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AUGUSTIN (SAINT)

triompher Pelage. Six mois après (décembre 415), un concile de quatorze évêques se réunit à Diospolis (Lydda) pour juger Pelage, officiellement dénoncé par deux évoques des Gaules, Héros d’Arles et Lazare d’Aix. Mais par l’influence de Jean de Jérusalem, et en l’absence des accusateurs, le synode se contenta trop facilement des dénégations hypocrites ou des explications ambiguës de Pelage, et l’admit à la communion catholique. Doctrinalement, rien n’était compromis, mais l’effet fut déplorable, et saint Jérôme appelait ce concile miserabilis synodus. Epist., cxliii, P. L., t. xxii, col. 1181.

Aussi en 416, dès que le synode de Cartilage (63 évêques) eut appris de la bouche d’Héros et de Lazare les événements de Diospolis, il renouvela la sentence de 411, et envoya au pape Innocent une lettre synodale très détaillée. Cf. S. Augustin, Epist., clxxv, P. L., t. xxxiii, col. 758, Mansi.t. iv, col. 321. La même année, Augustin avec 60 évêques assistait, à Milève, au synode de Numidie qui prit les mêmes décisions. Voir la lettre synodale à Innocent, Epist., clxxvi, col. 762 ; Mansi, t. iv, col. 334 ; de plus, une autre lettre particulière d’Augustin, d’Aurèle et de trois autres évêques informait le pape du bruit répandu en Afrique que Rome favorisait la doctrine pélagienne, et demandait une condamnation. Epist., clxxvii, col. 754-772 ; Mansi, t. iv, col. 337.

Le 27 janvier 417, Innocent Ier examina la question dans un synode romain : trois réponses aux lettres d’Afrique louèrent les évêques en confirmant l’excommunication de Pelage et de Célestius, jusqu’à rétractation de leurs erreurs. Jaffé, n. 321-323 ; Mansi, t. iii, col. 1071-1081 ; S. Augustin, Epist., clxxxi-clxxxiii, P. L., t. xxxiii, col. 779-787. Cependant, pour arrêter les mauvais effets du synode de Diospolis, Augustin écrivait au prêtre Hilaire, Epist., clxxviii, col. 772, à Jean de Jérusalem, pour lui demander les Actes du concile, sur lesquels il composa son De gestis Pelagii in synodo diospolitano (au début de 417).

2e phase : Intrigues sous Zozime et seconde condamnation. — Pelage avait adressé à Innocent Ier un Libellus fidei qui ne lut reçu que par Zozime, son successeur (mars 417). S. Augustin, De grat. Christi, l. I, n. 32, 35, 36 ; l. II, n. 19, 24, P. L., t. xliv, col. 1715-1716. Ce son côté, Célestius, chassé d’Éphèse, s’était rendu à Constantinople, où il fut condamné encore par l’évêque Atticus. S’étant réfugié à Rome, il présenta lui aussi à Zozime un Libellus fidei ambigu. Fragments dans P. L., t. xli, col. 1718. Tout contribua à tromper Zozime : protestations mensongères de Célestius, caractère suspect des accusateurs Héros et Lazare, enfin une apologie de Pelage par Praïle, successeur de Jean de Jérusalem. Le pape accepta donc l’appel, interrogea, dans un synode romain, Célestius qui n’hésita pas à condamner tout ce que condamnait Innocent Ier. Deux lettres de Zozime aux évêques africains (la seconde est de septembre 417) reprochent aux Pères d’Afrique trop de précipitation, approuvent les déclarations de Célestius et de Pélage, et demandent qu’on envoie à Rome ses accusateurs. P. L., t. xlv. col. 1720-1721.

Aussitôt les évêques d’Afrique réunis en concile à Cartilage (fin de 417 ou début de 418) écrivent au pape pour l’avertir des fourberies pélagiennes, et le supplient de maintenir la décision d’Innocent. Mansi. t. iv, col. 376, 378 ; S. Augustin, De pecc. orig., c. vi, vii, n. 7, 8, P. L., t. xliv, col. 588 ; Cont. duas epist. Pel., l. II, c. iii, ibid., col. 573-575 ; Libellus Paulini diaconi, envoyé au par l’accusateur de Pélage, P. L., t. xlv, col. 1724-1725. Dans une troisième lettre (21 mars 418), Zozime répond aux évêques d’Afrique qu’il veut traiter l’affaire de qu’il a laissé toutes choses en l’état. P. L., t. xlv, col. 1725-1726 ; Jaffé, n. 342. Cette lettre reçue, le 1er mai 418, le synode général de Carthage, composé de plus de 224 évêques (d’après Photius, P. L., t. xlv, col. 1730, rédigea huit (ou neuf) canons contre la doctrine pélagienne : ils ont été insérés dans le Codex can. Eccl. africanæ, n. 110-127, Mansi, t. iii, col. 810-823, cf. Denzinger, Enchiridion, n. 65-72, et ont été faussement attribués au IIe concile de Milève en 416. Hefele, Conciliengeschichte, 2e édit., t. ii, p. 113 ; trad. franc., t. ii, p. 184.

Cependant à Rome, Zozime avait reconnu la fourberie de Célestius : celui-ci, cité à comparaître de nouveau au synode romain pour un jugement définitif, s’enfuit de Rome, et le pape prononça la condamnation des deux hérésiarques. Jaffé, ann. 418. Bientôt après (été de 418), le pape exposa la doctrine catholique dans une lettre circulaire (tractoria) qui reçut les souscriptions des évêques du monde entier. Cf. Hergenrother, Hist. de l’Église, trad. franc., t. ii, p. 164 ; Jaffé, n. 343. Ce document est perdu, mais par les fragments conservés dans S. Augustin, Epist., cxc, n. 23, S. Prosper, Lib. cont. collat., n. 15, 57, cf. P. L., t. xlv, col. 1730-1731, nous savons que le pontife sanctionnait les décrets des conciles d’Afrique, condamnait Célestius et Pelage, définissait en particulier le dogme du péché originel et la nécessité de la grâce pour tout bien, omnia enim bona ad auctorem suum referenda sunt, unde nascuntur. S. Prosper, loc. cit., n. 15.

Pendant cette période d’hésitations du pape, le rôle d’Augustin s’était trouvé très délicat. C’est lui qui rédigea la lettre des évêques africains à Zozime, et inspira les huit canons de Carthage. D’autre part, comme les pélagiens se vantaient d’abord d’être soutenus à Rome par le pape et les prêtres de son entourage (surtout par Sixte, plus tard le pape saint Sixte III), et, après la condamnation, accusaient Rome de s’être donné un démenti, l’évêque d’Hippone éclaira Sixte par des lettres aussi habiles que pressantes. Epist., cxci, P. L., t. xxxiii, col. 867, 874-891. Il prit ensuite la défense de Zozime. Séparant la question dogmatique de la question de personne, il démontra que le pape n’avait jamais approuvé la doctrine pélagienne, mais seulement avait accepté provisoirement les protestations de Célestius promettant se omnia damnaturum quæ sedes apostolica damnaret. De pecc. orig., c. vii, n. 8, P. L., t. xliv, col. 389. Le rôle prépondérant d’Augustin dans la condamnation des pélagiens est mis en relief par une lettre de saint Jérôme, S. Augustin, Epist., ccii, P. L., t. xxxiii, col. 928, et par la mission que lui confient les empereurs Honorius et Théodose d’obtenir la souscription des évêques à celle condamnation. Epist., cci, ibid., col. 927.

3e phase : Après la condamnation par Zozime. — La Tractoria de Zozime, souscrite par les évêques et confirmée par les lois des empereurs (cf. décret de Constance, père de Valentinien, en 421, P. L., t. xlv, col. 1750), marque le déclin du pélagianisme. Mais longtemps encore il essaya de résister. Trois faits sont plus saillants dans cette nouvelle phase des luttes de saint Augustin : L’entrée en lice de Julien, la rétractation de Léporius, la naissance du semipélagianisme.

1. Julien, fils de l’évêque Memorius et de l’illustre chrétienne Juliana, ancien ami d’Augustin, jusque-là très estimé pour sa science et ses immenses aumônes, promu par Innocent Ier à l’évêché d’Éclane en Apulie, devient tout à coup le chef du parti pélagien. Esprit vif et pénétrant autant qu’opiniâtre dialecticien vraiment redoutable, il supplée Pélage et Célestius qui disparaissent à peu près de la scène. Dès 418 il entraîne 17 évêques d’Italie à refuser avec lui de signer la Tractoria, et ils adressent au pape leur protestation, avec appel au concile plénier. P. L., t. xlv, col. 1732-1736. Ils furent tous déposés canoniquement et bannis par l’empereur. Julien, exilé d’Italie en 421, continua d’écrire pamphlet sur pamphlet contre Augustin, qu’il appelle injurieusement manichéen et chef des traduciens. Cf. Opus imperf. cont. Julian, l. 1. n. 1, 2, 6, 9, 27, 32, 66, l. III. n. 10, 98, 165, etc. Sa doctrine nous est connue par les citations