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ATTRIBUTS DIVINS


divine est par elle-même chacune de ces perfections et que chacune d’elles est l’essence divine tout entière. Ainsi la sagesse, en Dieu, ne désigne pas, comme chez l’homme, un complément ultérieur de sa nature, un élément intrinsèque à sa substance, mais ce qui fait le fond même de sa nature : la sagesse de Dieu est la nature divine. « Dieu est un… Ses perfections, sans nombre, toutes distinctes par leur raison formelle et leur concept, se pénètrent dans la réalité et ne forment qu’une seule perfection laquelle se confond avec l'être divin lui-même. » Monsahré, Conférences de NoireDame Je Paris, Carême de 1874, Paris, 1876, p. 39. Le même point de vue a été maintes fois reproduit par saint Bernard avec une merveilleuse abondance d’expressions et un tour d’originalité des plus exquis. De considération/-, 1. V, c. vi-vn, P. L., t. CLXXXU, col. 795797. On lira au mot Simplicité les erreurs connexes à celles de Gilbert.

i" Formalisme. — La distinction formelle ex natura rei de Duns Scot semble la résultante de deux préoccupations d'école : 1° éviter, par souci d’orthodoxie, le réalisme des porrétains ; 2° rejeter la distinction de raison des thomistes, pour rester fidèle à un système de négation parallèle et prendre, en toute occasion, le contre-pied des thèses dominicaines. Mais, par sa position indécise entre deux opinions contradictoires, cette distinction était vouée, en passant par la critique, à se voir rejetée vers l’un ou l’autre extrême et à passer pour un type de subtilité et d’obscurité énigmatique. Quelques scolistes, comme Jean de Rada, Controv. theolog. inter S. Thomam et Scolum in lib. IV Sent., contr. iv a, Venise, 1618, ramènent la distinction formelle à la distinction virtuelle de saint Thomas. D’autres, en plus grand nombre, lui font une place à part, dans les choses ellesmêmes, à côté de la distinction réelle, avec les noms d’actuelle, de formelle ex natura rei, d’antérieure à toute opération d’intellect. Les difficultés de Scot contre la distinction des attributs de Dieu, telle que l’avait exposée saint Thomas, donnent raison à cette dernière interprétation. En toute rencontre le docteur subtil s’efforce de prouver que sans une certaine distinction actuelle entre les attributs divins, antérieure à toute opération mentale, les concepts par lesquels nous les exprimons seraient à la fois faux et inutiles. Ils seraient 1 « inutiles, puisqu’un seul d’entre eux exprimerait tout ce qui est Dieu ; 2° faux, puisqu’ils n’auraient pas de base objective. Et ainsi la multiplicité de nos concepts n’irait pas sans une certaine multiplicité réelle en Dieu. Mais l’ingénieux argument porte à faux en supposant qu’un seul de nos concepts exprime totalement l’essence divine. Il n’en est pas ainsi. Le concept de sagesse, par exemple, exprime tout Dieu, en ce sens que la réalité à laquelle il aboutit est une réalité simple et indivise, mais il ne représente pas tout ce qui est en Dieu, il n’en montre qu’un aspect particulier tiré de la contemplation réatures. L'être divin, terme et aboutissant île nos concepts, n’est épuisé ni par un seul d’entre eux, ni par leur somme : il les dépasse toujours infiniment, comme le modèle infini comparé à des copies multiples et imparfaites.

.'p Doctrine commune. — La distinction de raison à base objective, cum fundamento in rs, a toujours été la formule technique des théologiens pour régler les rapport : de l’essence divine et de ses attributs. Un la voit poindre, pour la première fois, dans les controverses

cui iennes des Pères grecs : c’est laStafopà xat' iitli

vQtav de saint Basile et de saint Grégoire de Nyssi In Eunoni., /'. G., t. xi.v, col. 259 sq. A l'étal latent les périodes oratoires de saint Augustin et les charmantes interrogations de saint Bernard, elle acquiert la dernière précision d ins saint Thomas. In I VSent., 1. 1, disl. II, q. i, a. '.'>. Aucune autre distinction ne concilie mieux la simplicité divine avec la vérité el la significa tion propre des divers noms que nous donnons à Dieu. Sum. theol., I a, q. xiii, a. 4. Il faut ajouter, pour en donner la raison, qu’elle seule s’harmonise avec les conditions fondamentales de notre connaissance de la nature divine. Son côté subjectif, en tant que distinction de raison, répond au caractère abstrait de nos conceptions, alors que son côté objectif reflète la surabondance d’une perfection capable de fournir matière à un chiffre illimité de concepts et d’aspects différents.

Opinions thomistes.

En cours de lutte avec le

scotisme, l'école de saint Thomas se fractionne elle-même, sur la question présente, en deux nouvelles opinions. A force de brasser des formalités abstraites, on fit sortir de la distinction de raison objective deux autres distinctions. L’une dite majeure, major, fut réservée aux concepts à contenus exclusifs et hétérogènes, comme ceux d’animal et de raisonnable ; l’autre appelée mineure, minor, fut donnée aux concepts à peine nuancés par une variété de contenu qui n’empêchait ni mutuelle contenance, ni réciprocité d’attribution. Tel est, par exemple, le cas des notions transcendentales, l'être, le vrai, etc. Les partisans de la distinction majeure sont en petit nombre. Suarez, In Sum. l/ieol., part. I, 1. I, c. xiii, en citant pour elle ipielques contemporains, fait des réserves sur l’adhésion deCapréolus, lnl V Sent., l.I, dist. VIII, q. iv, ad 16um Aureoli. Tous les autres théologiens, en dehors des nominalistes et des scotistes, adoptent unanimement la distinction mineure comme plusconforme à la simplicité divine et plus rapprochée des locutions patristiques, toutes favorables à la réciprocité' des attributs divins soit entre eux, soit avec l’essence divine. S. Augustin, De Trinit., 1. XV, c. v, P. L., t. xlii, col. 1062. Voir Gonet, Clyp. thom., disp. III, a. 3 ; Billuart, Sum. S. Th., diss. II, a. 3 ; Contenson, Theol. mentis et cordis, I. I, div. ii, c. i, spec. 2 ; Tournelv, De Deo, q. iv, 2 a concl. ; Billot, De Deo uno, Rome, 1867, p. 161, 397.

VIL Rapports mutuels. — Les relations entre attributs divins doivent se baser sur leur nature et se régler suivant les deux aspects qui les distinguent. On peut en effet envisager les perfections divines : l°soit du côté de la réalité qui les objective ; 2° soit du côté de leur contenu logique et formel. Au premier point de vue, parfaite identité et réciprocité. Puisque les choses égales à une troisième sont égales entre elles, tous les attributs de Dieu, identiques au même litre à la substance, se trouvent, de ce chef, réellement et substantiellement identiques entre eux. Il n’y a donc point d’exagération, en ce sens, in sensu identico, dans l’axiome de saint Augustin cité plus haut : quae justifia (in Deo), ipsabonitas, et (/me bonitas, ipsa beatiluilo. En Dieu, la justice est bonté' et la bonté est bonheur. On peut dire également la justice esi la bonté et la bonté est la justice, mais seulement au sens indiqué. Au point de vue du contenu logique et formel, c’est-à-dire du refiel spécial que chacune des idéesattributs représente à notre esprit, il n' a plus ni identité, ni réciprocité. Autrement, les noms que nous donnons à Dieu seraient tous synonymes, ce que voulaient précisément eunoméens et nominalistes. Il n’est donc

plus permis, sous ce rapport formel, in sensu formait,

de substituer indifféremment un attribut à un autre et

île due, par exemple, la miséricorde divine est la justice.

Il ; i, en eiiei, dans notre intelligence, un concept spécial correspondant à la miséricorde et un autre à la justice, chacun d’eux a sa r : iison et s ; i signification propre.

VIII. Règles d’emploi. — Klles sont exposées au mot Abstraits [Termes), col. 263.

IX. Préjugés modernes — Les écoles de philosophie, pluou moins eolon’es d’hégélianisme, se fonl un honneur de laisser Dieu, lorsqu’elles admettent son existence, dans la plus complète indétermination, s ; ms jamais vouloir rien dire de sa nature ei cela, disent-elles, par crainte de dégrader la divinité. En toute rencontre, elles raillent les naïfs efforts de la théodicée Bpirilualiste occupée à