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AUGUSTIN (SAINT)

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Vence, 2 in-12, Paris, 1736. Dubois a traduit les opuscules suivants : De vera religione, 1690 ; Despir.etlilt., 1700 ; Deordine, 1701 ; De doctr. clirist., 1701 ; De util, credendi, 1741. Arnaud a traduit VEnchridion, 1685 ; le De prxdest. SS. et de dono persev., 1676. On a de Pellissier : Les Soliloques traduits pour la première fois en français, in-12, Paris, 1853. Ils avaient été traduits cependant avec le manuel et les méditations, par La Croix, in-12, 1745-1747.



III. Doctrine. —

Quand les critiques cherchent à déterminer « la place d’Augustin dans l’histoire de l’Église et de la civilisation » (titre de l’étude de Feuerlein, voir plus loin), il ne saurait être question d’une influence extérieure et politique, telles que l’ont exercée les saints Léon, Grégoire ou Bernard. Reuter l’a justement remarqué, Augustinische Studien, p. 479, Augustin, évêque d’une cité de troisième ordre, n’a guère exercé d’action directe sur la politique ; et peut-être, ajoute Harnack, Lehrburch der Dogmengeschichte, t. iii, p. 95, n’avait-il pas les qualités d’un homme d’Etat. Toute son influence a été intime et sur les esprits. S’il fait époque dans les destinées de l’Eglise, comme on en convient, c’est dans l’histoire du dogme que son action a son contre-coup ; et s’il a une place à part dans l’histoire même de l’humanité, ainsi que l’estiment les penseurs réfléchis comme Rudolf Eucken, c’est en qualité de penseur ayant, même en dehors de la théologie, exercé une action décisive sur l’orientation de la pensée occidentale. Étudier sa doctrine, c’est donc en même temps étudier son action dans le monde. Dans un si vaste sujet, impossible d’être complet : on comprendra que, laissant de coté les questions de détails nous cherchions à fixer avec précision la position d’Augustin dans les grands problèmes augustiniens.

Voici l’ordre que nous suivrons :
1° Rôle doctrinal hors de pair de saint Augustin ;
2° Sources de sa doctrine, en quel sens est-il néoplatonicien ?
3° Sa théorie de la connaissance et l’ontologisme ;
4° Sa doctrine sur Dieu et les œuvres de Dieu ;
5° Le docteur de la grâce : est-il prédestina tien ?
6° Le docteur de l’Eglise et sa théorie des sacrements ;
7° Le docteur de la charité ou morale de saint Augustin ;
8° Théories eschatologiques d’Augustin ;
9° Conclusion : caractéristique du génie de saint Augustin.

I. RÔLE DOCTRINAL HORS PAIR.. —

Comme introduction à l’examen de ses théories particulières, nous voulons mettre en lumière non pas cette vérité incon que l’influence doctrinale d’Augustin a été immense, mais cette conclusion plus étonnante, proclapar les plus grands critiques, que cette inlluence est exceptionnelle et sans rivale, même à côté de Thoiii is d’Aquin, en un mot que l’enseignement d’Augustin marque uni- époque décisive dans l’histoire de la pensée chrétienne, et fait entrer l’Église dans une phase nouvelle. On aurait pu réserver ce fait comme conclusion de l’étude sur sa doctrine : mais pour mieux déterminer le, points précis sur lesquels se fixera l’attention, il est uiile de montrer :
1° le degré d’influence qu’il faut attribuer., Augustin ;
2° la nature ou les éléments de son action doctrinale ;
3° les caractères généraux de sa doctrine.

I. Augustin proclamé le plus grand des Pères. —

1. Par les catholiques. —

Tel était certainement le sentiment’i' - contemporains i Augustin, si l’on en juge par ipressionsde leur admiration recueillies par Stilt i m _. < Li ii - Acta tanctorum, loc. c » f., § i.v, p. 359-361. Jérôme, entre autres, n’hésitail pasàlui dire : CatholU ci te conditorem antiqum rursut fidei venerantur. Epis t., iaii. advugust., /’. /.., t. xxii, col. 1180. Mais les contemporains seraient suspects si la postérité n’avait ratifié leur jugement. Les papes ont attribué au il d’Hippone une autorité si exceptionnelle qu’elle mérite une étude à part. Voir pinlui l’autorité de saint Augustin. La pensée du tout le moyen âge a été parfaitement résumée par Pierre le Vénérable, plaçant Augustin immédiatement après les apôtres : Maximuspost apostolos ecclesiarum instructor. Epis t. ad S. Bern., dans Opéra S. Bernardi, Epist., ccxxix, n. 13, P. L., t. clxxxii, col. 405. Le XVIe siècle exprime la même admiration par deux écrivains de caractère tout opposé : Érasme lui-même s’enthousiasme sur ce sujet : quid habet orbis christianus hoc scriptore mugis aureum vel augusliusf dit-il dans la Préface de son édition. Et Sixte de Sienne proclame Augustin le plus grand génie de l’humanité : Doctor super omnes gui ante eum et posl eum hucusque fuerunt mortales. Biblioth. sancta, Cologne, 1576, p. 220. Dans les temps modernes, c’est Bossuet, le génie le plus semblable à celui d’Augustin, qui lui assigne sa place parmi les docteurs, la première : il ne l’appelle pas simplement « l’incomparable Augustin » , « ce maître si intelligent et pour ainsi dire si maître, » Défense de la tradition, 1. IV, c. XVI, édit. Lebel, t. v, p. 240, mais, l’aigle des docteurs, ibid., 1. IX, c. xiv, p. 501, et « le docteur des docteurs » . Sermon pour la vêture d’une postul. bernardine. — Si un moment l’abus que les jansénistes firent de ses ouvrages, peut-être aussi les exagérations de certains catholiques ainsi que les attaques de certains critiques à la suite de Richard Simon, semblent avoir effrayé quelques esprits, le jugement général n’a pas varié 1, et au XIXe siècle Stôckl exprimait la pensée de tous : « Augustin a été à juste titre appelé le plus grand docteur du monde catholique. » Geschichte der christl. Philos, zur Zeit der Kirchenvâter, 1891, p. 365.

2. Au jugement des protestants. —

Chose étrange ! il semble que les critiques protestants aient été spécialement séduits en ces derniers temps par la grande ligure d’Augustin, tant ils lui ont consacré d’études profondes (Bindemann, Schaff, Dorner, Reuter, A. Harnack, Eucken, Schee), etc., pour ne parler que de travaux allemands). Or leur admiration, pour être froidement raisonnée, n’en est pas moins enthousiaste : et, plus ou moins, ils arrivent à cette formule de Harnack : « Où trouver, dans l’histoire de l’Occident, un homme qui pour l’inlluence puisse lui être comparé ? » Lehrbuch iler Dogmengeschichte, 3 a édit., t. iii, p. 95. Les réformateurs, Luther et Calvin, s’étaient contentés de traiter Augustin avec un peu moins d’irrévérence que les autres Pères. Voir Ph. Schaff, Saint Augustin, 1886, p. 99-101. Mais leurs descendants lui rendent éclatante justice, et cela au moment même où loyalement ils reconnaissent en lui le père du catholicisme romain. Schaff a rapporté leurs conclusions, loc. cit., p. 101-102. Pour Rindemann « Augustin est, au ciel de l’Église, un astre d’un éclat extraordinaire. Depuis les apôtres, nul autre ne l’a surpassé : on peut dire que la première place parmi les Pères de l’Église lui est due… Il marque le plus haut point de développement de l’Église d’Occident avant le moyen âge. C’est de lui que le mysticisme aussi bien que le scolaticisme médiéval ont reçu la vie. Il forme le plus solide pilier du catholicisme romain » . Il ajoute, il est vrai, que chez lui aussi les chefs de la réforme ont puisé « les principes qui ont enfanté une ère nouvelle » . Le I)’Kurtz, dans s, , n Histoire de l’Église, 9e édit., 1885, appelait Augustin « le plus grand, le plus puissant de tous les Pères, celui dont l’influence est la plus profonde, de qui procède lout le développement doctrinal et ecclésiastique de l’Occident, et à qui le ramené périodiquement chaque irise, chaque orientation nouvelle de la pensée » . Schaff lui-même n’est pas d’un autre avis, op. cit., p. 27 : « Tandis que les autres grands hommes de l’histoire de l’Église BOnl accaparés ou parles catholiques ou par les prolestanls. lui. il jouit auprès des deux coules, ions d’un respect également profond ri durable. » liudolf I ucken, plus hardi, a OSé écrire : Sur le terrain propre du christianisme, a paru un seul grand philosophe :