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ATTRITION. DECRET D’ALEXANDRE VII


Les explications se sont multipliées dans les sens les plus divers, et Morin énumère jusqu'à dix opinions. Cet auteur publiait en 1651 son traité De disciplina in adminislratione sacramenti psenitentise, Paris. Or, il dit dans cet ouvrage, 1. VIII, c. iii, n. 12, p. 509, qu’il y a près de quatre siècles qu’on discute très vivement dans les écoles sur la transformation de l’attrition, et il ajoute que la controverse n’est pas près de finir. Nous ne le suivrons pas dans sa relation des variétés et simples nuances d’opinions. Toute la question se résume ainsi : La formule ex altrito contritus peut se vérifier soit en dehors du sacrement, soit dans le sacrement de pénitence ; et dans l’une et l’autre hypothèse, elle est susceptible d’un sens erroné et d’un sens vrai.

I. en dehors du SACREMENT.

Sens erroné.


Au témoignage de Morin, loc. cit., n. 1, p. 507, un bon nombre parmi les anciens docteurs considéraient l’attrilion comme une contrition atténuée, inspirée par l’amour de charité, mais à un degré moindre que la contrition proprement dite ou parfaite. L’attrition deviendrait contrition, dans cette opinion, par le seul fait qu’elle s'élèverait à un degré supérieur et serait informée par la grâce, gratia formata seu perfecta. Ceci paraît être la pensée de saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XVII, part. I, a. 2, q. ii, iii, loc. cit., t. v, p. 667-670, et de Scot, In IV Sent., 1. IV, dist. XIV, q. ii, n. 14-16, loc. cit., t. xviii, p. 74-76. — Cette explication est erronée puisqu’elle repose sur une notion inexacte de l’attrition. Saint Thomas, d’autre part, la réfutait déjà, Snm. theol., Suppl., q. i, a.3. Voici son raisonnement : « Il y en a qui disent que l’attrition devient contrition comme la foi informe devient formée, sient (ides informis fit formata. Mais, à notre avis, cela ne peut être. L’habitude de la foi peut bien, en effet, d’informe devenir formée par la grâce ; mais jamais l’acte de foi informe ne deviendra un acte de foi formée, parce que cet acte informe passe et ne demeure pas comme une habitude, transit et non manet. Or, qui ditattrition et contrition, ne dit pas habitude, mais acte : altritio autemet contrilio non dicunt habitum sedactum lantum. »

Sens vrai.

Le pécheur qui n’a d’abord que la

disposition d’attrition, peut s'élever graduellement d’un motif de repentir à un autre, jusqu'à l’amour de charité qui fait la contrition parfaite. La crainte de l’enfer suppose le désir du ciel ou l’amour d’espérance. De cet amour d’espérance qui a pour objet les grâces de l’avenir, le pécheur passera assez naturellement à un amour de reconnaissance pour les grâces du passé. Et de l’amour de reconnaissance, sera-t-il si difficile de s'élever jusqu à l’amour de Dieu pour lui-même qui est la charité? Nous arrivons ainsi au sommet de la hiérarchie des motifs surnaturels de contrition. Les premiers actes du pécheur repentant étaient d’attrition ; le dernier auquel il aboutit, avec le secours de la grâce, est la contrition parfaite. C’est ainsi, croyons-nous, qu’il faut entendre les explications de quelques-uns des anciens scolastiques, celles entre autres de Guillaume d’Auvergne, De sacramento psenitentise, c. v-vm, Opéra, Paris, 1676, t. i, p. 462-470, et d’Albertle Grand, I » I V Sent, I. IV, dist. XVI, a. 8, Operaomnin, Paris, 1894, t. xxix, p. 559-561.

II. dans u : 9ACBEMBNT. -- L « Sens erroné..— Certains auteurs ont pensé que le sacrement de pénitence arail la vertu de transformer l’acte d’attrition en contrition parfaite, Voir ce que nous avons dit plus haut de l’opinion du cardinal Cajetan et de quelques auires théologiens touchant la contrition nécessaire dans le sacrement de pénitence. L’acte d’attrition deviendrait, par la force du sacrement, comme un autre acte, puisqu’il serait contrition parfaite, sans que le pécheur ait à changer sa volonté ni à s’inspirer d’autres motifs de repentir. Nous trouvons cette manière île voir résumée dans une proposition de Scot, loc. m., n. 15, p. 7."> : Attritio fil contritio sine omni mulalione reali ipsiits aclus. — Ceci

revient en somme à la première explication qui concerne la transformation en dehors du sacrement et que nous avons déclarée erronée. La grâce du sacrement donnerait sa forme de perfection à un acte informe par sa nature. Or, il y a là une erreur, car le sacrement ne peut transformer ex opère operato un acte de volonté libre. Tant que la volonté n’agira pas pour le motif de charité, le repentir sera imparfait ou de simple attrition.

Sens vrai.

Le pénitent qui n’avait que la disposition d’attrition en se présentant à l’absolution, reçoit

par la grâce du sacrement l’habitude infuse de contrition parfaite. En effet l’attrition est disposition suffisante pour l’efficacité de l’absolution. Celle-ci confère donc au pénitent la grâce sanctifiante et, avec la grâce sanctifiante, toutes les vertus surnaturelles, parmi lesquelles la charité et la pénitence qui constituent ensemble ce que nous pouvons appeler l’habitude surnaturelle de contrition parfaite. On peut dire en ce sens : Atlrilus actii fit virtute sacramonti habitu contritus. Suarez, De psen., disp. XX, sect. i, n. 13, loc. cit., p. 425 ; Salmanticenses, De psen., disp. VII, dub. i, n. 62, loc. cil., p. 84 ; Billot, De Eccl. sacram., loc. cit., p. 137 ; Tanquerey, Synopsis theol. dogm., Tournai, 1895, t. il, p. 507.

Cajetan, Opuscula omnia, à la fin 'du t. xil des Œuvres de saint Thomas, in-f’ol., Anvers, 1612, tr. IV, De attritione et contritione, p. 46 sq. ; Summula, v Contrit io, Lyon, 1595, p.101 sq. ; Suarez, De pxiiitentia, disp. V, XX, Opéra omnia, Paris, 1866, t. xxil, p. 99 sq., 421 sq. ; Bellarmin, De controversiis christianse ftdei, 1. U.c. XVH-XVIII, De sacram. pxii., Lyon, 1603, t. H, col. 967 sq. ; DeLugo, Disputationes, disp. V, sect. ix, De psen., Paris, 1869, t. iv, p. 374 sq. ; Salmanticenses, Cursus theotogicus, disp. VII, De pxii., Paris, 1883, t. xx, p. 15 sq. ; Tournely, Prxlectiones theologicse de sacram. psen., q. v, Paris, 1728, t. i, p. 223 sq. ; Billuart, Cursus theologix. diss. IV, De sacram. psen., Paris, 1828, t. xviii, p. 123 sq. ; Wirceburgenses, Theologia. Desacram. psen., c. iii, Paris, 1854, t. v, p. 141 sq. ; Bossuet, De doctrina concilii Tridentini circa dilectionem in sacramento psenitentise requisitam, dans les Œuvres complètes, Bar-le-Duc, 1879, t. x, p. 646 sq. ; Francolini, De dolore ad sacramentum psenitentise rite suscipiendum necessario, Borne, 1706 ; Le Drou, Dissertationes quatuor de contritionc et attritione, Borne, 1707 ; S. Liguori, Theologia moralis, 1. VI, n. 440-444, Paris, 1883, t. iii, p. 333 sq ; Vindicix Alphonsianse, Paris, 1874, t. H, p. 34 sq. ; Benaglio, Dell' attritione quasi materiae parte del sacramento delta pœnitenza, Milan, 1816 ; Scavini, Theologia moralis universa, tr. X, De sacram. p.-rn., disp. I, c. II, Paris, 1855, t. iv, p. 23sq. ; Gury-Ballerini, Comp. theol. mor., Prato, 1894, t. ii, p. 193 sq. ; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, Prato, 1892, t. v, p. 21 sq. ; Palniieri, TrctCtatUS de sacram. psenitentise, th. xx-xxxii, Borne, 1879, p. 214 sq. ; Jaugey, De sacram. psenitentise, Langres, 1877, p. 26 sq., 153 sq. ; Hurler, Theol. dogm. comp., Wurzbourg, 1883, t. iii, p. 393 sq. ; De Augustinis, De re sacramentaria, tr. V, De pxiiitentia, th. viii, XIX, Borne, 1887, t. ii, p. 82, 233 ; Billot, De Ecclesix sacrament, .- !. Home, 1897, t. ii, p. 115 sq. ; J.-B. Sasse, Tnst. theol. de sacramentis Ecctesia ;, Fribourg-en-Brisgau, 1898, t.u, p. 121 sq. ; Berardi, Praxis confessariorum, Bologne, 1891, t. ii, p. 421 sq. ; Génicot.TVieof. mor. institutions, Louvain, 1898, t. ii, p.276sq. ; Haine, Theol. mor. elementa, Rome, 1899, t. iii, p. 226 sq. ; Schanz, Die l.ehrc von den heiligen Sacramenten der katholischen Kirche, Fribourg-en-Brisgau, . 1893, p. 543 sq. ; Dôllinl'.Misch, Geschichte der Moralstreitigkeiten in der romisch-katholischen Kirche seit dem sechzehnten Jahrhundert, Nuidlingen, 1889, 1. 1, p. 67-94 et passim.

A. Beugnet.

II. ATTRITION. Décret d’Alexandre VII. — 1. Motif et occasion du décret. IL Texte. III. Commentaire.

I. Motif et occasion.

Apres le concile de Trente, les théologiens s’accordèrent généralement à dire que la contrilion parfaite n'était pas nécessaire pour la rémission des péchés dans le sacrement de pénitence. Mais il restait à préciser quelles étaient les conditions d’une véritable attrition, Quqlques-uns soutinrent qu’il n’y avait pas d’attrition salutaire sans un commencement d’amour de charité ; d’autres n’exigèreni que l’amour de concupiscence ; d’autres encore — et ce fut