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AUGUSTIN (SAINT)

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croyance â l’ajournement des peines après la résurrection » ; « selon saint Augustin, dit-il, p. 59, l’âme privée de son corps n’a qu’une sensibilité obtuse, et elle est incapable de jouir ou de souffrir fortement. » Cette dernière interprétation, on va le voir, est absolument contraire aux textes. On doit reconnailre avec Muratori. De paradiso, non expeetala corporum resurreclione… (réfutation de Burnet), c. XVII, p. 164, avec Schwane, Dogmengeschichte, t. ii, § 76, trad. franc., t. iii, p. 252-233, qu’il y avait un certain vague dans les idées de saint Augustin, spécialement sur le lieu où vivent ces âmes. Mais son système exposé d’après l’ensemble de textes très nombreux, ne laisse aucun doute sur la béatitude de ces âmes par la vision de Dieu.

2. Le système auguslinien.

A. Aussitôt après la mort, le sort étemel est fixé, les cimes criminelles sont enfermées dans nu lieu de tourments, les justes dans un séjour île repos et de bonheur. — Tout cela, de l’aveu de tous, est indiscutable. Dans l’intervalle qui sépare la mort de la résurrection, écrit-il, vers 428, De prœdest. sanct., c. xii, n. 24, P. L., t. xuv, col. 977-978, ridum ea quee gesserunl… sive criciantir aniline, sive requieSCUNT. Même pensée en 421, dans YEnchirid., c. cix, /’. L., t. xi, , col. 283 : cette période, dit-il, animas abditis receptaculis continet, sicut unaquæque digna est, vel requie uel œrumna. La même idée en H5, avec l’explication de ce repos qui est un vrai bonheur, In Joa., ta. XI. IX. n. 10, P. L., t. xxxv, col. 1751 : Habent onines animrv, cum desseculo exierint, di versas rece pi tunes suas : habent gai nu m bonse, ma/a : tormknt a. Sedcum faclafuerit resurrectio, et bonorum gaudium amplius erit, et nialurinii tormentagraviora, quandocum corpore torquebuntur. Cette joie est encore mieux exprimée. De tien, ad Int., 1. XII, c. xxxii, n. C0, P. L., t. xxxiv. col. 480. L’Ame aut ad il’a fertur pœnalia (loca), aut ail Ma itiiii’iu similia corporalibus, nec tanien pœnarum, sel ni ii.tis ATQUE GAUDIORUM. I tans le sermon Cix, c. iv. /’. L., i. xxxviii, col. 638 : Pardonnez, dit-il, et alors à la mort « vous trouverez au lieu d’un juge un père, au lieu d’un bourreau un ange pour vous porter au sein d’Abraham, au lieu d’une prison le paradis » . Or cette constatation, à elle seule, exclut toute connaissance obtuse, tout sommeil de l’âme, bien que le mot sonnius soit employé dans le passage même où il est dit : habent gaudium bonse. In Joa., loc. cit. Quand Augustin renvoie au jugement dernier la rétribution H- œuvres, il ne peut plus être question que d’une rétribution plus solennelle, publique, plus complète, ultinia retributio, dit-il lui-même. Qusest. Evang., I. II, c. xxxviii, P. L., t. XXXIV, col. 1351. Il reste donc à déterminer si les damnés souffrent déjà du feu infernal, si les élus jouissent de la vue de Dieu.

I ;. Les réprouvés souffrent déjà du feu de l’enfer. —

De tous les textes allégués par M. Tunnel pas un seul

lui le feu. D’autre part, voici îles textes formels

qui l’affirment. A propos du mauvais riche, plongé dans les flammes, Augustin affirme que tel est l’état des méchants après la mort : sepulti ra inferni, pœnarum profundilas qum super bos… post liane vitam vorat, dit-il. /., I. II. c. xxxviii, ]’. L., I. xxxv,

col. 1350. Le sermon CCLXXX, n. 5, P. /.., t. xxxviii, col. 128 :  !, décrit le tourment futur, et ajoute : quamvis ETiAM ni nc Me guttam ex digito pauperis apud inferos siliat, et Me m sinu Abrahæ delicio liescat.

Cf. De Gen. ad litt., 1. XII, c. xxxiii, n. (i ; 1, , P. /.. t xxxiv, col. 182, inferni lormenta ; Epist., ci.xxxvii, n.ti, /’. /.., t. xxxiii. col. 834, dives impius cum m tormentis et et inferni, etc. ; Epist., clxiv, n. 8, ibid., col. 712 ;.Se, „, ., < ; i. xx in. n. 3. /’./.., t. xxxviii, col. 912. C. Saint Augustin af/irriie très souvent que les âmes des saints jouissent dés iii, unir, , uni de béatir

fique. — a) Série de textes généraux pour tous les saints. Décrivant le bonheur de ceux qui ont fini leurpèlerina

ici-bas. In Ps. rxix, n. 6, P. L., xxxvii, col. 1602, il dit : Non sic est palria illa Jérusalem, ubi onines boni… lbi omnes justi et sancti, qui fruuntur Verbo Dei sine leclione, … quod enim nobis per paginas scriptumest, PER faciem Dei illi cernunt ! Magna palria ! … Dans le traité XCI, In Joa., P. L., t. xxxv, col. 1860, le bon larron nous est montré bienheureux par la présence du Christ comme Dieu, avant même la résurrection du Sauveur : lalronis anima… illius munere jam beata, … ipso die ci m ii.i.û in paradiso essepotèrat. Les Confessions, 1. IX, c. iii, n ti, P. L., t. xxxii, col. 765, (’écrivent le bonheur de Nébridius dans le sein d’Abraham : Jam non ponit aurem ad os meum, sed sjiirituale OS ad FONTEM TUUM, et bibit, quantum potest, sapienliam pro avidilate sua, sine fine felix. C’est en (lieu que Nébridius se rappelle Augustin : nec sic cum arbitrai-INEBRIARI ex ea, ut obliviscat ur mei, cum tu, Domine, QUEM POTAT ILLE, nostri sis memor. insi il boit la divinité elle-même, s’enivre à cette source de sagesse et de félicité sans fin. Ailleurs il affirme, à propos du martyr saint Etienne, mais pour tous les saints, qu’ils sont avec le Christ, jouissant d’une ineffable joie : « L’esprit d’Élienne, où donc Jésus l’a-t-il reçu ? Dans quel séjour, dans quel ciel des cieux ?… Ecoutez Jésus lui-même : Père, je veux que là où je suis, ils soient avec moi. Etre là où est le Christ ! quse potest comprchendere cogitalio ! etc. Serm., cccxix, n. 3, P. L., t. xxxviii, col. 1441. Mais voici un texte, ou plutôt une théorie qui lève tout doute par son étrangeté même. La béatitude des âmes justes après la mort est pour lui une vérité si certaine qu’il l’étend aux jusles de l’Ancien Testament, même avant la passion, et il en conclut cette idée fausse que Jésus-Christ, après sa passion, est descendu dans l’enfer des damnés, et non aux limbes des justes. Pourquoi ? Parce que, dit-il, ceux-ci jouissaient déjà de la présence béatifique he la ijivinité et je ne vois pas ce qu’aurait ajouté la visite de Jésus. Illis justis qui in sinu Abrahæ erant, nondum quid conlulisscl inveni, a quibuseum secundum beatificam pi :.i : -SENTIAM si’.-e divinitatis nunquam video recessisse. Il confirme cette pensée par la promesse au bon larron, et conclut avec énergie : Profecto igitur in pai adisoatqya sinu Abrahæ, ETIAM ANTE JAM ERAT BEATIFICANTE SAPIENtia, et apud inferos JUDICANTE potentia. Epist., clxiv, n. 8, P. L., t. xxxiii, col. 712.

b) Vision de Dieu par les martyrs en particulier. — Ici les affirmations sont si claires que Burnet lui-même le reconnaissait. Augustin montre les martyrs assis au banquet éternel où le Christ lui-même les nourrit de sa divinité. Serm., cccxxix, n. 1-2, P. L., t. xxxviii, col. 1455 : Mensa magna est ubi epi i.i : SUNT IPSE DOmim s viens. !.. Nemo pascit couvivas de se ipso, hoc facil Dominus Christus ; ipse invitator, ipse cibus et putus. .. O beati… finierunt dolores, et accédèrent iio NORES.

Ailleurs, il célèbre leur bonheur uvre Dieu : « O heureux séjour ! la foi le connaît… Où sont-ils donc ces saints ? Ai séjour m bonheur, ibi ubi bene est. Que cherchez-vous de plus’.' Vous ne connaissez pas le lieu : songez, â leur mérite I < > it qu’ils soient, ils sont avec DieuI " Serm., ccxcviii, n. 3, ibid., col. 1366. Ils sont aussi avec le Christ et jouissent de lui. Serm., n cxxxi, n. 1, ibid., col. 1459 : Transierunt de hoc mundo au Patrem ; quæsierunt Christum confitendo,

ïim ERUNT UORIENDO, etc. Lien plus, ces.nues ne sont

ulement avec le Christ, elles régnent avec lui : et

ne’i l’apanage de tous ceux qui meurent dans

le Seigneur, d’après Apoc, xiv, 13 : il le prouve, De civil.,

1. XX, c. ix. n. 2, /’. /.., t. xi. l, col. I)7’i : (Juamvis

m* corpot ibus nondum, jam tamen eorum ani

lui.NAM et M [LLO. Mais pourquoi l.|ioe, il pse paric t-elle seulement (bs martyrs ? La réponse d’Augustin est importante, elle montre qu’on ne peut établir de