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AUGUSTIN (SAINT)

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exemples et les formules pour faire comprendre sa pensée : ainsi au début la matière informe créée par Dieu est appelée ciel et terre, non point parce qu’elle était déjà le ciel et la terre, mais parce qu’elle pouvait le devenir, non quia jam hoc erat, sed quia jam hoc esse poteral. De Gcn. cont. man., 1. I, c. vii, n. 11, ibid., col. 178. Il parle de même des plantes et des animaux, De Gen. ad litt., 1. V, c. iv. n. 11, ibid., col. 325. Il est remarquable qu’Augustin, même au moment où il semble si hardi, par respect pour le texte sacré, dit que ces énergies du monde ont d’abord formé, non pas une semence, la graine ou l’œuf, mais au contraire l’être vivant qui produira la semence de l’avenir. Ibid., n. 9, col. 321 ; De Tnn., 1. III, c. viii, n. 13, P. L., t. xui, col. 876.

c) Au risque d’étonner, il faut ajouter que saint Augustin étend son système à l’homme lui-même : Comment, se deinande-t-il, Adam et Eve existaient-ils au commencement du monde 1 Respondebo : invisibiliter, potentialité)’, causaliter, qnomodo fiunt futura non facta. De Gen. ad litt., 1. VI, c. vi, n. 10, P. L., t. xxxiv, col. 343. Ainsi Adam et Eve ont été créés dès le premier jour, non pas dans leur réalité parfaite, mais « selon la puissance productive répandue comme un germe dans le monde par la parole de Dieu » , secundum potentiani per verbum Dci tanquam seminaliter mundo indilam. Ibid., 1. VI, c. v, n. 8, col. 312. De cette existence potentielle, le temps venu, oportebatjam tempore suo fieri Adam de limo terrse, ejusque mulierem ex viri latere. Ibid. Mais, si l’on ne veut se méprendre, le lecteur doit prendre garde à deux réserves capitales : l’âme n’a pu être enfermée dans aucune ratio causalis, nous dira Augustin ; voir, plus loin, col. 2360 ; et, de plus, Dieu interviendra pour la formation du corps.

C. Saint Augustin est-il donc évolutionniste ? — S’il s’agit d’évolution athée ou d’évolution matérialiste sans âme, la question serait ridicule, tant le rôle de Iheu et de l’âme est au centre de toute la cosmogonie et anthropologie augustinienne. Mais il est une évolution théiste qui a pu, non sans quelque apparence, se réclamer du docteur d’Ilippone. En niant si catégoriquement les créations successives n’a-t-il pas admis que le créateur a doté la matière d’une puissance de di/léiencialion et de transformation graduelles qui constitue l’évolutionnismeV On l’a cru parfois, et le H. 1’. Zahm, Bible, science et foi, trad. franc, Paris, s. d., p. 58-66, fécilite le grand docteur d’avoir préludé â la science moderne, d’abord en accordant à la nature ce pouvoir de transformation, puis en proclamant « que le monde est sous l’empire de la loi, et que Dieu, dans le gouvernement de l’univers physique, agit non pas directement et immédiatement, mais indirectement par l’intermédiaire des causes secondes que nous nommons les lois et les forces de la nature » . Et, ajoute-t-il, « il est sur ce point si explicite dans son langage qu’on ne peut s’y méprendre. » Op. cit., p. 6(5. Et cependant interprétation est absolument inexacte dans ses deux parties.

a) Augustin n’a pas cru possible la transformation ; mais, affirmant la fixité’des espèces, il n’admet pas que « d’un même principe primitif ou d’un même germe, puissent sortir diverses réalités t. Ce jugement de l’abbé Jules.Martin, dans son étude très pénétrante sur ijet, Saint Augustin, p : '>lî. est aussi le nôtre. Et la preuve en est évidente pour qui lit au I. IX De Gen. a<i litt., c. xvii, n. 32, I’. I… t. xxxiv, col. 406, cette affirmation sans réplique : » Les éléments de ce monde corporel ont aussi leur force bien définie et leur qualité propre d’où dépend ce que peut ou ne peut pas chacun d’entre eux, et quelle réalité doit ou ne doit pas sortir de chacun d’entre eux… i »  » la vient que d’un grain de froment ne Bail pas une fève, m « I une fève le froment,

ni de la bête l’homme, ni de l’homme la bête. » Ainsi les rationcs séminales ne constituent pas dans les éléments la puissance d’évoluer « de l’homogène à l’hétérogène » , comme le pense Zahm, L’évolution et le dogme, trad. franc., p. 121, mais supposent autant de germes qu’il doit surgir plus tard d’espèces différentes. Et les exemples cités prouvent dans l’esprit d’Augustin une conception assez sévère de l’espèce.

Le 1. III De Trin., c. viii, n. 13, P. L., t. xlii, col. 875, est particulièrement instructif ; il n’y a point de génération spontanée, mais « de tous les êtres qui viennent à la vie les germes invisibles étaient latents dans les éléments de la nature » . Ainsi de la mer naquirent poissons et volatiles ; de la terre les plantes et « les premiers animaux de chaque espèce » . D’autres germes innombrables existent, dispersés dans l’univers, mais endormis faute de circonstances favorables, quibus erumpant et species

    1. SUAS PERAGANT##


SUAS PERAGANT.

b) Augustin exige, pour la formation de l’univers, l’intervention divine immédiate, distincte du concours. Sans doute Dieu ne crée plus, mais son action directe est parfois nécessaire pour suppléer à l’impuissance des énergies cosmiques, pour amener, au moment voulu, tel ou tel germe à son plein développement. Or, que l’inlluence divine jette dans l’univers une nouvelle matière (hypothèse rejetée par Augustin), ou qu’à divers intervalles elle donne une impulsion nouvelle (comme il l’exige), c’est toujours l’insuffisance de la loi, et le recours « au miracle » .

Il est vrai que le grand docteur ne spécifie pas les cas où Dieu devra intervenir ainsi miraculeusement. Mais il accepte le principe. A propos de la formation de la lune, il dit : Si aliquid Deus imperfectum fecisse dicerctur, quod deinde ipse per/iccret, quid reprehensionis haberet ista sententia ? De Gen. ad litt., 1. II, c. xv, n. 30, P. L., t. xxxiv, col. 276. — Pour la formation du corps d’Eve, il affirme catégoriquement cette intervention miraculeuse et, à ce propos, en donne la théorie générale, op. cit., 1. IX, c. xvi-xviii, surtout n. 31-32, col. 405-406. Les êtres futurs, dit-il, sont contenus dans les éléments de deux manières bien différentes : les uns devront nécessairement jaillir de ce germe primitif ; les autres pourront en être tirés, si Dieu intervient directement. Et c’est ainsi que le corps d’Eve était renfermé moins dans les éléments que dans la puissance de Dieu, in Deo erat absconditum, n. 31, col. 406. Cette formation d’Eve est si bien un miracle que les anges eux-mêmes n’ont pu l’accomplir, n. 26-28, col. 403-iOi. — Même intervention de Dieu pour introduire l’âme d’Adam dans son corps, et aussi, semble-t-il, pour la formation de ce corps, op. cit., 1. VII, c. XXIV, n. 35, col. 368 : Credatur ergo, si nulla Scripturarum auciorilas aut veritatis ratio contradicit, ho.minem ita factum sexto die, ni corporis quidem humant ratio causalis m elementis mundi, anima vero jam ipsa crearetur et creata lateret m operibus Dei, donec (dm suo tempore sufflando… formata ( limocorpori insereret.

D. Comment Augustin harmonise-t-il sa théorie avec les six jours de la Genèse ? — Il éprouva toujours un grand embarras, el on peut même dire qu’il n’est poinl parvenu a une interprétation définitive et exclusive.

a) D’après le De Gcn. cont. man., /’. /, ., t. xxxiv, le but de Moïse dans le récit des six jours serait ou bien de consacrer le repos sabbatique (1. I. n. 33, col. 189),

en figurant aussi le repos des âmes dans l’éternité

in. 34) — ou bien de donner uni’image prophétique di i âges (lu monde (n. 35-42, cul. 189-193) — ou bien de représenter les six phases diverses de la vie morale de lies, ’mies|ii. 34, col. 194),

b) Dans le De Gcn. ("I litt. lit. impet’f., c’eal une façon

populaire de représenter la succession, non pas de

faction di mais des pha par lesquelles est passé