam doctrinse Augustini de gratia, dit-il dans son discours du 20 mars 1602 à la première conférence solennelle tenue en sa présence, et il en donna trois raisons : il a vaincu les pélagiens, il n’a rien omis des questions aujourd’hui controversées, les papes ont toujours aflirmé l’autorité de sa doctrine. Voir le texte dans la Theologia de Gotti, loc. cit., ou Serry, Hist. congr., 1740, Supplément, p. 95.

En présence de documents émanés de si haut, si élogieux pour saint Augustin, le problème s’est posé : l’Église a-t-elle donc approuvé et adopté toute la doctrine de saint Augustin, du moins in re gratisel N’est-il jamais permis de s’en écarter ?

Trois réponses ont été données : a) Pour les uns, en cette matière l’autorité d’Augustin est absolue, irréfragable et sans exception, b) Pour d’autres ces éloges sont des formules vagues laissant toute liberté, c) Plus modérés entre les deux extrêmes, le grand nombre des théologiens reconnaissent une réelle autorité normative à saint Augustin, mais entourée de réserves et de sages limites.

II. INTERPRÉTATION EXCESSIVE DE L.’AUTORITÉ DE

saint Augustin. — 1° Exposé. — 1. D’après cette école, toute parole du grand docteur sur la grâce et la liberté serait une règle de foi, il ne serait jamais permis de s’en écarter. Tous les adversaires de la liberté se sont appuyés sur Augustin, en l’exaltant au-dessus de tout. Les jansénistes ne reculèrent point devant cette assertion inouïe : il taut préférer une phrase de saint Augustin même aux décisions les plus formelles de l’Église. .lansénius a posé lui-même les londements de cette théorie insensée dans tout le Liber proœmialis du t. n de son Augustinus. Voici quelques titres de chapitres : C. xiv. Augustini doctrina de gratia Dei, evangelica, apostolica, et irrefragabilis aixtoritatis : Tonus EccLESLi : NOMINE scrii’TA, silentibus scnptoribus universis. C. XXIII. Nolilise verse theologicæ limites in se fixit Augustinus. Il termine ce livre par cette protestation : unis est Augustinus, instar omnium, loco omnium, supra omnes. Tout ce qui ne vient pas de lui, ajoute-t-il, mieux vaudrait que cela fût absent de la théologie. C. xxx, p. 28. Ft la pratique répond chez lui à la théorie. Il trouve dans Augustin les propositions de lîaius condamnées par le pape, par exemple la 53". Que faire ? Il hésite, dit-il, mais enfin, par respect pour les papes qui ont si souvent loué Augustin, il aflirme la proposition, condamnée, ajoute-t-il, non comme fausse (elle est d’Augustin), mais comme pacis inimicam. De statu naturx purce, 1. III, c. xxii, t. ii, p. 403 : Quid ergo oii propositionvm quam proscripsit apo<stnlira sedes’? Ilœreo, fateor. Sed quid ad doclrinam Augustini…’.' Les disciples imitaient le maître : rien de plus ordinaire chez eux que ce raisonnement : les propositions condamnées de ISaius sont de saint Augustin : cela suffit a nous rassurer. En 1677, le jans’nisle Havermans ne craignit point de dire tout haut la pensée du

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