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AUGUSTIN (SAINT)

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de son unité, ce n’est pas seulement conforme à la pensée de saint Augustin, c’est, nous osons le dire, une des idées dominantes de sa théorie eucharistique : il y revient constamment, par exemple dans les sermons aux néophytes. Ci. Serm., lvii, n. 7 ; Serm., ccxxvii, ccxxix, ibid., col. 389, 1100, 1103 ; In Joa., tr. XXVI, n. 13-15, P. L., t. xxxv, col. 1614 ; Episl., ci.xxxv, n. 50, P. L., t. xxxiii, col. 815. Parlantde ces deux idées que l’Église est le vrai corps mystique du Christ, corps dont il faut être membre pour participa à sa vie, et d’autre part que manger son corps et son sang dans l’eucharistie c’est devenir membre du Sauveur, être un avec lui, il envisageait ce mystère comme le sacrement de l’incorporation parfaite du fidèle au Christ et à son Église. sacramentum unilatis ! Ovinculum caritatis ! s’écriait-il. In Joa., loc. cit. Et il empruntait à saint Cyprien le symbolisme du pain et du vin formés de multiples grains de blé et de raisin broyés et confondus dans l’unité. Théorie aussi belle qu’elle est ancienne dans l’Église. Mais, loin de former une objection contre la présence réelle, elle en est une admirable confirmation.

En eflet, le symbolisme de l’Église n’est donné par Augustin que comme un sens secondaire, mystique, de la formule corpus Clirisli : il suppose toujours le sens premier et littéral qui désigne le corps réel de Jésus-Christ. On pouvait discuter, plus haut dans les deux premières séries de textes, si Augustin entendait que ce corps du Christ fût présent on seulement représenté dans le pain eucharistique : mais prétendre qu’au sens littéral il exclusif, le Hoc est corpus meum et tous les textes eucharistiques, d’après Augustin, désignent seulement l’Église, corps mystique du Christ, et en aucune manière son corps réel, c’est absolument contraire à l’évidence : tous les lextes déjà cités, ceux même que Loofs el Dorner ont allégués, protestent contre une interprétalion qui ferait dire à saint Augustin : la chair du Christ née de Marie, qu’on adore dans l’eucharistie, c’est l’Église ; le pain descendu du ciel que nous mangeons, / ; / Joa., tr. XXVII, n. 5, c’est l’Église ; la victime du Calvaire qui s’offre sur l’autel, c’est encore l’Église ; le sang donné dans le sacrement, avant d’être répandu sur la croix, De pecc. mer., 1. I, n. 34, ce n’est pas le sang du Christ, c’est toujours l’Église. Bien plus, il faudrait attribuer tout cela à saint Paul, dont les paroles unus pauis, unum corpus, I Cor., x, 17, ont inspiré la théorie de l’évoque d’Hippone.

La vérité est que pour saint Augustin comme pour saint Paul, l’eucharistie et les formules qui l’expriment enferment un double mystère : d’abord le mystère du corps et du sang réels de Jésus-Christ, donnés sous les du pain et du viii, et l’incorporation ia fidèle au ( ; inisi lui-même qui devient, par la vertu sacramentelle, on principe de vie divine ; puis le mystère du corps mystique du Christ, l’Eglise, et l’incorporation du fidèle dans l’unité de ce corps mystique. Et ce second symbolisme, loin d’exclure le premier sens, le suppose essentiellemenl et en dérive, dans la pensée de Paul et d’Augustin, comme une conséquence à la fois logique et symbolique. C’est précisément, parce que les fidèles, en recevant les ments, surtout en « mangeant » le corps réel du Christ, se sont incorporés à Lui, et vivent de Lui qu’ils forment tous ensemble unteulcorps mystique, l’Église. S.i in) Augustin nousavait expressément prévenus. Dans le sermon ccxxvii, voulant développer contre les donafavorite de l’unité de l’Église figurée dans l’eucharistie, il commence par affirmer le sens littéral, la communion au corps et au sang du Christ,

tang qu’il a répandu pour nos péchés. oici coi

il parle mx néophytes qui ont fait la communion dans la nuit de Pâque : Panis ille queni videtis in allai-), êanctificalut per verbum Dei, corpus est Cwusti. Calix ille, imo quod habet calix, sanctifleatum per verbum Dei, sam. us ESI ClIRlSTI. Per ista volait Dominus

commendare corpus et sanguin em suum, quem rno

    1. NOBIS FUDIT INREMISSIONEMPECCATORTJM##


NOBIS FUDIT INREMISSIONEMPECCATORTJM..P. L., t. XXXVIII,

col. 1099. Certes, jusqu’ici, ce corps et ce sang répandu pour nous, ce n’est point l’Église, mais bien le corps réel du Sauveur : voilà le sens premier et littéral de l’eucharistie. Et voici aussitôt le sens figuré, l’unité de l’Église : Si bene accepistis, vos estis quod accepistis. Aposlolus znim dicit : UNUS panis, etc. Sic exposait sacramentum mensse dominicae… commendatur valus in isto pane quomodo unitatem amarc debealis. Numquid enim panis ille de uno grano factus est ? etc. Ibid. « Si vous avez dignement reçu (ce corps et ce sang du Christ), vous êtes désormais ce que vous avez reçu (c’est-à-dire membres du Christ, le Christ lui-même), etc. » Il y a plus : le même sermon retrouve ce symbolisme de l’Église dans deux autres sacrements : « Vous étiez les grains de blé, dit-il en substance, il a fallu les exorcismes pour vous moudre, l’eau du baptême pour vous pétrir, et le feu du Saint-Esprit figuré dans le chrême (confirmation) pour cuire ce pain mys-I’rirux que vous êtes. » I)ira-t-on que le baptême et la confirmation sont seulement le symbole de l’unité de l’Église ?

La pénitence.

Voici les principaux points de la

doctrine augustinienne sur celle question qui lut, dit llarnack, Précis de t’hist. des dogmes, trad. franc., p. 252, « le problème propre à l’Eglise latine. » En effet, tandis que l’Orient se divisait sur la personne du Christ, l’Occident était agité surtout par les diverses tonnes du novatianisme, et se demandait comment les pécheurs devaient être traités par l’Eglise. Pour comprendre la théorie pénitentielle d’Augustin, il faut supposer ici la démarcation si nette qu’il a tracée entre les péchés mortels (letalia, crimina) qui condamnent à l’enfer, et les véniels qui sont compatibles avec la grâce. Voir plus loin ce qui est dit de la morale d’Augustin.

1. L’idée fondamentale d’Augustin est la célèbre distinction des irais pénitences si différentes par leur nature et leur objet ; elle a été développée dans les sermons cccli, ceci. ii, /’. L., t. xxxix, col. 1535-1560 ; Cuil..lui., 1. II. c. viii, n. 23, P. L., t. xi.v, col. 689. Nous empruntons une forme plus concise au Serm. de symb. ad catecli., c. vii-vm, n. 15, /’. /.., t. XL, col. 636. La première pénitence est le baptême, remède à tous les péchés, propter omnia peccata, baptismus inventas est. La deuxième est la pénitence quotidienne par la prière (surtout l’oraison dominicale, dimilte nobis. ..) pour les péchés véniels ou de chaque jour : propter levai, sine qtiibus esse non possumus, oratio inventa… ; semel abluimur baptismale, quotidie abluimur oratione ; ailleurs il ajoute le jeûne, l’aumône corporelle et spirituelle, surtout lepardon des injures. Serm., ix, n. 17, /’. /, ., t. xxxviii, roi. 88 ; cl. Epist., ci. ni, n. 15, /’. L., i. xxxiii, col. 659, misericordim sacrificiis expiatur, etc. Il s’; igii uniquement des péchés véniels, dans ce sens moderne du mot. c’est-à-dire de ceux qui ne méritent point l’enter, Enchiridion, c. i.xxi, eol. 2115. De quotidianis autem, brevibus levibusque peccatis, sine quibus lare vita non ducitur, par opposition aux crimes dont les coupables, regnum Dei non possidebunt. Ibid., c. lxix. La troisième et la magna jn niii’uiia, par laquelle on obtient de l’Église le pardon des fautes graves : illi euim quOS videtis ai/rre

pœnitentiam scelera commiserunt, <"</ adulteria aut aliqua facta immania : unde aguni pœnitentiam. ftam si levai peccata ipsorum estent, iai hsec quotidiana mutin delenda sufficeret, Sermo de symb., lue vit.

2. Le pouvoir <irs clefs, — Dans cette troisième pénitence, il n’affirme pas seulement un vrai pouvoir sacramentel de remettre les péchés devant Dieu, avec

ie ce site d’y recourir pour les finies graves, mais encore

l’extension de ce pouvoir à tous les crimes sans exception : le temps du rigorisme est définitivement passé.