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AUGUSTIN (SAINT)

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p. 207-213. Loofs, Dogmengeschichte, 3e édit., Halle, 1893, p. 237, 244, lui attribue une prédestination et une grâce irrésistibles en opposition avec la liberté, avec saint Jérôme, avec le catholicisme vulgaire qui ne put s’y habituer et ne se déclara augustinien qu’en adoptant en fait le semipélagianisme. Harnack voit dans la théorie augustinienne de la grâce de « nombreuses contradictions » et des « restes de manichéisme » . Précis d’histoire des dogmes, trad. franc., p. 287 ; Lehrbuch der Dog)tiengeschichte, 1897, t. iii, p. 202, 203. Comme Loofs et beaucoup d’autres, il a été trompé par cette fausse idée d’une grâce irrésistible.

Or, une étude purement objective des textes, mais de tous les textes, spécialement de la dernière époque, considérés dans leur liaison et dans le sens indiqué par Augustin lui-même (ce qui est la vraie méthode historisque), amène à une conclusion absolument différente. Il ne s’agit pas de pallier les exagérations et les erreurs d’un Père — lui-même en a rétracté un bon nombre et il en est d’autres que nous signalerons ; il s’agit de trouver sa vraie pensée, son vrai système complet et logique, tel qu’il l’a compris.

Malgré des exagérations trop réelles sur certains points, malgré des difficultés qui expliquent, mène sans parti pris, les dissentiments, nous croyons les textes assez clairs et les critiques assez impartiaux pour proposer une revision de jugements trop sévères. Et nous affirmons sans hésiter : 1. que saint Augustin s’est formé un vrai système parfaitement enchaîné, sans contradictions, et dont le fond n’a pas varie depuis son épiscopat, à en juger par ses derniers ouvrages ; 1. que dans ce système la liberté humaine fut jusqu’au dernier jour très nettement affirmée tandis que jamais on n’y trouve une impulsion irrésistible et nécessitante.

2’- Développement historique de la pensée d’Augustin sur lu grâce. — 1. Origine du problème. — A. 11 est bien antérieur pour Augustin aux premières In tics pélagiennes de 412 : c’est là un fait aujourd’hui incontesté. A mesure qu’Augustin condamnait le manichéisme et résolvait le problème du mal par le rôle qu’y joue la liberté humaine, surgissait pour lui le problème <lu bien sous son triple aspect philosophique, théologique et spécialement paulinien.

a) Le philosophe habitué à chercher en tout l’action de Dieu dut se demander comment se conciliaient deux souverainetés, celle du gouvernement divin et celle de la liberté de l’homme. La prescience divine, que les philosophes anciens avaient niée pour sauvegarder la liberté, ne l’inquiétait pas : puisque Dieu sait que je ferai librement telle action, la vérification de cette science, loin de détruire l’indépendance de mon acte, l’exige infailliblement. La prescience n’agit pas plus sur l’avenir que la mémoire sur le passé. De civil. Dei, 1. V, c. ix, n. 4, P. L., t. xi.i. col. 148-152 ; De libero arb., 1. III, c. iniv, n. 7, P. L., t. xxxii, col. 127$1-$227(1 ; lu Joa., tr. 1, 111. n. I, /’. L., t. xxxv, col. 177(5. Ce n’est pas même le concours de l’action divine avec l’activité’créée qui le préoccupe le plus ordinairement. Pelage niera ce concours, comme toute intervention divine ; mai céiié- du problème ne sera touché que très indirectement. C’qui fixe l’attention d’Augustin, c’est le rôle

Spécial de Dieu dans la vie morale : vertu, sainteté’, tout

est-il dû à la seule liberté humaine ? (tu si on en

lie l’origine en Dieu, que devient la liberté ?

Pour le théologien, la révélation compliquait le

problème en afflrmanl une influence mystérieuse el

continuelle du Christ dans le chrétien : Sine nie ni/ni

polesiis facere. Joa., w, 5. La question d’une

surnaturelle venait s’ajouter à relie de la providence.

c) Mais ledog paulinien de ta prédestination divine

i mi, mie d’une même

argile le potier lait des v.isrs d’honneur I t des i ; ik, .v

d’ignominie, ajoutait cette autre question : comment

la liberté n’est-elle pas anéantie par la chute d’Adam et parla prédestination gratuite de Dieu’.'

Voilà l’aspect de la question pour Augustin dès le début de son apostolat, et il ébauchait déjà une réponse dans son E.rpositio gttarumdam propositionum ex Epist. ad Rom., prop. 55, 60, 61, 62, P. L., t. xxxv, col. 2076-2080 ; Lib. lxxxiii qusest., q. lxvi, /’. L., t. XL, col. 71.

B. Erreurs sur les causes de la théorie augustinienne. D’après certains protestants Augustin aurait été poussé à ses théories sévères de la prédestination et de la grâce par sa conception du rôle essentiel de V Eglise. Baur, Die christliche Kirche von Anfang…, 1859, p. 143 ; Dorner, Augustinus, p. 257 ; llolt/mann, Historicité Zeitschrift de Sybel, 1879, p. 132. La théorie du péché originel, donnant au baptême et à l’Église qui le confère une importance toute nouvelle, lui permettait d’enrégimenter les jeunes générations, et, dit Grandgeorge, Saint Augustin et le néoplatonisme, p. 136, « cette considération influa beaucoup sur l’esprit de saint Augustin et le poussa également à la théorie de la prédestination. »

C’est là une vue entièrement erronée, comme l’ont prouvé Loofs, Realencyclopâdie, 3e édit. art. Augustinus, t. ii, p. 278, et Beuter, August. Studien, p. 46. Celui-ci établit que les théories de l’Église et de la grâce sont chez Augustin deux chapitres indépendants l’un de l’autre, et que jamais il ne se prévalut de la doctrine du péché originel pour appuyer ses théories sur l’Eglise. Ses nombreux écrits n’offrent pas trace de cette préoccupation.

2. Diverses pliases de la pensée augustinienne et erreurs de la première période. — A. En aucune question l’étude des œuvres d’Augustin dans l’ordre chronologique n’est aussi importante qu’ici. Déjà de son temps les semipélagiens opposaient ses premiers écrits aux derniers ; et saint Augustin leur répondait : « C’est vrai, j’ai mieux vii, j’ai corrigé ; puisque vous me lisez, pourquoi ne progressezvous pas avec moi’.' » Cf. De prxdest. sanct., c. iv, n. 8, P. L., t. xi.iv, col. 966.

B. Mais il faut se garder d’exagérer, comme faisaient les jansénistes soutenant qu’Augustin écrivant le De spirilu et liltera (412) était encore pélagien. Même avant son épiscopat dès 393, Augustin formulait dans le De div. qusest. LXXXIII, q. lxvi, n. 5, P. L., t. XL, col. 71, les grandes thèses du péché originel, exquo in paradiso natura nostra peccavit ; de la masse de perdition : on mes una massa luti facti sumus, quod est massa peccati, et de la prédestination gratuite. Seulement jusqu’à son épiscopat il n’avait pas compris comment la première bonne disposition de la volonté, par exemple la foi, doit venir de Dieu ; et il attribue à la liberté’seule cet initium sululis. An fond tout le semipélagianisme (non le pélagianisme. comme prétendait Jansénius) pouvait entrer par là. Cette erreur unique avait inspiré diverses formules qu’il a lui-même corrigées plus tard. Telles sont les suivantes : a) La vocation à la foi est un don gratuit de Dieu ; mais l’acceptation de la foi est le fait de la liberté seule. I.ib. LXXXIII

qusest., q. lxvi, n.’'<. /’. /.., t. m., col. 71. Cf. Retract., II, c. xxvi, 16, /’. /.., I. xxxii, col 628. — in Dans la masse de l’humanité déchue, dieu aperçoit des différences qui justifient les grâces diverses accordées aux uns ou aux autres. ïbid., n. i. — c) Deus nnu miseretur, nisi ><>h /nia* prsecessurit. Tbid., n. 5, col. 76. Plus tard il dira que tout bon désir est déjà une miséricorde de Dieu.

— d) La grâce de la Vocation n’était alors pour lui que

li prédication extérieure ; il oubliait [’appel intime au

fond du cœur qui sait se (aire accepter infailliblement.

Cf. De prmdest. sanct., c. m. n. 7, /’. /.., t. xi., col.’.Mil.

— <) Croire et vouloir viennent de nous seuls ; opérer

le bien est le don de la grâce. ExpOSitiO i/uiirinmlam

ilionum ex Epist. ml Hum., prop, "é>. 60, 61, /’. L., t. xxw, col. 1076-2080. Cf. Retract., 1. I, c. xxui,