Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/437

Cette page n’a pas encore été corrigée

2365

AUGUSTIN (SAINT)

2366

indique seulement l’intime pénétration, non des natures, mais de la personne divine dans la nature humaine, pour se l’approprier.

b) La divinité du Verbe ne subit donc aucun changement, aucune diminution : (Deus)mutabilem creaturam incommutabili majestate suscepit, De agone christ., c. x, n. 12, P. L., t. xl, col. 297 ; Homo Verbo accessit, non Verbum in hominem commutabiliter accessit. Epist., CLxrx, n. 7, P. L., t. xxxiii, col. 745. Vainement Reuter, Augustinische Studien, p. 212, a voulu trouver chez le saint docteur des traces de la xpOvLt ; protestante d’une renonciation partielle du Verbe à l’usage de ses attributs divins. D’autres protestants.Feuerlein, Scheel, op. cit., p. 50, lui ont répondu qu’il ne pouvait être question à son sujet ni de xévbxriç ni de xp’J4"î, tant il est clair dans l’explication de Yexinanivit de saint Paul : Quomodo exinanivit ? Sumendo quod non erat, non perdendo quod erat… Cum esset Deus, homo apparuit. Serm., xcir, n. 3, P. L., . xxxviii, col. 573.

c) La nature humaine de son côté reste nature créée, limitée dans le temps, l’espace, l’activité. Aussi Augustin explique-t-il constamment de l’humanité du Christ le Pater major me est. Enchirid., c. xxxv, P. L., t. XL, col. 250 ; Z)e Trin., 1. I, c. vii, n. 11, P. L., t. XLII, col. 828. Il estétrangequeles luthériens citentencore Augustin en faveur de leur eutychianisme inconséquent qui donne à l’humanité du Christ ubiquité et préexistence à sa conception. Scheel, op. cit., p. 266-267, prétend que le Liber cont. serm. arian. attribue à l’humanité la toute-puissance : or il s’agit uniquement du pouvoir de juger au dernier jour, op. cit., c. xi, P. L., t. xl, col. 691, et là même est exclue toute préexistence du Christ comme homme, quod esse cœpit in tempore.

V. La perpétuité de l’union hyposlatiquc a-t-elle été niée par Augustin ? D’après Dorner, Auguslinus, p. 101, et, après lui, Scheel, op. cit., p. 268, Augustin aurait cru que l’incarnation ayant un but temporaire, prendrait fin avec le jugement dernier, sous prétexte qu’au De Trin., 1. I, c. x, n. 21, P. L., t. xlii, col. 835, on lit : Jam non interpellabit pro nobis, tradito regno Deo et Palri. Comme si la fin des intercessions marquait la fin de son règne dans le ciel ! Précisément, dans ce même passage, il repousse l’opinion étrange de certains, que l’humanité serait alors absorbée dans la divinité, n. 15, col. 829, et il ajoute : nec arbitremur Christum traditurum regnum Deo et Pain, ut adimat sibi, n. 10, col. 830.

G. Les lois du langage théologique fondé sur l’unité de personne (communicatio idiomatum) ont été non seulement observées, mais très exactement formulées par saint Augustin : Hanc unitalem personse Christi, sic ex natura ulraque conslantem, divina scilicetatque humana, ut quselibet earum vocabulum etiam altcri impertiat, <-t divina humanæ, et humana divina, beatus ostendit Apostolus. Cont. serm. arian., c. VIII, /’. L., t. xlii, col. 688. En vertu de cette unité, on dit que le l’ils de l’homme est descendu du ciel, et que le Fils de Dieu a été crucifié, ci Filius Dei dicitur crucifixus. D’après Harnack, Dogmengesch., t. ii, p. 339, les expressions caro Dei, ounatusii fcinina Deus, seraient très rares chez Augustin. D’abord le nombre importe peu. Mais les expressions équivalentes abondent, comme Verbi caro, / » . Joa., tr. CX, n. 5, P. L., t. xxxv, col. 1923 (Scheel, p. 2(>r>) ; Augustin n’hésite pas à rér cent fois que Dieu est mort, par ex., Epist., clxix, n. 8, /’. /, ., t. xxxiii, col. 71(i ; Serm., cxxx, n. i. /’. L., t. xxxviii, col. 728 ; c.c.x, ibid., col. 1969 ; spécialement c.r.xiv, n. 7, col. 1069 : Vila et Immortalis in cru.ee moreretur. Enarr. in l’s. cit. n. ii, P. L., t. XXXVII, col. 1321 ; Enarr. in l’s. CXLVll, n. 18, col. 1925, etc.

II. Les formules parfois moins exactes d’Augustin ne créent point de difficultés, si on les examine avec lis

développements qui les entourent. Ou bien elles ont été rétractées, comme le Homo doniinicus, Relract., 1. I, c. xix, n. 8, P. L., t. xxxii, col. 616 : cum sit utique Dominus, etc. Ou bien elles sont expliquées ; ainsi, très souvent Augustin semble dire que le Verbe s’est uni un homme (donc une personne) : susceptus est homo, est-il dit plusieurs fois dans le sermon ccxiv, n. 6, P. L., t. xxxviii, col. 1069. Mais (Scheel l’a très bien remarqué, op. cit., p. 100) le mot concret homo est pris par Augustin pour l’humanité concrète et singulière que le Verbe s’unit, et Augustin le dit lui-même : cum enini sit totus Filius Dei unicus D. N. J. Christus Verbum et homo, alque, ut expressius dicam, Verbum, anima et caro… Ibid., n. 6. Cr. De Trin., 1. IV, c. xxi, n. 31, P. L., t. xlii, col. 910. Ailleurs, si on lit avec attention ses explications, on s’aperçoit que ses inexactitudes mêmes sont inspirées par le sens profond du dogme, mais envisagé sous un aspect spécial. Ainsi il compare l’humanité du Christ à un vêlement ; indutus est homine, dit-il, Lib. de div. qusest. Lxxxur, q. lxxiii, P. L., t. xl, col. 85. et passim, formule dont abusera Abélard dans un sens nestorien, voir col. 47, 414 ; mais Augustin nous dit lui-même que l’expression indutus est doit être entendue d’une union, non pas accidentelle et extérieure, mais substantielle et intime ; elle signifie seulement que l’humanité n’a point modifié le Verbe, pas plus que le vêtement ne modifie celui qui le revêt : quanquam illa susceplio ineffabiliter susceptum suscipienli copulaverit, sed quantum verba humana rébus ineffabilibus coaptari possunt, ne mulatus intelligatur Deus. Ibid., col. 85. De même la comparaison de l’union hypostatique avec l’union de l’âme et du corps, souvent employée, par exemple Serm., clxxxvi, n. 1, P. L., t. xxxviii, col. 999, a pour but d’affirmer l’union réelle et non morale seulement, entre le Verbe et l’humanité, idem Deus qui homo, … non confusione natursc, sed unitate personse. Mais tandis que l’àme et le corps sont des parties de l’homme qu’ils constituent, le Verbe tout entier est Dieu, tout entier il est homme : accedit homo Deo, et fit una persona, ut non sit semi-deus, (fuasi parte Dei liens, et parle hominis homo, sed totus Deus et totus homo. Serm., ccxciii, n. 7, P. L., t. xxxviii, col. 1332.

3. L’œuvre du Christ Sauveur. — A. Le problème.

— Dans l’interprétation de la théorie d’Augustin sur la rédemption, il est facile de constater combien la doctrine du salut est intimement liée à la doctrine du Sauveur : de la sotérologie dépend la sotériologie. Abélard n’ayant cru trouver chez Augustin qu’un Christ purement homme, moralement uni par la grâce à la divinité, ne vit aussi dans la rédemption que l’inlluence de ses leçons et de ses exemples. Tous les théologiens catholiques, au contraire, ayant reconnu dans ses écrits le véritable Homme-Dieu, y trouvent également le dogme catholique du salut, c’est-à-dire Yexpialion de nos péchés sur la croix par une victime innocente substituée à l’humanité coupable. Jusqu’à ces derniers temps, calvinistes ri luthériens, croyant à la divinité du Christ, admettaient la même interprétation. Mais depuis que la divinité de Jésus-Christ a été battue en brèche, les nouveaux nestoriens sont revenus à la rédemption morale d’Abélard, et bon nombre de critiques ont osé attribuer à Augustin leur conception rationaliste. On ne parle plus d’expiation, et la substitution fait place à la solidarité de la famille humaine ; le Christ, dil-on, est bien mort pour nous, j-rràp r, |j.(ôv, puisque ses exemples de vertu nous sont salutaires ; mais il n’a point souflert àvtl r, |J.’i)v, à notre place. Ou bien, si l’on avoue qu’Augustin a parlé de rédemption, on la ridiculise, en prétendant qu’il a entendu par là une rançon payée, non à Dieu, mais au démon pour nous délivrer de son esclavage.

A. Harnack s’est gardé de ces excès : il reconnaît que chez Augustin « Jésus nous est représenté comme io