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AUGUSTIN (SAINT)

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l’âme. Cetteconception trop matérielle du péchéoriginel a été exprimée d’une façon presque brutale par son disciple Fulgence dans le De fide ad Petrum, c. il, n. 16, P. L., t. xl, col. 753, et adoptée par la scolastique primitive avec Pierre Lombard, Sent., ]. II, dist. XXX, c. ix, et surtout dist. XXXI, c. vi : Multiplex defectus carnis et prxcipue pollutio quædam, quam ex fervore coïlus parentum et concupisccntia libidinosa contraint caro dum concipitur, causa est originalis peccati. Mais une étude plus attentive, en particulier du grand passage de VOpus imperf. cont. Jul., 1. VI, c. xxii, P. L., p. xlv, col. 1552-1554, écarte cette grossière interprétation ; Augustin recourt à une union morale entre Adam et nous, semblable à la solidarité qui nous unit au Christ sauveur : quia induti surit illo qui voluntate peccavit, traînait ab illopeccati reatum… sicutparvuli quiChristo i uduuntur, …sumunt ah illo participationem juslilise.

— Les grands docteurs, par exemple saint Thomas, In IV Sent., 1. II, dist. XXXI, q.i, a. 1, Paris, t. viii, p. 422 ; saint Bonaventure, ibid., dist. XXXI, a. 2, q. i, dit. de Quaracchi, t. ii, p. 748 sq., et leurs successeurs, ont entrevu que le seul fait de naître (ils d’Adam par la génération naturelle rend la personne humaine responsable (dans le degré déclaré) de la faute paternelle et de sa propre déchéance. Mais il a fallu une élaboration lente et continue, et c’est un des points où le progrès de l’éclaircissement du dogme se manifeste avec plus d’éclat.’r question : Comment saint Augustin a-t-il compris la damnation qui résulte du pèche originel ? — Une exagération plus grave d’Augustin concerne la mesure ne dans laquelle le péché d’Adam est transmis à ses descendants, c’est-à-dire la nature intime de la damnation des fils d’Adam. Souvent on lui reproche d’avoir accablé l’humanité déchue d’effrayants anathèmes : le premier, selon la remarque de Pelau, Dogm. theol., 1. X, c. I, n. 8, 9, t. I, il a pris dans un sens péjoratif le ç-jpap-a = conspersio, massa, et appelé la descendance d’Adam massa luti, massa peccati, peccatorum, iniquvmassa iræ, mortis, damnationis, offensionis, massa tota viliala, damnabilis, damna/a. Cf. les citations très précises du H. P. Rottmanner, Der AugusHius, p. 8. — Mais tout cela c’est le dogme de la chute, non son explication. S’il y a péché, iï y a darnnation, et dans la mesure même où il y a péché, il y a damnation ; aucun catholique n’en peut douter. Mais ce péché et cette damnation sont-ils de même nature que le péché personnel et la damnation qu’il mérite ? Les expressions si dures en apparence ne nous apprennent rien sur la pensée d’Augustin, il tant la chercher dans sa théorie sur le sort des enfants morts sans baptême. El là, malgré les efforts de certains théologiens et même il 1 - grands docteurs scolastiques pour adoucir ses expressions, sa théorie est vraiment trop dure, bien qu’elle soit moins cruelle que d’autres ne l’ont prétendu.

a) Trop dure : Il les place en enter et, dans l’enter, les condamne à un châtiment éternel. Au début, il a douté ou même, dans le De lib. arbit., I. III, c. xxiii, il accorde un lieu intermédiaire entre le ciel et i’enfer, et niediam judicis sententiam inter prsemium et supplicium. Mais plus tard, il n’hésite plus et parle toujours d’une peine qu’ils ont à soultiir..Même dans sa lettre ci.xvr. c. xxiii. /’. /.., t. xxxii, col. 727, bien qu’il avoue son embarras, cum « / pâmas ventum est i an arctor angustiis nec quid respondeam

>, il n’hésite pas sur leur existence, quo te est trahantur. Cl. De dn, t « persev., c. xii, n. 30, /’. /.., t. xi. iii, col. 1010 ; Serm., ccxciv, c. iv, n. S, /’. /.., t. xxxviii, col. 1337 (très sévère) ; Op. .I. cont. Julian., I III, n. 199, /’. /.., t. xi v col. 1333.

! i) Moins cruelle qu’on ne l’a dit : car toujours il a proclamé la légèreté »- cette peine ; il l’appelle milistimapœna dans V Enchiridion, c. sein, P. L.. t. xl,

col. 275 ; levissimam damnationem. Cont. Julian., 1. V, c. xr, n. 44, P. L., t. xliv, col. 809. Et qu’on ne dise point que ces expressions n’ont qu’un sens comparatif aux peines des autres damnés. Augustin ajoute aussitôt qu’il n’ose décider si leur sort n’est point préférable au néant : quse qualis et quanta erit, quamvis definire non possim non tamen audeo dicere, quod eis ut nulli essent, quam ut ibi essent, potius expediret. Ibid. Augustin est donc moins sévère que ne le pense F. Schmid, Quiestioncs selectse ex theol. dogm., Paderborn, -1891, p. 255. Il reste acquis que, dans sa pensée, la damnation due au seul péché originel, est essentiellement différente de celle que méritent les péchés personnels. La théologie a progressé depuis et a formulé plus clairement que le péché originel prive uniquement des biens surnaturels et laisse la nature intacte.

5’question : Suint Augustin a-t-il affirmé la transmission d’autres péchés que celui d’Adam ? — Il n’a point affirmé, mais on doit reconnaître que, pour lui, il n’est pas improbable que les entants portent les iniquités de leurs parents. Enchirid., c. xlvi, xi.vn, P. L., t. xl, col. 254-255 : Parentum quoque peccatis parvulos obligari, non solum primorum hominum, sed eliam suorum, de quibus ipsi nati sunt, non improbabilité }’dicitur. Voici les limitations qu’il apporte à celle opinion étrange : a) Ces péchés ne seraient héréditaires que jusqu’à la troisième génération, puisque les textes de l’Ancien Testament, sur lesquels on s’appuie, Deut., v, 9, admettent cette réserve. — b) Bien que ces péchés paternels créent une vraie responsabilité, ils ne peuvent pervertir la nature humaine, comme le péché d’Adam : etsi non ita possunt mu tare naturam, reatu tamen obligant filios, nisi gratuila gratia… subveniat. — c) Ces péchés héréditaires sont d’une nature si différente de la faute d’Adam, que celle-ci seule exige un rédempteur. //’('(/., n. 14, col. 255. Les disciples de saint Augustin ne lui ont guère emprunté cette erreur : on peut cependant citer S. Grégoire le Grand, Moral., 1. LV, c. i.vn, /’. L., t. lxxv, col. 1110.

Lu prédestination augustinienne.

I. Exposé du

problème. — Pour comprendre l’attitude d’Augustin, le mieux sera de mettre en regard les diverses réponses qui ont été faites déjà de son temps à une question soulevée par lui. Le problème de la prédestination se réduit à ceci : Dieu, dans son décret créateur et avant tout acte de la liberté humaine, détermine-t-il, par


choix immuable, les élus et les réprouvés ? Pendant l’éternité, les élus devront-ils remercier Dieu uniquement d’avoir récompensé leurs mérites, ou encore de les avoir choisis, avant tout mérite de leur part, pour mériter celle récompense ?

Trois réponses ont été faites à la question posée :

A. Le système semipélagicn tranche en laveur de l’homme. Dieu prédestine également tout le monde au salut, et donne à tous une égale mesure de grâces. Seule la volonté de l’homme, par sa résistance ou son assentiment à la grâce, décide si on sera sauvé ou perdu. Toute prédestination spéciale, si elle n’est fondée sur le mérite réel ou conditionnel des élus, serait opposée à la justice de Dieu et à la liberté humaine. Ils allaient jusqu’à insinuer (ce que répéteront plus tard certains théologiens) que le nombre tics élus n’est pas arrêté ni certain i

lî. Le sNsièine prédestinai ien (que les semipélagiens attribuaient à saint Augustin et que d’autres croient en eftel trouver dans ses écrits) affirme, non seulement des l’éternité, un choix privilégié di - élus pur Dieu (ce qui bien compris est le dogme catholique), mais en même temps : a) la prédestination des réprouvés à

I -nier ; l>) el l’impuissance absolue pour les uns comme

I i les autres de se soustraire à I impulsion irrésistible qui les entraîne soit au bien soil au mal. Ces tvn a i itions constituent le caractère essentiel du prédes-