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AUGUSTIN (SAINT)

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lologie trop pénétrée de néoplatonisme. Icî il semble vivre dans son domaine : un don exquis d’observation intérieure et d’analyse pénétrante lui permet de décrire avec une saisissante précision les pbénomènes les plus délicats de notre vie intime. Nul n’a parlé de la dignité de l’âme avec une admiration plus passionnée : « Dieu seul est meilleur que l’âme ; … l’ange est son égal, tout le reste de l’univers lui est inférieur. » De quantit. animai, c. xxxiv, n. 77, 78, P. L., t. xxxii, col. 1078. — D’après Nourrisson, La pliilosop/tie de saint Augustin (18(56), t. i, p. 312, « nul aussi, non pas même Descartes, n’a établi plus solidement, sinon avec une méthode plus sévère, que l’âme qui nous est connue avant le corps, nous est connue sans le corps et mieux que le corps. » Bien qu’il ait agité les grands problèmes psychologiques, surtout dans la première période de sa conversion, l’étude de l’âme est moins chez lui l’œuvre d’une époque, qu’un élément inséparable de toutes les grandes questions. En particulier si l’idée de Dieu est le point culminant de sa doctrine, la connaissance de l’âme est la voie qui le conduit à la connaissance de Dieu. Aussi a-t-on pu dire qu’il a fondé la théodicée sur la psychologie. Op. cit., p. 321. Sur un grand nombre de points, si Augustin n’a pas inventé, si parfois ses preuves, empruntées à Platon, sont moins solides qu’ingénieuses ou éloquentes, il a du moins formulé avec une étonnante précision les grandes thèses spiritualistes qui, malgré certaines résistances, inspireront bientôt toute philosophie chrétienne. De nombreuses théories de la psychologie augustinienne ont été envisagées plus haut à propos du néoplatonisme et de la connaissance, d’autres sont intimement liées à la doctrine de la grâce (voir plus loin), nous ferons seulement connaître ici la position d’Augustin dans les questions capitales : A. de la nature de l’âme ; B. de son union avec le corps ; C. de son origine.

A. Nature de l’âme. — a) La spiritualité de l’âme est une de ces doctrines fondamentales sur lesquelles Augustin n’a jamais varié depuis ses lectures platoniciennes. Il n’ignore point que bon nombre hésitent. Epis t., CLXVI, ad, Hieron., n. 4, P. L., t. xxxiii, col. 721-722. Mais, pour lui, il affirme énergiquement la séparation essentielle entre l’âme et le monde matériel. De Genesi adlilt., . VII, c. xii-xxii, P. L., X. xxxiv, col. 360-366, spécialement n. 25, 43, col. 372, où il « si (lit : Nunc tamen de anima… nihil confirma nisi quin ex Deo sic est, ut non sil substantia Dei, et sit incorporea, idest, non sit corpus, sed spiritus. Cf. De anima et ej. orig., 1. IV, c. xiii, n. 19, P. L., t. xuv, col.") ; }.") ; De naturaboni cont.man., c. i, P. L., . xxxiv, col. 552. Il ne veut même point qu’on emploie le mot’de corps dans le sens de quelques écrivains qui appelaient ainsi toute réalité substantielle : il y aurait là une équivoque fâcheuse, De Genesi ad litt., 1. VII, c. xv, n. 21, ibid, , col. 363, et une vaine dispute de mots. Episl., CLXVI, n. i. /’. L., t. XXXIII, col. 722. Quand l’aiisle de liiez et d’autres Marseillais affirment que l’âme est corporelle, n’ont-ils pas été victimes de cette confusion de termes ? — b) Dans la démonstration de la spiritualité de l’âme, Augustin emprunte à Platon des preuves sans portée sérieuse : la meilleure de toutes dans le lie qtumtitate anima repose sur la connaissance intellectuelle de l’immatériel, spécialement c. xiii, n. 22, P. /.., I. xxxii, col. 1047, c. xwn-xxix, n. 5258, col. 1065-1068. Cf. De immort, anima, c. vi, n. 10, col. 1025. — c) L’âme est donc a fortiori ; simple et non composée de matière et de forme. Augustin rejette également l’opinion étrange proposée par Évodius, Epiit., clviii, d. 6, /’. /-., t. xxxiii, col. 605, d’après laquelle l’Ame i la mort garde avec elle un corps éthéré qui ne la. quitte jamais, ne sit una omnium. Cf. Epiât., eux, n. 1, ibid., col. 622 ; Epiit., CLXU, n. S, col. 705.

B. Union <lr l’âme et du corps : nature de l’homme. —

a) Victorieux du matérialisme, Augustin s’est gardé de l’excès trop fréquent qui change le spiritualisme en un idéalisme extravagant. L’homme lui est apparu tel qu’il est : ni ange, ni bête, mais nature composée où s’unissent sans se confondre la matière et l’esprit. — a. Il rejette le dichotomisme platonicien et origéniste qui voit tout l’homme dans l’âme, dont le corps n’est qu’une enveloppe, une prison, ou du moins un instrument : Quisquis a natura humana corpus alienare vult desipit, dit-il avec énergie en 420. De anima et ejus orig., 1. IV, c. ii, n. 3, P. L., t. xuv, col. 525. Cf. De vera relig., c. XXXVI. Il reconnaît même dans l’âme une inclination naturelle à vivre dans un corps. De Gcn. ad litt., 1. VII, c. XXVII, n. 38, P. L., t. xxxiv, col. 369.

— b. Les définitions successives de l’homme manifestent le progrès évident de cette vue dans l’esprit d’Augustin. En 388, dans le De quantitate animæ, c. xiii, n. 22, P. L., t. xxxii, col. 1048, il écrit : (Animas) mihi videtur esse substantia qusedam, ralionis particeps, regendo corpori accummodata. Et dans le De moribus Eccl. cath. (même année), 1. I, c. xxvii, n. 52, ibid., col. 1332 : Homo… anima rationalis est mortali atque terreno utens corpore. Ces formules se ressentent encore de l’iniluence platonicienne. Mais dans le De Trinilate (400-416), 1. XV, c. vii, n. 11, P. L., t. XLII, col. 1065, il leur substitue une formule plus exacte : Homo est substantia rationalis C071stans ex anima et corpore, ou encore l’ancienne définition : Homo est, sicut veleres definierunl, animal rationale mortale. Ainsi le corps n’est plus un étranger pour l’homme : il est l’homme même. Ce n’est point tout : Augustin va jusqu’à le réhabiliter en le vengeant des folies manichéennes et du mépris exagéré des néoplatoniciens. Il tient qu’en lui-même le corps est bon, et se plaît à en décrire la beauté. Cf. De continentia, c. ix, P. L., t. xi., col. 364.

b) Et cette âme unie au corps, c’est bien l’âme spirituelle, la seule qu’Augustin reconnaisse. Il ne rejette pas seulement les deux âmes au sens manichéen, l’une bonne (l’esprit) émanée de Dieu, l’autre mauvaise et animale, issue du principe ténébreux. Cf. tout le livre. De duabus animis, P.L., t. XLII, col. 93 ; lietract., 1. I, c. xv, n. 1, P. L., t. xxxii, col. 608. Il repousse aussi la trichotoinie et ne reconnaît dans l’homme que deux éléments, le corps et l’âme. Cette âme, il est vrai que la terminologie biblique la distingue parfois de l’esprit. De Gen. cont. man., 1. II, c. VIII, n. II, P. L., t. xxxiv, col. 202 ; cf. De anima et ejus orig., 1. IV, c. il, n. 3, P. L., t. xliv, col. 525, natura certe Iota hominis est spiritus, anima et corpus. Mais elle est bien une réalité unique, qui pense (spiritus) et qui anime le corps et devient principe de tous les phénomènes physiologiques. Cf. ibid., c. xin-xiv, col. 535 ; c. XXII, col. 544 ; 1. II, c. ii, col. 495 ; /’< div. qumst. lxxiiii, q. vii, P. L., t. xl, col. 13 ; De Trinit., 1. XIV, c. xvi, P. L., t. xlii, col. 1053.

c) L’union est même si intime, si profonde que l’âme spirituelle donne au corps non seulement la vie sensitive et végétative, mais par là même la subsistance et l’être corporels. De immort, animæ, xv, n. 24, P. L., t. xxxiii, col. 1033 : per animam ergo corpus subsista, et eo ipso est, quo animatur… Tradil speciem anima corpori. ut sit corpus in quantum est. Cf. c. xvi, n. 25, col. 1034.

d) L’âme et le corps, pour être unis, ne sont point cependant confondus ; l’âme garde sa supériorité et constitue l’Aoroo interior, comme le corps Vhomo exterior. Cf. De Trinit., 1. IV, c. iii, n. 5, /’. L., t. xi.n, col. 880 ; Cont, Faust., 1. XXIV, c. ii, ibid., col. 475. L’Ame garde aussi son entité propre ; elle ne devient pas corps, ni le corps esprit. L’évoque d’Hippone proteste clairement contre une théorie qui, à diverses reprises, et tout récemment encore, a reparu