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AUGUSTIN (SAINT ;

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firme qu’il est le docteur et le trait d’union de tous les réformateurs, et conclut par cet ((range paradoxe : « L’histoire du catholicisme romain est l’histoire de l’élimination progressive de l’augustinisme. » Cette facilité à supposer des contradictions flagrantes chez un génie comme Augustin, étonne moins chez ces critiques quand on se rappelle qu’avec Reuter, op. cit., p. 514, ils justifient cette théorie par cette réllexion : « Chez qui trouvera-t-on des contradictions plus fréquentes que chez Luther ! » D’autres, avec Harnack, prétendent que dans un génie comme Augustin, il y a comme plusieurs individualités dictinctes qui tour à tour expriment la pensée dominante du moment. On trouvera les prétendues contradictions d’Augustin énumérées par A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengesch., t. iii, p. 90-94 ; cf. Précis, etc., trad. franc. Nous montrerons, à propos de la doctrine sur la grâce, — et c’est là surtout qu’on a voulu voir la contradiction, — que ces théories des critiques reposent sur une fausse interprétation de la pensée de saint Augustin : or très souvent on s’est mépris sur sa pensée, parce qu’on ne s’est point assez familiarisé avec sa langue et sa terminologie.

II. SOURCES DE LA DOCTRINE DE SAINT ÂVGTJSTIIi

ET INFLUENCE DU NÉOPLATONISME. — 1° Le fait. —

1. La réalité de cette influence ne peut être sérieusement discutée par qui a lu les œuvres d’Augustin, en particulier celles des premières années qui ont suivi sa conversion. Elle a été reconnue par Bestmann lui-même, qu’on accuse de l’avoir niée dans sa thèse, Qua ratione Augustinus notiones philosophiez græese ad dogmata anthropologica describenda adhibuerit, Erlangen, 1877. Pour être convaincu, il suffirait de voir les passages de Plotin et de saint Augustin, mis en regard sur deux colonnes, par M. Grandgeorge, Saint Augustin et le néoplatonisme, 1896, p. 70-81, 117-147. Les Ci » , fessions, 1. VII, c. i.x, xx-xxi, P. L., t. XXXII, col. 740. 71(J, décrivent l’enthousiasme allumé en lui par les livres platoniciens. Et cet enthousiasme vivra longtemps au cœur d’Augustin, source d’éloges magnifiques et répétés. Cont. aead., 1. III, c. XVHI ; Epist., cxviii, n. 20-31, P. L., t. xxxiii, col. 441-448 ; De vera rclig., c. xii, paitcis mutalis, christiemi fièrent ; De eivit. Dei. I. VIII passim, c. i, iv, v, x. — 2. Cette influence fut exclusive : nulle autre philosophie n’a imprimé une direction sérieuse sur l’esprit d’Augustin. On pourrait hésiter pour Pythagore ou plutôt les pythagoriciens dont la doctrine est appelée venerabilis ae prope divina, De ordine, I. II, n. 53, P. L, t. xxxil, col. 1020, éloge trouvé excessif dans les Ré tract., 1. II, C. III, 43. Mais un ne voit pas qu’il leur doive autre chose que des recherches trop subtiles sur l’allégorie 1 des nombres. D’après Grandgeorge, op. cit., p. 31, Aristote n’est cité que trois fois par Augustin, et malgré le i il lui reconnaît, De ewu., I. VIII, c. xii, il le juge fort inférieur à Platon. Les stoïciens et les épienriens, quoique cités plus souvent (vingt-trois et vingt-deux fuis), ont toujours été très sévèrement jugés par lui. — 3. Sources platoniciennes où puisa Augustin : il est certain que le Timée fut directement connu par Augusiin qui le rit, .. / ;, eivit., I. X, c. xxxi, /’. /.., t. xi.i, col. 31 l ; l.X, c. xxx, il compare l’enseignement de Platon lui’l' Porphyre, h. iii, ]< De beata rita, c. iv, il dit Lectis mil, -m Platonis paucissimis libris, et i

tout ce qu’on peut accorder : encore cinq manuscrits don ii.ii t ils : Lectis autem Plotini, Augustin lisail peu le i Platon n’étaient pas tra duites en latin comme celles de Plotin l’avaient été par Victorinus. Cf. Conf., . VIII, c. u. L’influence fut donc exercée par les néoplatoniciens plutôt que par Platon : aminé bien, on constatera que l’empreinte I dans l’âme d’Augustin vient plutôt du fond pla’M que des idées spéciale nt néoplatoniciennes.

"n Irou’i indiquées avec précision par Grand

george, o/). cit., p. 41, Iesparties des ouvrages de Plotin et de Porphyre qu’Augustin a cités ou du moins a connus. Tamblique lui est resté étranger, il ne le cite jamais et le nomme à peine une fois. De cie., 1. VIII, c. xii, P.L., t. xli, col. 237.— 4. Méthode qui préside à l’étude des néoplatoniciens par Augustin. : c’est la règle imposée par la foi d’Augustin qui va déterminer la mesure de l’influence subie. On a répété qu’il fut longtemps un néoplatonicien adoptant des formules chrétiennes. C’est le contraire qui est la vérité. Déjà à Cassiciacum et plus tard encore, il était un néoplatonicien devenu chrétien très sincère, mais cherchant encore à revêtir ses dogmes des expressions néoplatoniciennes. — a) La formule de cette méthode nous est donnée dès le début dans une de ses notes autobiographiques qui sont l’histoire de son esprit. Dans Cont. acad., 1. III, c. xx, il nous avertit qu’il y a deux voies pour aller à la vérité : l’autorité et la raison. Or, ajoute-t-il, « en fait d’autorité, j’ai choisi pour maître le Christ dont je ne m’écarterai jamais. » Quant à la philosophie, voici sa règle : Quod autem subtUissima ratione persequendum est, ita jam sum affectas, ut quid sit verumnon credendo solum, sed eliam intelligendo apprclienderc impatienter desiderem ; apud platonicos me intérim quod sacris litteris nostris non repugnet reperturum esse confido. Ainsi il croit au Christ, mais il va chercher et il est sûr de trouver chez les platoniciens une philosophie qui s’adapte à l’explication de sa foi. — b) Les dispositions d’esprit sont donc absolument celles d’un croyant : il est prêt, non à condamner l’Évangile au nom de Platon, mais à l’expliquer par sa philosophie. M. Grandgeorge, op. cit., p. 155, a fort bien conclu en ces termes : « Donc, tant que sa philosophie concorde avec ses doctrines religieuses, saint Augustin est franchement néoplatonicien ; dès qu’une contradiction se présente, saint Augustin n’hésite jamais à subordonner sa philosophie à la religion, la raison à la foi… Il fut avant tout un chrétien : les questions philosophiques se trouvèrent dans son esprit (et toujours davantage) reléguées à l’arrière-plan. » Cette observation suffit à démontrer combien Dorner, dans son Augustinus, p. 326 sq., a exagéré l’inlluence néoplatonicienne. — c) La méthode était pourtant dangereuse : cherchant ainsi de parti pris l’accord entre les deux doctrines, il croira, sans fondement, trouver le christianisme dans Platon, ou le platonisme dans l’Evangile. Tour à tour il exagérera ce que nous pouvons emprunter aux platoniciens, et ce que les platoniciens doivent à la révélation : il rendra ceux-ci tributaires de l’Écriture, et, dans les Rétractations, 1. II, c. iv, n. 2, P. L., t. xxxii, col. 632, il devra corriger cette affirmation du De doct. christ.. 1. II, C XXVIII, n. 43, /’. /, ., t. xxxiv. col. 56, que Platon s’était inspiré de Jérémie. Augustin s’en est si bien aperçu, que des l’an 400, dans les Confessions, 1. VII, c. xiv, n. 20, P. L., I. xxxii, col. 744, il remerciait Dieu d’avoir connu les Écritures seulement après les platoniciens, parce qu’ainsi il a pu constater qu’il puisait dans les saints Livres de grandes vérités et de nobles sentiments que nul platonicien n’avait pu lui inspirer. S’il avait éprouvé ces sentiments avant de lire les platoniciens, il se fût imaginé que ceux-ci les excitaient à leur tour, tandis que, les ayant lus auparavant, il a constate’1 leur impuissance et cette expérience précédente l’a détrompé pour toujours. Dans le De eivit., 1. XXII, c. xxviii, /’. /.., t. xli, col. 79."). il blâmera cette tendance des penseurs chrétiensà trouverleurs dogmes chez Platon : Amantes Platonem, dicunt eutn aliquid simile nobis eliam de resurrectione sentisse, El h"- Rétractations, l. I, c. iii, n. 2, /’. /.., t. xxxii, col. 588, contiennent l’aveu qu’il n’a pas toujours évité cet écueil.

Les résultats.

N’epoiivant taire une étude détaillée,

nous signalerons, en quatre séries.les points de contact du platonisme et du christianisme dans saint Augustin,