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AUGUSTIN (SAINT)

Apocryphes. — On a souvent publié ensemble trois pieux opuscules, un Liber soliloquiorum animæ ad Deum, des Meditationes et un Manuale certainement non authentiques. Ce sont des recueils de passages (d’ailleurs fort saisissants) extraits de divers auteurs par un compilateur inconnu qui ne remonte pas au delà du xiie siècle. Dans le Liber soliloquiorum, P. L., t. xl, col. 863-898, on trouve des emprunts aux vrais Soliloques, aux Confessions, à Hugues de Saint-Victor (L. de arrha animæ), et au concile de Latran de 1198. Parmi les Meditationes, P. L., t. xl, col. 902-942, les unes sont déjà dans le recueil anselmien, voir Anselme, col. 1340, les autres paraissent être de Jean, abbé de Fécamp († 1178). Le Manuale, P. L., t. xl, col. 951-968, imprimé aussi en partie sous le nom d’Anselme et d’Hugues de Saint-Victor, réunit des fragments des saints Augustin, Cyprien, Grégoire et Isidore de Séville. L’édition des bénédictins signale avec soin la provenance de chaque chapitre.

8° Le Liber de immortalitate animæ, P. L., t. xxxii, col. 1021-1034, a été écrit à Milan en 387, comme un complément des Soliloques : il reprend la preuve de l’immortalité de l’âme, par l’éternité de la vérité. Plus tard, Retract., l. I, c. v, les arguments parurent insuffisants à l’auteur lui-même, et l’expression trop obscure.

9° Le dialogue avec Évodius De quantilate animæ, P. L., t. xxxii, col. 1035-1080 ; Retract., l. I, c. xii, composé à Rome vers le commencement de 388, étudie la grandeur et la dignité de l’âme qui découle de son immatérialité.

10° Le De magistro, P. L., ibid., col. 1193-1222 ; Retract., l. I, c. xii, composé en 389, est un dialogue entre Augustin et son fils Adéodat, âgé de seize ans, destiné à mourir deux ans plus tard, dont son père nous dit, Conf., l. IX, c. vi : Horrori mihi erat illud ingenium. Après une intéressante étude sur le rôle du langage, c. i-viii, Augustin développe sa célèbre théorie du Verbe, seul maître intérieur : elle sera expliquée plus loin, Doctrine de la connaissance.

Comparer la question De magistro inspirée à saint Thomas par cet opuscule : De veritate, q. xi, édit. Vives, t. xiv, p. 581. — W. Ott, Über die Schrift des h. Augustinus De magistro, in-8°, Hechingen, 1898 (progr.).

11° Encyclopédie des arts libéraux. Saint Augustin avait entrepris un recueil de traités sur toutes les branches de l’enseignement : grammaire, rhétorique, dialectique, catégories, etc. ; plusieurs étaient achevés : tout a péri, sauf le De musica. Les traités longtemps attribués à saint Augustin, De grammatica liber, P. L., t. xxxii, col. 1385-1410 ; Principia dialecticæ, ibid., col. 1411-1420 ; Categoriæ decem ex Aristotele decerptæ, ibid., 1429-1439 ; Principia rhetorices, ibid., col. 1439-1448, sont tous apocryphes, d’après les bénédictins. Toutefois, le P. Rottmanner, Histor. Jahrbuch, 1898, p. 894, dit que le De grammatica nous a été conservé par extraits et remanié. Cf. Teuflel, Gesch. der röm. Literatur, 5e édit., p. 1133. C’est aussi la thèse de Huemer, Der Grammatiker Augustinus, dans Zeitschrift für österr. Gymn., 1886, t. iv, p. 256.

12° Les six livres De musica, P. L., t. xxxii, col. 1081-1194 ; Retract., l. I, c. xi, commencés à Milan en 387 et terminés à Tagaste en 391, exposent d’abord la technique du rythme, mètre et vers. L. I-V. Mais le dialogue avait pour but d’élever l’esprit du rythme changeant des corps et des âmes, au rythme immuable de l’éternelle vérité. L. VI, c. xi-xvii, P. L., ibid., col. 1179-1193. Ce dernier livre mérite d’être lii, les mystiques du moyen âge aimaient à s’en inspirer. Les cinq autres sont très difficiles) saisir, au jugement d’Augustin lui-même. Cf. Epist., ci, à Memorius, n. 3, P. L., t. xxxiii, col. 369.

Eust. Uriarte, La musica segun s. Agustin, articles nombreux dans la Revista Agustiniana, 1885-1886 ; Fétis, Biographie musicale, Paris 1860, t. i, p. 170-171, Le Psalmus contra partem Donati, d’Augustin (voir Œuvres contre les donatistes, col. 2294, a été étudié comme la plus ancienne poésie latine rythmée, dans le célèbre traité de Wilhem Meyer, Anfang und Uræprung der lateinische und griechischen rhythmischen Dichtung, voir Abhandl. d. bager. Acad., t. xvii, p. 284-2P8 ; et par Ébcrt, Hist. gén. de la littér. du moyen âge, t. i, p. 271-272. Cf. Ed. du Méril, Poésies populaires latines, 1843, p. 120-142 ; Manitius, Geschichte der christliclie latein. Poésie, Stuttgart, 1891, p. 320-323. — h’Eœsultet, ou chant triomphal du samedi saint, serait assez vraisemblablement d’Augustin, d’après Adalbert Ebner, dans Kirchenmusikalisch.es jahrbuch, t. vin (1893), p. 73-83. Cl".’Jahresbericltt…, de Conr. Bursian, 1895, t.Lxxxiv, p. 272.

IIIe classe : apologie générale et polémique contre les indidèles. — 13° De civitate Dei libri XX11, P. L., t. xli ; Retract., 1. II, c. XJ.III, composé de 413-426 avec de fréquentes interruptions ; le livre X a été écrit après 415, et les livres XX— XXII sont de 426.

— 1. But. — Après la chute de Rome, en 410, les païens l’attribuaient, comme tous les malheurs publics, à l’abolition du culte païen. Malgré des apologies ébauchées dans les lettres à Volusien et au tribun Marcellinus, Epist., cxxxvi-cxxxviii, P. L., t. xxxiii, col. 514-535, celui-ci demanda une défense plus complète de la toi. Augustin se mit à l’œuvre. Se trouvant en lace du problème de la providence sur l’empire romain, il élargit encore l’horizon, et, dans un élan de génie qui transformait l’apologie en philosophie de l’histoire, il embrasse d’un regard les destinées du monde groupées autour de la religion chrétienne, religion unique, qui, bien comprise, remonte aux origines et conduit l’humanité à son terme final. La cité de Dieu, société de tous les serviteurs de Dieu dans tous les temps et dans tous les pays du monde (sens nouveau du mot ciritas, remarque fort bien de Hertling, Augustin, Mayence, 1902, p. 100), la cité terrestre ou du démon, société de tous les ennemis de Dieu, ces deux cités morales bâties par deux amours contraires, voilà le véritable objectif de la providence et le triomphe de la cité de Dieu est le vrai centre du plan divin. —2. Analyse. — Le grand docteur, Rctract., loc. cit., retrace en détail le cadre de son ouvrage, avec ses divisions en deux grandes parties : I rc partie (apologétique, 1. I-X) : Le polythéisme païen est également impuissant : a) à donner la prospérité en ce monde comme le peuple l’espère (1. I-V, histoire des calamités sous les dieux, et vrais motifs de la grandeur de Rome) ; b) à préparer le bonheur de la vie future comme les philosophes l’affirment (1. VI-X, critique serrée, profonde et mordante de la théologie païenne, sous toutes ses formes, surtout de la démonologie néoplatonicienne). IIe partie (expositive, 1. XI-XXII) : Le christianisme donne la ciel de la providence en montrant la cité de Dieu, quoique mêlée ici-bas à la cité terrestre, en marche vers ses destinées éternelles. Et Augustin raconte les trois grandes phases de cette histoire en consacrant à chacune quatre livres : « ) la naissance (crortus) des deux cités (I. XI-XIV, création, chute des anges, chute d’Adam et péché originel) ; b) le progrès (procursus) ou évolution des deux cités dans l’histoire (1. XV-XVIII, les trois premiers expliquant les grandes périodes bibliques marquées par le déluge, Abraham, David, la captivité, le XVIII réservé à la cité ; terrestre ou histoire des empires) ; c)la fin des deux cités (fines debitpou étude des fins dernières (1. XIX-XXII, la béatitude, le jugement, l’enfer et le ciel des ressuscites). Dans ce cadre grandiose, les digressions dogmatiques, morales ou historiques sont fréquentes : les contemporains qui arrachaient à L’auteur chaque livre à mesure qu’il était écrit, s’inquiétaient moins de l’ensemble que des questions du jour envisagées de si haut. — 3. Jugement. — La Cité de Dieu est considérée comme l’ouvrage le plus important du grand évêque ; le sujet si vaste embrasse l’universalité des problèmes qui tourmentent l’esprit humain, et l’auteur y prodigue les vues profondes et originales. Ce livre, avec les Confessions, mérite une place à part : les autres œuvres intéressent surtout les théous : celles-ci appartiennent à-la littérature générale cl passionnent toutes les âmes. Les Confessions sont la