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AUGUSTIN (SAINT)

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péché, et la Loi conduisait au royaume des cieux aussi bien que l’Évangile. » Cette affirmation de la perfection atteinte ici-bas est un des traits les plus caractéristiques.

Ces erreurs sont la conséquence d’un système ; mais quelle est l’idée mère qui les a inspirées ?

2. Idée fondamentale du système pe’lagien.

A. Elle n’est pas uniquement dans la négation de l’ordre surnaturel ; pour beaucoup, le pélagianisme est un naturalisme excluant l’élévation surnaturelle, l’adoption divine, la chute, tout mérite d’un ordre supérieur, mais admettant que la volonté dépend du gouvernement di’. in. De là cette règle solennelle d’interprétation : toutes les fois qu’Augustin exige une grâce contre Pelage, il s’agit d’un acte surnaturel. — Or, cette vue et cette règle sont incomplètes : sans doute Pelage a nié toute grâce surnaturelle, quoi qu’en aient dit les jansénistes ; il admettait seulement les dons extérieurs de la révélation, de la loi, des exemples du Christ. Ct. Augustin, De gratia C/iristi, c. vii-x, n. 8-11, P. L., t. xuv, col. 3f>i-368 ; aveux de Julien dans Opus imperf. cont. Jul., 1. 1, c. xciv, P. L., t. xlv, col. 1111. Mais Pelage a nié plus que cela ; même en dehors de l’ordre surnaturel, il a exagéré les forces de la liberté. Et ces mêmes théologiens le reconnaissent quand ils s’appuient sur la controverse pélagienne pour affirmer l’impossibilité, sans une grâce, d’observer la loi naturelle, même quoad subslantiam actus.

B. Le fond du système pélagien est donc l’indépendance absolue de la liberté par rapport ùDiev, el sa puissance illimitée pour le bien comme pour le mal. — a) L’origine en doit être cherchée dans le stoïcisme dont Pelage adopte la devise : On demande à Dieu richesse ou santé, mais non la vertu qui dépend de nous. Suint Jérôme signalait déjà cette influence, Epist., cxxxiii, ad Ctesiph., n. 2, P. L., t. xxii, col. 1148, en s’écriant avec Tertullien : Philosophi, patriarchse hssreticorum, et au n. 3, il montre Pelage alléguant, sous la fausse étiquette du pape Sixte II, les pensées du pythagoricien Sextus. Augustin y fut un instant trompé. Retract., 1. II, c.xui, P. L., t. xxxii, col. G17. D’après Pelage, à Dieu créateur l’homme doit l’être ct la liberté (ce qu’il appelle possibiiitas boni) ; c’est le seul don de Dieu, et, comme il estgntuit, en jouant sur les mots, Pelage l’appelait une grâce. Mais toute autre influence de Dieu sur la liberté la détruirait. — b) Au synode de Diospolis, on reprocha à Pelage cette assertion : Non est liberuui arbitrium, si Dei indiget uni Uni. Augustin, De grstis Pelagii, c. xxviii, n. 42, P.L., t. xuv, col. 315 ; cf. Epist., CLXXXVI, ad Paulin., c. ix, n. 32, P. L., t. xxxui, col. 827. Célestius, cité par saint Jérôme, Epist., cxxxiii, ad Ctesiph., n. 5, P. L., t. XXII, col. 1154 : Destruitur enini voluntas quse alterius ope indiget. Plus énergiquement, Julien disait (Augustin, Opus imperf., 1. V, n. il, /’. L., t. XLV, col. 1477 ;  : Si prævenitur, interil. -muait sa pensée dans sa fameuse distinction de ti la vie morale. Augustin, De grat.

ni. orig., 1. IV, c. iv, n.."ï, /’. L., t. xuv, col. 362 POS H "/ natura, vu.u ; in arbitrio,

m effectu locai t ; primum illud, i. e. posse,

ad Deum proprie pertinet, qui illud creaturse sua eontulit ; dm, uero reliqua, b. <. velle et ESSE, ad honiimiii n-ji renda tunt, quia de arbitrii libertate descendant. —c) La formule la plus expressive du système est celle de Julien d’Éclane, proclamant l’émancipation plète de la volonté. Augustin, Op. imperf. cont. Jul., I. I, c. clxxvhi, /’. L., t. xi.v. col. 1102 : Liberlas arbitrii, dit Julien, </<"’a Deo emancipatus HOMO est. Aussi, Albert Bruckner, Julian mu EcUtnum, Leipzig, p. 176, voulant caractériser la doctrine de Julien. n’hésite pas à approuver la parole de llarnack, que, d.ins son fond le plus intime, c’est une doctrine athée [gottlos), quoi qu’il en soit des sentiments personnels de Julien I moins une doctrine sans providence

qui, selon la remarque de Neander, Kirchengesehiehte, t. iv, p. 1133, confine Dieu dans son éternité « d’où il est simple spectateur, non acteur du drame du, monde » .

C. On s’est même demandé si Pelage n’avait pas nié également tout concours divin naturel. Le reproche lui fut adressé par Paul Orose, De arbitrii libertate, n. 19, P. L., t. xxxi, col. 1188 ; par saint Jérôme, Epist., CXXXIII, ad Ctesiph., n. 7, P. L., t. xxii, col. 1155 : A mille sacrilegum : si, inquis, voluero curvare digitum, movere manum, sedere, stare, ambulare…, semper mihi auxilium Dei necessarium eritf Cf. n. 5-6. De grands théologiens ont cru l’accusation fondée : Bellarmin, De grat. et libero arbit., 1. IV ; Suarez, Proleg., 1. V, De gratia, c. iv, Paris, t. vii, p. 235 ; De prsedest. Dei, I. II, c. XVII, t. I, p. 455 ; Tanner, De gratia, q. iii, flisp. III, n. 65-68, t. ii, col. 1202 ; Arriaga, De gratia, disp. XLIII, n. 3 ; Maurus, De gratia, 1. VII, q. lxviii, n. 25 ; Scheeben, La dogmatique, § 131, trad. franc., t. iii, n. 35. Ernst, lui aussi, Die Werke und Tugenden der Unglaùbigen nach Augustin, p. 233, pense qu’au début le reproche fut motivé.

Le débat ici importe peu. Il est certain que si saint Augustin fut le grand théoricien du concours de Dieu dans De Genesi ad lift., 1. IX, c. xv, n. 28, P. L., t. xxxiv, col. 404 ; 1. X, c. xx, col. 335 ; Epist., cev, ad Consentium, c. iii, n. 17, /’. L., t. xxxiii, col. 9’*8, il ne fit pas porter sur ce point le débat avec les pélagiens et leur attribua plutôt l’affirmation du concours. De nupi. et concup., 1. II, c. iv, n. 12, P. L., t. xuv, col. 443 ; Contr. Jul., 1. V, c. xv, n. 53, ibid., col. 814. Cf. Opus imperf. contra Jul., 1. III, n. 144, P. L., t. xlv, col. 1305.

Quoi qu’il en soit, c’est une règle absolue que jamais la grâce défendue par Augustin ne peut signifier le concours, puisque la grâce est toujours pour lui un don spécialement accordé pour les seuls actes de vertu, don qui discerne les bons des méchants.

D. La toute-puissance de la liberté pour le bien était une suite de sou émancipation. Saint Jérôme, Epist., cxxxiii, ail Ctesiph., n. 10, P. L., t. xxii, col. 1158, reprochait à Pelage de prétendre à la sainteté même de Dieu, perfectam ei Deo xqualem in hominibus justiliam jactilas. — a) En droit, Pelage réclamait pour la nature humaine I’à7ra0eca et ïà.-ja.j.xpxr i’jx des stoïciens, c’est-à-dire la domination absolue de toute passion et une insensibilité, par laquelle l’homme, disait saint Jérôme, lue. cit., col. 1151, vel saxum vel Deus est. — b) En fait, Pelage affirmait que, même dans l’Ancien Testament, ceux qui sont appelés saints ct justes étaient réellement sans péché et dans la perfection complète, acquise par leur seule liberté. Cf. S. Augustin, De peccat. mer. et rem., 1. III, c. I, n. 1, P.L., t. XL1V, COl. 185 : Dieunt… quod in hoc vita sint, l uerint, futurique sint filii hominum nullum habentes omnino peccatum, ibid., c. xiii, n. 23, col. 200 ; les Pères du concile de Milève, Epistola ml Innoc. pap., dans les Œuvres de saint Augustin, Epist., CXXVI, n. 2 ; .

<I. et quinque episc. ail Innoc. epist., CLXVII, n. 18, /’.’/.., t. XXXIII, col. 763, 772.

3. Un rigorisme effrayant fut la conséquence de cette exagération des forces de la liberté. — Puisque la perfection est possible à l’homme, elle est obligatoire. Pour Pelage, comme pour les stoïciens, tout bien oblige : il n’y a plus de conseils, mais seulement des préceptes.

Ce côté si important du système est reste pour beaucoup inaperçu. Cependant de savants critiques l’avaient insinué. Tillemont, Mémoires, t. xv. p. 15-17 ; t. xiii, p. 126 ; Noël Alexandre, Hist. <-, . !.. sœc. v, c. iii, § IV, Venise, 1778, t. v, p. 28. Mais 1rs documents pélagiens publiés par Caspari dans Briefe, Abhandlungen und peu, Christiania, 1890, onl mis ce f.iit lu.i - de toute contestation, llarnack a même osé dire que « selon