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AUGUSTIN (SAINT)

qualités de notre nature. Tout cela doit être discuti à tond aux articles Baius et JANSÉNISME. Ici quelques indications suffiront pour établir la vraie pensée d’Augustin.

a) Contre Pelage, Augustin a décrit les privilèges d’Adam : l’immortalité et l’impassibilité, De civit. Dei, 1. XIV, c. x, xxvi, P. L., t. xli, col. 417, 434 ; l’intégrité ou préservation de toute révolte des sens, ibid., c. ix-xi, xviii, col. 413-418, ’t'25 ; De Genesi ad litt., . XI, c. i, n. 1, P. L., t. xliv, col. 781. Parmi ces dons, il attribue au premier homme une science miraculeuse, Op. imperf. roui. Julian., 1. V, c. i, P. L., t. xlv, col. 1432, et, don encore plus extraordinaire, la préservation de l’erreur. Do lib. arbit., 1. III, c. xviii, n. 52, P. L., t. xxxii, col. 1296.

b) En affirmant le caractère gratuit et surnaturel (quoad modum) de ces dons, Augustin a d’avance réfuté Baius. Ainsi pour l’immortalité, il affirme aussi clairement que les Pères grecs Athanase, Cyrille d’Alexandrie ou Grégoire de Nazianze, que l’homme, naturellement mortel, a dû l’immortalité à une grâce aihttirable du créateur, De civit. Dei, 1. XIII, c. xx, P. L., t. xli, col. 394 : de ligno vitæ mirabih Dei gratia præstabatur ; De Gen. ad Itlt., 1. VI, c. xxv, n. 30, P. L., t. xxxiv, col. 351 : mortalis erat conditione corporis ani » )alis, immortalis autan bénéficia conditoris. Cf. De pecc. mer. el remis., 1. I, c. iii, n. 3, P. L., t. xliv, col. 110111. Quand donc il dit dans les moines ouvrages, en parlant des fils d’Adam, morte)))…, non lege naturse… sel/ nierito inflictam esse peccati, De civit. Dei, 1. XIII, c. xv, P. L., t. xli, col. 387, les théologiens ont parfaitement compris sa pensée, en l’interprétant ainsi : Historiquement et en fait, seul le péché d’Adam nous a intligé la mort, puisque Dieu nous avait garantis de la loi de notre nature. — Ainsi en est-il des autres dons, et saint Augustin l’a reconnu, en affirmant que Dieu aurait pu faire de la condition actuelle où nous naissons la condition primitive de nos premiers parents, assertion qui, à elle seule, renverse tout le jansénisme, De libero arbit., 1. III, c. xx, n. 5b P. L., t. xxxii, col. 1298 ; la tliese soutenue là, loin d’avoir été rétractée, comme le prétendait Jansénius, est formellement confirmée dans les Retract., 1. I, c. ix, n. 0, ibid., col. 598.

c) Le don précieux entre tous, la grâce sanctifiante de l’adoption divine fut également conférée à Adam ; Augustin le proclame ouvertement, soit quand il dit que notre renaissance chrétienne rétablit en nous l’image de Dieu qu Adam axait perdue par sa chute, De Gen. ad litt., 1. VI, c. xxiv, n. 35, P. L., t. xxxiv, col. 335 ; c. xxvii, n. 38, col. 355, soit quand il explique, par la charité du Saint-Esprit, la rectitude de volonté qui fut conférée au

premier hon De corrept. et grat., c. xi, n. 37,

P. L., t. xliv, col. 935 ; et. De grat. ChHsti, c. XXI, n. 22, P. L., t. xliv, col. 370. Or, le caractère surnaturel de l’adoption divine est un des points si fondait de l, i doctrine d’Augustin, qu’on s’étonne qu’il

ait pu être nié. Quand il établit que cette adoption est une grâce incomparable, il ne le prouve point par notre état de pécheurs (système janséniste), mais sur cette raison universelle et profonde, que nous sommes des créatures, et que l’adoption nous divinise, nous t’ait participer .i la nature divine. Voir la magnifique explication lie adoption dans Cont. Faust, mon., I. III, c. ni, /’. /, ., t. xi.ii. col. 215 : Nos autem… creatura sumus, quam non gentil, sed frai, et ideo, m fratres Chris ti secundum modum suum faceret, adoptavit… Cum

joui rssrnius oh ipso moi noli. sril rnudtli ri itlStitUti,

/ suo et g n ati a sua’jaiiiit ut jiiu ejus essemus. Et encore Epist., cxl, ad Honoratum, c. iv, n. 10 sq., /’. /, ., t. xxxii, col. 517 : Films Dei venit ni… donarei qui eramus filii hominum, filios Dei fieri… ut efficetetnus participes naturse ipsius.

<i) Huant a la grâce actuelle, après avoir en-’qu’Adam l’avait reçue à un haut degré, De corrept. et grat., n. 29, P. L., t. xliv, col. 933, il développe une différence importante entre la grâce d’Adam et celle de ses fils rachetés. La grâce reçue par Adam lui conférait le pouvoir de persévérer (adjutorium sine quo non posset persex>erare), au contraire ses fils chrétiens qui de fait se sauvent, reçoivent la persévérance elle-même (auxilium quo persévèrent). Les jansénistes en ont conclu qn’il y avait une différence essentielle entre la grâce d’Adam et la notre : la grâce d’Adam laissait la liberté de la résistance, depuis la chute au contraire elle produit nécessairement son effet. Au paradis terrestre se vérifiait le système moliniste de la grâce ; dans la nature déchue, plus de liberté, plus de grâce suffisante.

Cette interprétation ne tient compte ni du but de saint Augustin dans ce passage, ni de ses explications les plus formelles : a. Son but n’est point d’expliquer toute grâce, mais spécialement le don de la persévérance : comparant donc la grâce d’Adam, sous ce rapport, avec celle des chrétiens qui persévèrent de fait, des martyrs par exemple, il constate qu’Adam a reçu seulement le pouvoir de persévérer, s’il voulait, tandis que le martyr a reçu la grâce efficace de la persévérance. — b. Dans ses explications, loin de nier que la liberté demeure avec la grâce des rachetés, il l’affirme expressément. Voir col. 2299. Seulement il observe qu’une grâce plus forte que celle du paradis terrestre nous est nécessaire pour que la liberté triomphe des révoltes de la concupiscence dont Adam était préservé. De corrept. el grat., n. 35, ibid., col. 937 : Major quippe libertas est neecssnria adverSUS tôt et tanins Irn/alionrs.

2e question : Saint Augustin a-t-il le premier affirmé l’existence du péché originel ? — Saint Augustin a distingué’, avec plus de netteté et d’insistance que ses prédécesseurs, dans ce dogme de la déchéance originelle la peine et la faute, le châtiment qui dépouille les entants d’Adam de tous les privilèges conférés au premier homme, la faute qui consiste en ce que le crime d’Adam, cause de cetle déchéance, sans être commis personnellement par ses fils, leur est cependant, ilaus une certaine mesure, imputée, en vertu de l’union morale établie par Dieu entre le chef de la famille humaine et ses descendants.

Prétendre qu’en cela Augustin a innové et qu’avant lui les Pères affirmaient le châtiment du péché d’Adam, mais ne parlaient pas de faute c’est une erreur historique, que nous osons dire évidente. On peut discuter sur la pensée de tel ou tel Père préaugustinien ; mais sur l’ensemble des Pères, le doute même est inadmissible. Le protestant Seeberg, Lehrbuch der Dogmengesch. , t. i, p. 25(5, après beaucoup d’autres, le proclame en renvoyant à Tertullien, Commodien, saint Cyprien et saint Ambroise, C’est bien lo faute, lu corruption morale et non seulement la peine et la douleur qu’ils affirment : Nemo salvus esse possit, quicumque natus est sub peccato, i/urni i/iso noxiæ conditionis hsere* ditas adstrinxit ad culpam. s. Ambroise, Enarr. in /’.s., XXXVIII, 29, /’. L., t. xiv, col. 1(153. Ce lexte si précis donne un sens encore plus profond à ces paroles : Fuit Adam n w n.i o n imi s omnes. Periit Adam et in illo omnes perierunt. Di Dur., 1. VIII, n. 234, /’. /.., t. xv, col. 17(12 ; il ces autres : antequam

no muni’. HACU1 UI l : COntagiO, etc. Apol. Darid, C. XI,

/’. /.., t. xiv, col. 873. Cl. Tertullien, De carne Christi, r. xvii, /’. L., !.. ii, col. 782 ; S. Cyprien, cité par M lui’ini’l lui-même qui accuse pourtant Augustin

d’avoir innové’sur ce point. Revue d’hist. ri de litt, relig., 1901, p. 19-20. Quand Augustin alléguai ! de pareils textes dans sa réponse a Julien, Cont. -lui., I. 1, c. mi-vu, P. />., t. xliv, col. 644-666, il est malaisé de comprendre que des critiques osent encore aujourd’hui l’accuser d’avoir introduit le premier l’idée de faute et de péché