Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/373

Cette page n’a pas encore été corrigée
2237
2238
ATTRITION


de Paris, Albert le Grand l’emploient, dit-il, comme une expression d « jà vulgarisée dans l’enseignement, ut. jam in scholis vulgato utuntur ; mais à sa connaissance elle ne se trouve pas dans les écrivains antérieurs. Palmieri, De sacr. pæn., Rome, 1879, th. xxxii, p. 315, rectifie cette observation et constate que le bienheureux Alain de Lille emploie jusqu'à trois fois le mot attrition dans ses Régulée de sacra Iheologia, reg. 85. Cf. P. L., t. ccx, col. 665, et préface de l'éditeur Mingarelli, ibid., col. 618. Or, Alain de Lille, qui naquit en 1114 et mourut en 1203, paraît avoir écrit ses Règles thëologiques avant l’année 1 150. Nous trouvons donc le mot atlrilion en usage dès la première moitié du xiie siècle, c’est-àdire dès le commencement de la scolastique. Observons, toutefois, que ce terme n’eut pas dès l’origine le sens précis que nous avons expliqué. Il désignait, dans les premiers auteurs qui l’employèrent, une détestation imparfaite du péché qui ne justifiait pas par elle-même, sans que le caractère de cette imperfection fût nettement déterminé. Voir IV, Absolution : Sentiments des anciens scolasliques, col. 175 sq., où, à propos de l’efficacité de l’absolution, il est parlé de la distinction entre l’attrition et la contrition d’après les plus célèbres d’entre les scolastiques, Guillaume d’Auvergne, Alexandre de Halès, Albert le Grand, saint Bonaventure, saint Thomas et Duns Scot. Ce n’est que dans les écrivains postérieurs qu’on trouve la notion exacte et complète de l’attrition, telle qu’elle a été définitivement ïixée par l’autorité du concile de Trente, sess. XIV, c. iv. Cf. Palmieri, loc. cit., th. xxvii, p. 300.

II. IIONNÈTLTÉ DE L’ATTRITION. — I. EXPOSÉ DE LA

question. — 1° Nous devons établir que la contrition i : îparfaite ou attrition est en soi bonne et utile au salut. Nous limiterons notre discussion à l’attrition qui vient de la crainte, ex metu gehennx et pœnarum, pour deux raisons : 1° cette forme d’altrition a été plus particulièrement attaquée par les adversaires de la doctrine catholique ; 2° quand nous aurons démontré le caractère honnête du repentir issu de la crainte, il sera prouvé a fortiori que la contrition produite par la honte du péché est moralement bonne, car, tout le monde en convient, ce second motif d’attrilion est d’un ordre plus élevé que le premier.

2° La crainte d’offenser Dieu à cause du châtiment est généralement appelée par les théologiens « crainte servile » , car il semble que ce soit le propre de l’esclave d’obéir par peur du châtiment. On lui oppose la « crainte filiale » , celle du fils qui accomplit la volonté de son père par affection et reconnaissance.

La crainte servilepeut avoir deux formes. Ou bien, la peur ri u châtiment existe sans la détestation du péché, de telle sorte que la disposition du pécheur pourrait se traduire par cette formule : o, 1e pécherais s’il n’y avait pas d’enfer, » Cette sorte de crainte mêlée d’une affection positive au mal est qualifiée par les moralistes de « servilement servile » , serviliter servilis. Ou bien, la crainte du châtiment renferme la détestation du péché, et partant, la résolution ferme de s’en abstenir. Ce second sentiment se traduit : « .le hais le péché parce qu’il mérite l’enfer ; g et li : s moralistes l’appellent crainte « simplement servile » , eimpliciter servilis.

Or, il est bien entendu que la crainte servilement servile renfermant une affection au péché est moralement mauvaise, et ne peut à aucun titre être le motif d’une attrition surnaturelle. Nous oe nous occupons que de la crainte simplement servile. C’est de celle-ci que nous voulons démontrer qu’elle est honnête et louable et que l’attrition qui en nall est bonne ci utile au salut.

II. //, '/(/ 1 n — Luther enseignait que la contrition de bonie et de crainte empêche le péché extérieur mai non le péché interne, qu’elle fait de l’homme un hypocrite et par conséquent le rend plus coupable, La > propo ition condamnée par Léon X, bulle A <. /' min » ,

16 mai 1520, est en ce sens : Contritio qux paratur per discussionem, collalionem et delestalionem peccatorum, qua quis recogitat annos suos in amaritudine animx sux.ponderando peccatorum gravilatem, nndtitudinem, fœditatem, amissionem xternx beatitudinis, ac xternx damnationis acquisilionem, hxc contritio facit hypocrilam, imo magis peccatorem. Denzinger, Enchiridion, Wurzbourg, 1895, n. 630, p. 175. Cette proposition est extraite du 2e sermon sur la Pénitence. L’hérésiarque soutient la même doctrine dans son livre De la captivité de Babylone et dans la défense des articles condamnés par Léon X. Cf. Palmieri, De pxii., p. 282-284.

Baius distingue deux amours : l’un de charité, bon et méritoire, l’autre de cupidité, mauvais et coupable, entre lesquels il n’y a pas de milieu. D’où l’attrition est mauvaise parce qu’elle ne procède pas de la charité mais de la cupidité. Une proposition qui résume cette théorie fut condamnée par Pie V, bulle A'.r omnibus afflictionibus, 1 er octobre 1567 : 38. Omnis amor creaturse rationalis aut vitiosa est cupiditas, qua mundus diligitur, qux a Joanne prohibetur, aut laudabilis illa charitas, qua per Spiritum Sanctum in corde diffusa Deus amatur. Denzinger, op. cit., n. 918, p. 245.

Jansénius renouvelle et développe l’erreur de Bains dans son Auguslinus, De gratta C/iristi Salvatoris, l.V, c. xxi-xxxv, Rouen, 1652, t. iii, p. 231-252. Il enseigne en résumé : 1° que la crainte de l’enfer sans la charité est mauvaise, c. xxii-xxiii ; 2° que cette crainte vient d’une source vicieuse, l’amour de soi, c. xxiv ; 3° que le repentir qui en résulte n’est pas libre, car les actes inspirés par la crainte sont involonlaires et sans mérite, c. xxix. Pour ces motifs il conclut qu’il faut réprouver la doctrine des théologiens scolastiques, enseignant que la crainte de l’enfer est le motif d’une véritable contrition, c. xxxin : Répugnât magnopere Augustino doctrina, qua docetur dolorcm peccati propler gehennx metum, seu attritionem quorumdam scholaslicorum, excludere posse omnem peccandi voluntatem et conlinere propositum bonx vitx, seu servandi lotam legent Dei. Op. cit., p. 247.

Les disciples de Jansénius acceptèrent absolument les vues du maître. Nous relevons les propositions suivantes parmi celles qui furent condamnées par Alexandre VIII, 7 décembre 1(590 : 7. Omnis Itumana aclio deliberata est Dei dilectio vel mundi : si Dei, cliarilas Palris est ; si mundi, concupisccnlia carnis, hoc est, mala est. — 14. Timor gehennx non est super naturalis. — d5. Attritio, quxgehennx et pœnarum metu concivitur, sine dilectione benevolentix Dei propter se, non est bonus motus ac supernal uralis. Denzinger, op. cit., n. 1164, 1171, 1172, p. 275-276.

La doctrine de Qhiesnel reste la même. Propositions condamnées par Clément X, bulle Unigeuitus, 8 septembre 1713 : 44. Non sunt nisi duo amor es, unde onines volitiones et acliones nostrx nascuntur : amor Dei qui omnia agit propter Deum, quemque Deus remuneratur, et amor, quo nos ipsos ac minuliim diligimus, qui, quod ad Deum référendum est non refert et propter hoc vpsvm fit malus. — 61. Timornonnisi manum cohibet, cor duti’m tamdiu percuta adducitur, quamdiu ab amore jusiitix non ducitur. — 62. Qui a malo non, abstinet nisi timoré pœn.82, illud committit in corde

suo. ei jam est reus coram Dca. Denzinger, op. cit., n. 1259, 1276, 1277, p. 284-286.

Enfin le synode de l’isloic (1786) reprend encore celle

thèse, tant de loicondamnée, des deux amours opposés de charité el de cupidité, entraînant connue conséquence la réprobation de l’attrition. Parmi les s."> propositions de cette assemblée, qui furent condamnées par Pie VI, bulle Auctorem fidei, 28 août 1794, 1a 23" et la 2 rapportent au double amour : de duplici amore ; la 25* à la crainte servile : île timoré servili. Denzinger, op. ni, n. 1386, 1387, 1388, p. 316 31 7.