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AUGUSTIN (SAINT)

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t. xxxii, col. 687 : Nec tvnc sciebam, nec adhuc sein. Cꝟ. 1. II, c. XLV, CVI. Enfin, le même aveu d’incertitude est réitéré dans son dernier ouvrage, Op. imperf. cont. JuL, 1. H, c. clxviii, P. L., t. xuv, col. 1219 : Me nescire confiteor. Mais on peut dire avec Bellarmin, De amiss. grat., 1. IV, c. xi, que vers la fin, seule la difficulté du péché originel l’empêchait d’adhérer à la création des âmes.

3° L’incarnation et l’œuvre du Christ. — 1. Importance de la clirislologie d’Augustin. — a) En dehors de la lettre cxxxvii à Volusien, Augustin n’a pas écrit de traité spécial sur l’incarnation. Mais dans tous ses grands ouvrages, dans le De civitate et le De Trinitate, dans les commentaires sur saint Jean et sur les Psaumes, dans l’Enchiridion, le De agone cltristiano, les Sermones et spécialement dans les explications du symhole, Jésus-Christ apparaît au centre de sa théologie, de la religion et de l’histoire de l’humanité. Sans doute on peut trouver quelque exagération dans la remarque de Harnack, que « cette contemplation du Christ était un élément nouveau et qu’Augustin a été le premier à le réintroduire après Paul et Ignace » . Lchrbuch der Dogmengesch. , 3e édit., t. iii, p. 117 ; Précis de l’hist. des dogmes, p. 269. Mais dans le fond cette observation marque exactement un côté de la pensée du docteur d’Hippone : dés sa conversion, Jésus-Christ a été le point d’orientation de son àme ; et. Confess., 1. VII, c. xviii, P. L., t. xxxii, col. 745, voir col. 2268 : il le présente sans cesse comme la vérité, la vie, l’unique voie vers Dieu, De civil., I. IX, c. xv, P. L., t. xli, col. 268 ; 1. X, c. xxxii, n. 1, col. 312, il l’appelle universdlis animée liherandse via ; bien plus, le Christ qui est la voie, est aussi pour lui le terme, la patrie, Deus Christus pathià est quo inius : homo Cltristus via est qua imus, Serin., cxxiv, n. 3, P. L., t. xxxviii, col. 685 ; il pense à lui toutes les fois qu’il parle de révélation et d’autorité, et les développements qui semltlen ! être de la philosophie pure, sont chez lui, très souvent intluencés et pénétrés de la pensée de Jésus-Christ. Nul n’a mis plus constamment en relief ce qu’il écrivait à Laurentius : Certum propriumque fidei calliolicse fundamentum, Christus est, Enchir., c. v, P. L., t. xi., col. 233, et en ce sens, on peut dire avec Loofs, Leitfade » , etc., p. 221, qu’il a formé la théologie et la piété occidentale à donner à la personne de Jésus-Christ la place qui lui convient. L’idée dominante de la Cité de Dieu (Reuter l’a bien remarqué, Augustinische Studien, p. 80) consiste à montrer le Christ au centre du monde, et la religion du Christ ne commençant pas avec l’Évangile, mais dominant tous les siècles, passés et futurs : res ipsa quse nunc christiana religio nuncupatur, erat apud anliquos, nec defuit ab inilio generis ftumani, etc. Retract., 1. I, c. xiii, n. 3, P. L., t. xxxii, col. 603 ; cf. De civil., 1. XVIII, c. xi.vn, P. L., t. xi. I, col. 609 ; Enchir., c. cxviii, P. L., t. XL, col. 287.

h La doctrine christologique de saint Augustin a moins varié avec le progrès de l’âge que sa doctrine de la e. Le protestant Scheel conclut ainsi une patiente étude historique de la christologie d’Augustin, Die Anschauung Augustin’s ûber Christi Person und Werk, in S 1. Tubingue, 1901’, p. 391. Malgré certaines hésitations du début, voir col. 2322, « la christologie esquissée par Augustin jusqu’en 391 est le germe de sa christologie postérieure. »

. L’influence de cette doctrine sur les successeurs de

i [ue d’Hippone sera suffisamment indiquée par ce

lait, ’i'"’'a fameuse lettre du pape saint Léon le Grand à Flavien (13 juin iiit) s’inspire non seulement dis pensées, mais des tormules mêmes du De Trinitate. Dorner, Auguttinut, p. 105-106, tait une intéressante comparaison de cette Epis t., xxviii, P. L., t. liv, col. 775 sq., avec les 1. 1 et II De Trinitate.

2. La personne du Christ.

Sur aucun point de la révélation a la doctrine d’Augustin n’est plus claire, plus

constante, plus logiquement enchaînée. Sur aucun point aussi, les critiques protestants n’ont fait des efforts plus malheureux pour l’arracher à l’orthodoxie, et le rejeter tantôt dans le docétisme, tantôt dans le nestorianisme. Il faut lire les hésitations, les aveux et enfin les conclusions inattendues de Harnack, Lehrbuch der Dogniengesch. , 3e édit., t. iii, p. 119-120. Sous prétexte que, d’après Augustin, la Trinité entière a opéré l’incarnation, ce Père n’a pu admettre que le Verbe ait avec l’humanité du Christ une union plus intime que les autres personnes ; et, parce qu’il a constamment affirmé contre Apollinaire l’existence de l’âme dans le Christ, Harnack en conclut qu’avec cette âme, considérée comme personne humaine, Augustin a construit l’Homme-Dieu : la personne humaine a reçu le Verbe en elle-même, et l’âme, milieu où il a été reçu, est le centre de l’Homme-Dieu.

Ainsi le Verbe ne s’est point fait chair, mais il s’est uni par la grâce avec l’âme de Jésus. Avec plus de clarté, le même critique disait, t. ii, p. 339 : D’après l’évoque d’Hippone, « on peut concevoir l’habitation de la divinité en Jésus-Christ, par analogie à sa présence dans le juste comme dans un temple, bien qu’il soutienne avec fermeté que le Verbe s’est fait chair. » Telle est aussi la doctrine de Dorner, d’après Scheel, qui, lui, se rallie franchement, avec Feuerlein, à l’interprétation catholique d’Augustin donnée par Schwane. Scheel, op. cit., p. 225. Il suffira de parcourir les principales thèses du grand docteur, pour voir la fausseté évidente de toute autre explication.

A. L’ensemble du dogme a été expliqué avec une netteté qui ne permet point le doute : Homo verus, Deus verus, Deus et liomo totus Cltristus : Hoc est catholica l’aies. Qui negat Deum Christum, photinianus est ; qui negat hominem Christum, manichéens est ; qui confitetur Deum œqualem Palri Christum et liomincm verum… catholicus est. Serni., xcii, n. 3, P. L., t. xxxviii, col. 573. Cf. Enchir., c. xxxvi, col. 250 : Christus una persona, Deus et homo, etc.

B. Le Fils de l’homme. — a) C’est en expliquant ce titre de Jésus-Christ, qu’Augustin affirme la réalité de la nature humaine du Christ. De cons. Evang., 1. II, c. i, n. 2, P. L., t. xxxiv, col. 1071. Dans le De agone c/irisliano, il combat successivement : les docètes qui lui refusent un corps réel, c. xvii, n. 20, P. L., t. xl, col. 300 ; les apollinaristes rigides qui lui refusent une âme, c. xxi, n. 23, col. 302 ; cf. erreur d’Alypius à Milan, Confess., 1. VII, c. xix, P. L., t. xxxii, col. 746 ; les apollinaristes mitigés qui lui accordaient une âme principe de vie, mais sans intelligence, eum negant habuisse quod est optimum in homine, c. xix, n. 21, col. 301. Cf. Epist., clxxxvii, n. 4, P. L., t. xxxiii, col. 833 ; Serni., lxvii, n. 7, P. L., t. xxxviii, col. 436.

b) Avec la nature humaine, le Verbe a pris les infirmités de la chair qui sont exemptes de péché ; il était passible et mortel, comme nous tous. De pecc. mer. et rem., I. II, c. xxix, n. 48, /’. L., t, xi.iv, col. 180. D’autre part, l’union personnelle avec le Verbe, grâce ineffable, type de la grâce d’adoption que le Christ nous méritera, fit rejaillir sur cette humanité d’admirables privilèges : exclusion de tout péché originel, parce que le Christ, dit-il, a été conçu sans concupiscence, Euehirid. , c. xxxiv, xli, P. L., t. XL, col. 249, 252 ; De Trin., I. XIII, c. xviii, P. L., t. xi.ii, col. 1032 ; — sainteté absolue qui le préserve de toute faute personnelle, mémo la plus légèri. Enchirid., c. xxxvi, P. L., t. xl. col. 250 ; De Trin., loc. cit. ; De eorr, et grat., c. xi, n. 30, /’. L., t. xi.iv, col. 93V : Neque metuendum erat, ne… per liberum voluntatis pcccarct arbitrium, cum… natura honiinit a Deo itasuscepta, nullum in se nwtum malæ voluntatis admilteret. Comment Dorner, qui cite ce texte. Auguttinut, p. 103, a-t-il pu en conclure que le saint docteur nie la liberté du Christ.’Il l’affirme