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AUGUSTIN (SAINT)


existence. Il renvoie au De vcra relig., c. xxxi, n. 58, P. L., t. xxxiv, col. 147-148. — d) Mais la démonstration augustinienne par excellence est celle qui est développée ex professo dans le De div. quæst. LXXXill, q. i.iv, P. L., t. xl, col. 38, avec plus d’étendue dans le De libero arb., 1. II, n. 7-33, P. L., t. xxxii, col. 12431263, et enfin dans les Conf., 1. VII, c. x, n. 16, ibid., col. 742. Elle repose sur la constatation d’une vérité éternelle et immuable, supérieure à l’homme, et pourrait être formulée ainsi : La raison de l’homme (et l’esprit angélique, ajoutent les Rétract., 1. I, c. xxvi, ibid., col. 627), occupant le plus haut degré de la hiérarchie des êtres de ce monde, si elle découvre un être plus parfait, cet être sera Dieu. Or, ma raison constate qu’audessus d’elle, il y a la vérité éternelle et immuable, qu’elle ne crée pas, mais qu’elle contemple, qui n’est ni mienne, ni en moi, puisque les autres la contemplent aussi bien que moi et hors de moi. Cette vérité est donc Dieu lui-même, ou si l’on suppose un être encore plus élevé, nous conduit du moins à cet être, source de toute vérité. Cf. De lib. arb., Inc. cit., n. 7-12, 13-14, 1538, col. 1243-1261. M. Jules Martin, Saint Augustin, p. 101-188, a vu là un prélude à l’argument de saint Anselme. Mais c’est à tort : Augustin ne conclut point de l’idée de Dieu à son existence. Mais analysant les caractères de la vérité, il les trouve inexplicables, si au-dessus d’elle il n’y a un être immuable, source de l’immuable vérité. Dès 388, cette idée s’empara de toute l’âme d’Augustin, et elle se trahit par des exclamations comme celle-ci : « Dieu, vous êtes le père de la vérité, le itère de la sagesse, le père de la vraie et souveraine vie, le père de la béatitude, le père du bien et du beau, le père de la lumière intelligible, le père de notre réveil et de notre clarté… » Soliloq., 1. I, c. I, n. 2, P. L., t. XXXII, . col. 870. Au fond, cette preuve, comme les autres, se ramène à la trilogie fameuse, dans laquelle Dieu est conçu par le grand docteur comme source de tout être, de toute vérité, de tout bien : causa subsistendi, ratio intelligendi, et ordo vivendi. De civit. Dei, 1. III, c. iv, P. L., t. xli, col. 228-229.

2. Notre conception de la nature divine.

a) La limite de notre connaissance de Dieu, l’impuissance de le comprendre et de l’exprimer par le langage humain, est un des thèmes préférés du grand docteur. Certes il est loin d’être agnostique, on l’a vu ; mais, plus que tout autre, il éprouve le tourment du mystère divin qui nous enveloppe ; il ne cesse de redire que ni nos concepts, ni nos paroles ne peuvent épuiser l’infini. Si rompre/tendis, non est Dcus, dit-il. Serm., cxvii, n. 5, /’. />., t. xxxviii, col. 663, cf. n. 7. In Ps. i.wxv, n. 12, /’. /.., t. xxwii, col. 1090 : Dcus ineffabilis est, faci-Uus dicimus quid non sit quam quid sit ; In Evang. Joa., tr. XIII, n. 5, P. /.., t.xxxv, col. 1485 : Omniaposxii ni il ici de Deo, et nihil digne dicitur de Deo. Les conceptions les plus vraies seront encore les plus génépourvu que nous sachions en déterminer les contours trop vagues : pour Augustin, Dieu est l’être, I i tre absolu, l’être dans sa plénitude et sa perfection, l’être au-dessus duquel, en dehors duquel et sans lequel rien n’existe, Soliloq., I. [, c. i, n. 3, i, P. L., t. xxxii, Col. 870-871. — b) Parmi les attributs de Dieu, la simplicité est la caractéristique qu’il met en saillie. Étant ntiellement pure actualité de l’être, sans qu’on [un se le concevoir jamais en puissance qui peu à peu se transforme en acte, Dieu est également toute perfection. Augustin va même jusqu’à regretter, en parlant de l’essence divine, l’emploi du moi substance qui semble établir une distinction entre le fond de l’être et d’qualités accidentelles, De Trinit., I. VII, c. v, n. 10, P. L., t. xi.ii, col. 942 : Deus si sobsisiit ut substantia dici possit, inest m et) aliquid tanguant in subjecto, etnon est simplex, etc. M il conclut : Essentia proprie diciu mtia abusive. - Pour écarter de l’Être

divin toute espèce de composition métaphysique, il so plaît à décrire l’identité absolue qui tait de chacun de ses attributs, bonté, sagesse, justice, … non des accidents surajoutés à son être, mais son être même : Quod habet, hoc est…, sic habet sapientiam ut ipse sit sapientia, etc. In Evang. Joa., tr. XLVIII, n. 6, P. L., t. xxxv, col. 1743. II insiste également sur l’identité de ces attributs entre eux. De Trinit., 1. XV, c. v, n. 7, 8, P. L., t. xlii, col. 1039 ; et. 1. V, c. x ; 1. VI, c. vu ; Serm., cccxli, c. vr ? n. 8, P. L., t. xxxix, col. 1498 ; De civit. Dei, 1. XI, c. x, n. 2, P. L., t. xli, col. 326. Sous cette inspiration augustinienne, Suarez et d’autres théologiens ajouteront un dernier aspect de la simplicité divine : nos idées elles-mêmes des attributs divins ne seront pas formellement distinctes : elles se compénélreront mutuellement : je ne puis concevoir la justice divine, sans embrasser dans cette justice infinie qui m’apparaît comme la plénitude de l’être, la miséricorde infinie qui est comprise dans cette plénitude. Cf. Suarez, De Deo, 1. X, c. x-xiv ; card. Zigliara, La luce intellettuale, t. ii, p. 101. — c) Ala lumière de cette simplicité ineffable, s’expliquent plus aisément les rapports de Dieu au temps et à l’espace. L’éternité est l’actuation si parfaite de toute la vie divine, que, nul changement n’étant possible, on ne peut y distinguer ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. Le temps nait, non pas avec les révolutions des astres, comme Platon l’a dit, mais avec le changement inhérent à toute créature. Tempus est creaturse motus ex allô inaliud. DeGen. ad lilt., 1. V, c. v, n. 12, P. L., t. xxxiv, col. 325. Ct. De Gen. cotit. manich., 1. II, c. H, n. 3, ibid., col. 175 ; Confess., 1. XI, c. xix. — De même la simplicité montre Dieu élevé au-dessus de tout espace, présent partout mais inétendu et incommensurable. Epist., cxxxvii, ad Volusianiim. c. ii, P. L., t. xxxiii, col. 519. — d) La théorie de la science divine se résume chez Augustin en cette grande conception : Dieu contemple, en un seul regard immuable, tout être, toute vérité, tout objet possible ou réel. Cette connaissance est une intuition éternelle devant laquelle le passé et l’avenir sont aussi actuels que le présent, mais chacun pour la partie du temps auquel répond leur réalité. Dieu embrasse tous les temps et peut ainsi connaître l’avenir (qu’il soit produit librement ou avec nécessité) aussi infailliblement que le présent. Cf. De lib. arb., 1. III, c. n-iv, n. 3-10, P. L., t. xxxii, col. 1272-1274 ; De civit. Dei, 1. XI, c. xxi, P. L., t. xli, col. 33’t. — On n’ose guère plus aujourd’hui nier qu’Augustin ait admis en Dieu la science du futur conditionnel, qui ne se réalisera jamais, mais qui se réaliserait, si certaines conditions étaient posées : il semblerait à première vue, que ces objets purement hypothétiques ne peuventêtre présents au regard divin, comme quelque chose de réel. Mais, comme les autres l’éres, saint Augustin a admis en Dieu cette connaissance : bien plus, il en a fait avec raison, nous le verrons, le ressort de sa providence. Quand les scmipélagiens abusent de cette Connaissance, et croient y trouver des mérites qui annulent la gratuité de la grâce et le don de la prédestination, le grand docteur de la grâce nie de pareilles applications de cette science, mais il admet la connaissance elle-même. Cf. De prmdes t. sanct., c. IX, n. 17, P. L., t. xliv, col. 273, De dono persev., c. ix, n. 23, P. L., t. xi.v, col. 1005-1006. Voir plus loin la doctrine de la grâce.

3. LaTrinité.— D’après Schwane, HUt. des dogmes. Ir.nl. franc., t. il, S 20, p. 265, Augustin aurait mérité le premier rang parmi les docteurs de l’âge patrislique, non moins par sa doctrine de la Trinité, que par sa doctrine de la grâce. Il est certain que ses quinze livres De Trinitate condensent et complètent ce qu’on avait dit de plus profond et de plus précis sur ce grand uns tire ; spécialement pour mettre en harmonie avei l’unité de litre divin, la divinité, désormais hors de