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AUGUSTIN (SAINT)

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ouvrages comme dans sa jeunesse. Quelques indications suffiront.

Dans le De Gencsi ddv. manich., 1. I, c. iii, n. 6, P. L., t. xxxiv, col. 176, il avait dit : Omnes homines possunl, si velint. — Œuvre de jeunesse ! dira-t-on, il a changé de sentiment. Or plus tard, quand les pélagiens se prévalaient de ce texte, le rétracte-t-il ? Bien au contraire : dans les Retract., 1. I, c. x, n. 2, P. L., t. xxxii, col. 599, il répond avec énergie : Verum est omnino omnes homines hoc posse, si velint, ; sed prseparatur voluntas a Domino. Cette préparation est celle qu’il nous a expliquée : cujus miseretur, sic eum vocal, quoimiilii scit ci congruere ut vocantem non respuat. De div. qusest. ail Simplic., 1. I, q. il, n. 13. — Dans son dernier ouvrage, Oftus imverf. cont. Julian., 1. II, n. 6, P. L., t. xlv, col. 1141, c’est toujours la même affirmation : Polest hamo bonum velle, sed prseparatur voluntas a Domino. — Dans ses sermons, Augustin ne dit pas seulement : « Ne sachant pas si vous êtes prédestinés, luttez comme si vous l’étiez, » mais il dit formellement : « Il dépend de vous d’être des élus, » par exemple : In Ps. rxx, n. 11, P. L., t. xxxvii, col. 1614 : Ut autem sis ad dexteram, id est ut possis Dei filins fîeri, potestatem accepisti. In Ps. xxxvi, serm. i, n. I, P. L., t. xxxvi, col. 356 : Quid autem horion duorum esse relis ((’lu ou réprouvé)… nunc est in potesiatc. .. Elige cum tempus est.

On ohjecte l’axiome au^ustinien établi plus haut : « les listes des élus et des réprouvés sont closes ; » or, si tous peuvent passer d’une série dans l’autre, pourquoi quelques-uns ne bouleverseront-ils pas le plan divin’.' — oublier la célèbre explication d’Augustin : quand Dieu faisait son plan, « il préparait les volontés, » il savait infailliblement, avant son choix, quelle serait la réponse des volontés à ses grâces. Nul ne passera d’une liste dans l’autre, non point parce que nul ne pourra, mais nul ne voudra, Dieu le sait. Ainsi je ne puis pas l’aire que Dieu me destine une autre série de grâces que celle qu’il a fixée, mais avec cette grâce, si je ne me sauve pas, ce ne sera pas faute de le pouvoir, mais faute de le vouloir.

Ainsi doit s’expliquer la formule si discutée : Si non es prsedestinatns, fac ut orsedestineris. Sons celle l’orme il prise à la rigueur, le R. P. Roltmanner, Der Augustinismus, p. 29, dit fort justement qu’elle n’est pas augustinienne..l’ajoute qu’elle ne sérail qu’un paradoxe irrationnel, puisqu’elle signifierait ceci : « Si Dieu sait infaillement que tu te damneras, fais qu’il sache le contraire. » L’hypothèse se détruit elle-même. Mais par cette formule, on a voulu expliquer d’une manière piquante (trop paradoxale, je le répète, ci qu’il laul abandonner ) le pouvoir parfait de tout homme de devenir un élu, et c’est là un dogme augustinien au premier chef : « Quels sont les élus ? Vous, si vous voulez. » In ]>s. LXXlfr, n. ô : Quis est istef as, si vultis. I » Evang, Joa., tr. XXVI, n.’2 : Nondum traherisf Ora ut traheris. In Ps. cxxvi, n. i : Aliis paratum est : et ras (du estote, et vobis paratum est. ci. mie collection de dans l’ouvrage cil.’du P. Rottmanner.

Voilà les deux éléments essentiels de la prédestination augustinienne et catholique : c’e^i le dogme commun à eolos catholiques (sauf le mode de conciliation que l’Église laisse toujours libre). Ces deux points régl< des théologiens sur la prédes tination « ///cou oost mérita sont loin d’avoir l’importance que plusieurs % attachent. Disons-en ce qui suffit à dire saisir la position d’Augustin dans le débat.

C. Ordre des intentions divines, et position d’Augustin dans la controverse de la prédestination spéciale gloire ami. oc POST mérita. — Depuis le xvr siècle, thomistes et augustiniens réclament le docteur d’Hippone pour le système ^éwro ci d’illustres déiennce moyenne les suivent avec Bellarmin,

U1CT. DE THÉOL. CATIIOL.

De gratia et lib. arhit., 1. TI, c. XV ; Suarez, De Deo, 1. I, c. vin ; De auxiliis, 1. III, c. xvi-xvii, ou sans les suivre, leur accordent du moins saint Augustin, par exemple Petau, De Deo, 1. IX, c. VI. Toutefois les partisans du système plus doux sont encore le plus grand nombre, et la plupart croient être fidèles à la doctrine d’Augustin. Où est la vérité ?

a) rai sens du problème. — Notons que trop souvent le problème est mal posé. D’une part, certains défenseurs de la prédestination vost mérita se sont imaginé que Dieu décide de donner telle série de grâces sans savoir le résultat qu’elle produira, et qu’après son décret seulement il verra le consentement ou dissentiment futur qui méritera le ciel ou l’enter. Au fond, ce serait méconnaître absolument le dogme, le don gratuit fait aux élus : Dieu attendrait les volontés, théorie semipélagienne. D’un autre côté’, les partisans de la prédestination ante mérita ne veulent souvent qu’affirmer ceci : Dieu, avant de connaître dans la science de vision, la conversion de Pierre, savait et voulait cette conversion, il décidait de donner la grâce qui le sauverait et la gloire qu’il mériterait par cette grâce. Dans sa savante étude sur la prédestination, le bénédictin L.Janssens, Prælccliones de Deo uno, Rome, 1899, t. ii, p. 399-500, ne veut prouver, semble-t-il, ou du moins ne prouve que ce point. Les trois principes bénédictins qu’il énonce, p. 175, sont également vrais dans tous les systèmes catholiques. Car c’est là le dogme pur : toutes les écoles doivent le soutenir, et Molina, loin de le nier, comme plusieurs le prétendent, n’a systématisé la science moyenne que pour concilier ce dogme avec la liberté. D’après le molinisme comme d’après Augustin, avant de connaître dans la science de visitai la persévérance finale de Pierre, Dieu décide de lui donner telle grâce qu’il sait (par la science moyenne) devoir amener celle persévérance, et, par là même, il décide, avant laul mérite de Pierre, que Pierre méritera le paradis.

Voici donc le véritable aspect du problème qui reste à résoudre : quand Dieu, entre tous les mondes possibles, a décrété, indépendamment de tout mérite, la création de celui-ci, avec telle série de grâces déterminées, telle série d’actes méritoires et telle série d’âmes librement sauvées ou perdues, de ces Irois objets inséparablement liés entre eux, en est-il un qui attirât de préférence la complaisance et la volonté de Dieu, un dont la réalisation fut la première intention, le finis operantis de Dieu ? Par exemple, Dieu a choisi la série de grâces avec laquelle il voyait infailliblement liés la conversion et le salut de Pierre : ce choix était-il dicté à Dieu parce qu’il voulait absolument le salut de Pierre, ou bien en aimant ce salut, avait-il un autre motii de créer ce monde et de donner cette série de grâces ?

Ii Les deux Systèmes. — D’après les partisans de la prédestination ante mérita Dieu a précisément aimé et voulu, avant toute celle série d’élus, cette Jérusalem cleste avec le nombre déterminé d’élus et la hiérarchie céleste qui résultera de l’histoire de noire monde. C’est par amour pour ces élus qu’il a choisi la série actuelle des grâces, el si, par exemple, il eût prévu que ces grâces n’eussent pas sauve Pierre ou tout autre élu de ce monde, il était disposé à choisir une autre série qui lui efficace,

L’épine de ce système, ce sont les damnés : logiquement, il laul conclure, semble-t-il à ses adversaires, que Dieu a choisi pour eux les grâces prévues inefficaces,

préci lément parce qu’ils n j devaient pas correspondre, ei s’il eût prévu i(ue Judas se laisserai ! convertir par ces i, il étail disposé à choisir une autre série à laquelle il résisterait. C’est bii n dur.

D’après les molinistes, au contraire, quand Dieu a

décidé « le créer <-, m. mil. ite Bérie précise de

i£ qu il savait devoii pn parer telle hiérarchie d’élus,

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