Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée
1589
1590
APOLOGISTES (LES PÈRES)


c’est lui qui devait être envoyé dans le monde comme engendré de la substance du Père, Dial., 128, col. 773, pour souffrir le supplice de la croix, Dial., 89, col. 689, se faire malédiction, Dial., 94, 95, col. 700, 701 ; mourir, puis ressusciter le troisième jour. Dial., 100, 10C, 107, 108, col. 709, 721-725.

Or l’ensemble de ces prédictions ne saurait s’appliquer, comme le prétendent les Juifs, à tel ou tel personnage de l’Ancien Testament, ni à Ezéchias, car il n’a pas été honoré du sacerdoce, Dial., 33, 77, 83, col. 515, 656, 672, ni à Salomon, car il n’a pas étendu sa puissance au monde entier et n’a pas reçu l’hommage des gentils, Dial., 34, col. 548 ; mais il s’applique pleinement, dans tous ses traits caractéristiques et dans ses moindres détails, à Jésus de Nazareth et rien qu'à lui. Dial., 78, 84, 100, 102-107, 126-129, col. 657, 673, 709, 713-725, 768-777. D’où il suit que Jésus est le Christ annoncé par les prophètes, Dial., 48, col. 580, et qu’il est le vrai Christ de Dieu. Dial., 140, col. 800.

Tel est, dans ses lignes principales, le célèbre argument tiré de l’accomplissement des prophéties pour prouver la divinité de Jésus-Christ et de son œuvre : il restera classique. Il nous permet de constater quels étaient les principes d’exégèse en usage chez les Juifs contre le christianisme. Saint Justin accuse certains Juifs de mauvaise foi, Dial., 68, col. 632 sq. ; ils ergotent sur des points de détail, n’acceptent pas les Septante, Dial., 71, col. 641, et se permettent des retranchements au texte sacré, en particulier à Esdras et à Jérémie, Dial. 72, col. 615, surtout celui de ànb toû Çû^ou du psaume xcv. Dial., 73, col. 645. Voir Aristonde Pella.

IV. Les apologistes et le polythéisme.

Quand parut le christianisme, tout était dieu, excepté Dieu ; le polythéisme, déification de la nature, de l’homme, des animaux ou des choses insensibles, était un fait universel. Il fallait, au nom de l’histoire, en dévoiler les origines suspectes ; au nom de la raison, le condamner comme une aberration de l’esprit ; au nom de la morale, le flétrir comme une dépravation du cœur. Les apologistes ne ('étudièrent pas avec une méthode rigoureuse ; au lieu d’insister, pour expliquer son origine ou ses succès, sur la chute originelle, l’affaiblissement de la raison et la concupiscence, ils n’y virent que l’action des démons. Sans chercher à se rendre compte de la déviation et de la corruption progressive de l’idée de Dieu, de la filiation logique ou de la succession chronologique des diverses phases du polythéisme, ils ne se posèrent pas la question de savoir si le culte des démons avait précédé le naturalisme des Pélasges et si, par une dégradation continue, on était passé à l’anthropomorphisme des Hellènes avant d’aboutir à l’idolâtrie proprement dite. Quelques-uns font bien allusion au culte de la nature ou au naturalisme panthéistique, Athénagore, Légat., 22, col. 936 ; Hermias, Irris., 3-9, col. 11721177 ; Tertullien, Ad nat., il, 1, P. L., t. I, col. 587 ; mais presque tous, allant au plus pressé et dominés par les circonstances, combattent le polythéisme sous la forme de l’anthropolâtrie et de l’idolâtrie ; Tertullien, en particulier, au nom de la raison, de la conscience et de l’histoire. Apolog., 10, P. L., t. i, col. 327 sq.

Une de leurs thèses est celle-ci : les dieux du paganisme n’ont été que des hommes. Justin, Apol., I, 9, col. 340 ; Alhénagore, Légat., 18, 19, 28, 29, col. 925, 9211. 953, 957 ; Théophile, Ad Autol., i, 19 ; il, 2, col. 1037, 1018 ; Oclavius, 23, P. L., t. iii, col. 310 ; Terlullien, Apolog., 10, P. L., t. i, col. 328. On connaît le lieu de leur naissance et de leur sépulture ; Tertullien, Apolog., 10 ; et d’après Lvhémère, l'époque de I' mvie et la nature de leurs occupations. Oclavius, 21, /' L., t. iii, col. 300. Pourquoi donc ont-ils été vénérés comme des dieux ? A cause des services qu’ils ont rendus, m Ion Prodicus, Oclavius, 21 ; à cause de leurs tceplionnels, selon d’autres, Tertullien, Apolog.,

11, P. L., t. i, col. 335 ; mais c’est plutôt à cause de leurs vices. Athénagore, Légat., 30, col. 957 ; Théophile, Ad Autol., iii, 3, 8, col. 1125, 1133. De tels dieux n’ont aucun droit à siéger dans le ciel ; leur place est au fond du Tartare, dans le lieu des supplices, où sont justement punis ceux qui leur ressemblent ; la justice humaine, en condamnant les criminels, condamne par là même le ciel païen. Mieux vaudrait l’apothéose des grands scélérats : elle honorerait dignement les dieux. Tertullien, Apolog., 11, P. L., t. i, col. 335. Même en admettant que ces dieux ont été des hommes vertueux et sans reproche, combien, dans l’enfer, qui leur sont de beaucoup supérieurs ! On n’a pas consacré leur dignité. Ibid., col. 337. En réalité, les dieux païens n’ont été que des êtres absurdes, Athénagore, Légat., 20, col. 929 ; passionnés et immoraux', Justin, Apol., il, 14, col. 468 ; Tatien, Orat., 21, 25, col. 853, 861 ; Athénagore, Légat., 21, col. 933 ; Théophile, Ad Autol, i, 9 ; III, 3, 8, col. 1037, 1125, 1133 ; infâmes, souillés de tous les crimes et souillant le ciel par le débordement de leurs mœurs et le scandale de leurs aventures, le transformant en un théâtre de dépravation, en une école d’immoralité. Ces dieux sont la déification des vices de l’homme pour excuser et légitimer la perversité humaine. Oclavius, 22, P. L., t. iii, col. 308. Une telle théologie aboutissant à une telle morale révolte la raison et outrage la divinité. Justin, Apol., I, 9, col. 340.

Après l’anthropolâtrie, l’idolâtrie. La foule, par besoin de symbolisme, s’adonnait au culte des idoles, images ou statues. D’abord représentation sensible et concrète des dieux ; puis, identifiée avec les dieux, l’idole finit par supplanter la divinité et resta le seul dieu. Or c'était là de la matière façonnée de main d’homme, Oclavius, 23, P. L., t. iii, col. 310 ; parfois vile ou ordinaire, Justin, Apol., I, 9, col. 310 ; Tertullien, Apolog., 13, P. L., t. I, col. 339 ; parfois objet de rebut ou consacrée à des usages profanes, également insensible aux insultes et aux outrages comme aux honneurs, Théophile, Ad Autol., il, 2, col. 1018 ; Tertullien, Apolog., 13, P. L., t. I, col. 312 ; souvent traitée par l’homme avec irrévérence, impiété ou sacrilège ; tels les dieux lares, familièrement considérés comme des serviteurs domestiques, ou même les dieux publics soumis aux exigences du fisc, payant l’impôt et vendus aux enchères, Tertullien, Apolog., 13, P. L., t. I, col. 315 ; et de nulle efficacité. Athénagore, Légat., 18, col. 925. Ce qui n’empêchait pas la foule de les consulter, de croire à leurs oracles souvent trompeurs, Oclavius, 26, P. L., t. iii, col. 320 ; de leur prêter un pouvoir surnaturel, Athénagore, Légat., 21-27, col. 918-953 ; oracles et prodiges que certains païens attribuaient aux esprits intermédiaires entre les dieux et l’homme. Oclavius, 27, P. L., t. iii, col. 324.

Dans le culte de ces dieux et de ces idoles les apologistes n’hésitèrent pas à voir l’intervention du démon. Justin, Apol., I, 9, col. 310 ; Tatien, Oral., 17, col. 841 ; Alhénagore, Légat., 24-27, col. 948-953 ; Tertullien, Apolog., 23, P. L., t. i, col. 414. En effet, le démon, jaloux de l’homme, ne poursuit qu’un but : le pervertir, le détacher de Dieu et se l’asservir, Tatien, Orat., 16, 17, 18, col. 840, 841, 848 ; en un mot, le perdre. Tertullien, Apolog., 22, /'. L., t. i, col. 407. Pour mieux > réussir, les démons usaient de tous les subterfuges, de songes et de prestiges, Justin, Apol., I, 14, col. 348 ; cherchant à contrefaire Dieu, à se faire passer pour Dieu, Octavius, 27, P. L., t. iii, col. 324 ; amuUmtur divinitatem dum furantur divinationeni, Tertullien, Apolog., 22, P. L., t. I, col. 408 ; vrais voleurs de la divinité, '/ r.Tta’i 0£Ôtï)îo ;. Tatien, Orat., 12, col. 832. Ile là, sous leur inspiration, l’invention des fables, Justin, Apol., i..M. (il : /*m/., 70, col. 408, 420, 640 ; et, chez les poètes et les historiens, Théophile, Ad Autol., II, S. col. 1061, 1 habile mélange de la vérité et de la fiction pour don-