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AUGUSTIN (SAINT)

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le principe de toutes nos volontés, même dans le suicide. De lib. arb., 1. 111, c. viii, a. 23, P. L., t. xxxii, col. 1282 ; De civit., 1. XI, c. xxvii, P. i., t. xli, col. 310. A cette soif de bonheur nul ne peut se dérober : nul même ne la discute, tout le débat roule sur son objet. De Trin., 1. XIII, c. iv, n. 7, P. L., t. xlii, col. 1018. La conception augustinienne de la morale est donc franchement eudémoniste : le bonheur y est conçu comme la fin de la vie, précisément parce que l’âme le cherche d’un irrésistible élan. Il y a là l’optimisme essentiel à tout spiritualisme logique. Jamais Augustin n’a pu supposer que cette béatitude soit une chimère et que la nature, en marâtre cruelle, se soit fait un jeu barbare de nous bercer d’aspirations irréalisables. Qu’on n’accuse pas cette théorie de cacher un épicuréisme raffiné, bien inférieur au stoïcisme. Augustin a déjà répondu dans le sermon cl, P. L., t. xxxviii, col. 808-8 li, et la théorie de la charité conciliera tout à l’heure le désir de notre félicité avec le plus pur amour du bien.

b) Un second principe augustinien identifie la béatitude avec Dieu lui-même. Partant de cette donnée platonicienne, que le bien est identique à l’être, le mal n’étant qu’un déficit ou une négation de l’être, il établit que là seulement sera le bien parfait et absolu, où se trouvera l’Etre complet, sans limites, par suite immuable et éternel. Mais toute créature est mélange d’être et de néant ; el inspexi cætera infra te et vidi nec omuino esse, nec oninino non esse, etc. Confess., 1. VII, c. xi, n. 17, P. /.., t. xxxii, col. 742. Dieu seul sera donc le bien parfait, le summum bonum, bonum omnium bonorum, bonum a quo si/ut omnia bona, bonum sine uuo nihilest bonum, et bonum quodeseteris bonum est. In Ps. cxxxiv, n. 6, P. L., t. xxxvii, col. 1747. Ainsi Dieu, notre vraie béatitude, doit être l’unique objet de nos aspirations : Bonorum summa Deus nobis est… Neque infra remanendum nobis est, neque ultra quserendum : alterum periculosum, alterum nullum esI. De mor. Eccl., 1. I, c. viii, n. 13, P. L., t. xxxii, col. 1316. La grande, l’unique loi fondamentale de la morale sera de nous attacher à Dieu. Augustin en empruntera mille fois la formule au psaume i.xii, 28 : mihi Aini.-Km : ni : bi ; <>

i i si ; hoc est totum bonum. Vullis amplius ? Uoleo volentes ; fratres, quid vullis ampliusf Deo adkserere nihil melius. In Ps. lxii, P. L., t. xxxvi, col. 928. Voir Béatitude.

c) La conclusion sera la célèbre théorie du 1. I De doct. christ., c. iii, n. I, /’. /… t. xxxiv, col. 19 : Dieu siu I peut être aimé pour lui-même, de lui seul on peut jouir (/rut) ; des biens créés on doit seulement user [uti) : ils ne sont que des moyens pour aller à Dieu. Cf. De musica, 1. VI, c. xiv, n. 46, P. L., t. xxxii, col. 1187. Cette formule empruntée à Augustin par l’ierre Lombard, Sent., I. I, dist. I, c. ii, sera la première maxime développée au début de toutes les Sommes.

Bonaventure, In IV Sent., I. I. dist. I, a. 1, 2, Quaracchi, t. i, p. 30 sq. ; S. Thomas, ibid., q, n.

Mais la jouissance de Dieu qui béatifie l’âme, est réservée à la vie future. Voir col. 2330. [ci-bas une seule chose est possible, l’effort pour nous unir à lui par la Connaissance et l’amour : Deo adhxrere non valemus nisi. amore, caritate. De mor. Eccl., I. 1,

c. xiv, n. 21, P. L., t. xxxii, col. 1322. Tout.- la morale résumera doue dans la victoire de la charité, qui est l’amour de Dieu jusqu’au mépris île soi, sur la cupidité qui - ur de soi jusqu’au mépris

de Dieu.

On B’est (’tonné (Nourrisson, ouv. cit., t. ii, p. 389) d’entendre Augustin railler les doctrines confuses de l’antiquité sur la nature du souverain bien, et déclarer que. Platon mis à part, aucun philosophe ancien n’a su pénétrer l’énigme de la vie. C’est qu’à ses yeux, le bel li /rôles sur le bien et le devoir

étaunt affectées d’un vici ; ible, I oubli de Dieu

DIU. HL THKOL. tAïilOL.

et de son culte : seul Platon a fait dépendre directement la vertu du Lien suprême, de Dieu, et a du coup divinisé la morale.

2. Le bien et le devoir.

Deux vues, incomprises de nos jours, seront seules signalées sur ce point que d’ailleurs Augustin a moins approfondi rationnellement : la loi révélée lui suffisait.

a) Le caractère absolu du bien et du mal a été admirablement enseigné dans le 1. III De doct. christ., c. xiv, n. 22, P. L., t. xxxiv, col. 7k Le grand docteur montre la justice immuable, indépendante des coutumes des peuples. Voir le texte caractéristique du 1. I Retract., c. xiii, n. 8, P. L., t. xxxii. col. 605. Bien plus, ainsi que Weber l’a signalé, Hist. de la philos. europ., p. 175, il remonte plus haut que la volonté de Dieu pour trouver la source du bien et du mal. Ainsi dans le Cont. mend., c. xv, n. 31, P. L., t. xl, col. 540, ce n’est point parce que Dieu l’a défendu que le mensonge est un mal, mais Dieu l’a prohibé parce qu’il est contraire à l’éternelle justice, règle du bien. Tel est le sens profond de la célèbre définition de la loi éternelle, prescrivant ce qui est déjà fixé par l’intelligence divine et l’ordre des êtres : Lex aeterna est ratio divina vel valuulas Dei, ORDINEM NATl’RALEM conservari jubens et perlurbari velans. Cont. Faust, man., 1. XXII, c. xxvii, P. L., t. xlii, col. 418 (tout le chapitre est important).

b) La source de l’obligation ne peut point se trouver dans le seul caractère du bien. Augustin distingue en effet avec l’Évangile les préceptes et les conseils. Puisque, au-dessus des vertus obligées, il y a une perfection surérogaloire, il est bien clair que tout bien n’oblige })as. Obligation dit uni ? dette, donc envers quelqu’un. Aussi le docteur d’Hippone conçoit-il tout devoir comme imposé par le domaine souverain de Dieu : l’ordre du monde est la propriété de Dieu qui a le droit de la faire respecter. Ainsi tout péché est conçu comme une injustice à l’égard de Dieu : peccatum est voluntas retinendi vel consequendi quod justifia vetat, De duab. anim., c.xi, n. 15, P. L., t. xlii, col. 105 ; même formule dans le De Gen. ad lia. lib. imp., c. i, n. 3, /’. /.., t. xxxiv, col. 221. C’est là un aspect que saint Augustin aime à développer : le péché est la violation de la propriété divine, au moins en ce sens qu’il dégrade l’âme, niaison de Dieu, el détruit l’ordre du monde. Dans le très beau sermon CCCLXXVI1I, n. 8-10, /’. L., t. xxxviii, col. 1272, il dit : Vous êtes intempérant : qui aura le droit de vous accuser ? Nul certes parmi les hommes : seil lamrn… Deus arguit, exigens de te integritatem

TEMPLI SI ! ET INCORRUPTIONEM habi la I itmis su : r. De même dans le sermon IX, n. 15, ibid., col. 87 : in corruptelis eum offendis, in te illi facis INJURIAS] : facis euini injuriam gratis ipsius, domuj e.ius. Augustin revient sans cesse sur cette idée. Cf. Serm., cclxxviii, n. 9, ibid., col. 1273. L’obligation commence donc là OÙ la liberté’, renversant l’ordre essentiel OU naturel des Créatures, porterait atteinte au domaine du créateur en le dégradant. L’homme n’est point tenu de viser à la plus haute perfection, il est tenu de ne point détruire l’œuvre et la propriété de Dieu.

3. /.’mérite et la nécessité des boums œuvres. — Ici surtout, de l’aveu des critiques protestants, éclate le caractère catholique de la doctrine augustinienne, el ce

1ère est aussi éminemment moral. Coi ; nl le pro testantisme a-t-il pu rompre le lien indissoluble que la morale natun lie a établi entre le devoir et le salut, et

faire de [’inutilité de la vertu, la base du nouvel Évangile ? Toujours est-il qu’il doit renoncer à se réclamer d’Augustin sur ce point : « Dans ses écrits, dit Bindemann, /*./ ii. Augustinus, t. m. p. 935, les rapports des œuvres avec la foi sont énergiquement affirmi 9 au sens catholique : on y retrouve les mérites et l’invocation des saints, g il suffira donc de signaler les trois prin 1 d’Augustin en opposition avec la conception protestante.

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