Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée
2213
2214
ATHENAGORE


bole et quelle était la manière dont on y répondait dans les milieux cultivés.

Il se divise en deux parties : l’une, 1-10, réfute les objections contre la possibilité de la résurrection. 1. Si Dieu ne peut ressusciter les morts, c’est faute de science ou de puissance. Or Dieu a la science : ayant su formelles corps, il saura bien les rappeler à la vie. lia la puissance : ayant pu former les corps, il pourra les reconstituer avec tous leurs éléments épars. Si Dieu ne le veut pas, c’est par crainte d’une injustice vis-à-vis du ressuscite ou d’un tiers, ou par raison d’indignité. Or il ne saurait y avoir d’injustice vis-à-vis de personne, et la résurrection n’est pas plus indigne de Dieu que la création. — 2. La résurrection doit avoir lieu. Car la destinée de l’homme, créé pour vivre toujours, sa nature qui e^t la synthèse intégrante de l’âme et du corps, le jugement qui doit s’appliquer au composé humain, c’est-à-dire au corps comme à l’âme, et la fin dernière, tout la réclame.

Ce traité, digne de la ETpETêsea pour le fond et pour la forme, est incomplet. Car il laisse de côté la question de l’état des corps ressuscites tant au point de vue physiologique qu’au point de vue surnaturel ; il néglige les analogies déjà signalées par saint Clément de Rome, que Minucius Félixet saint Cyrille de Jérusalem mettronten lumière ; il ne renferme aucune des images sensibles de la résurrection, que Théophile d’Antioche va insérer dans son traité à Autolycus et qui fourniront à Tertullien les tableaux si éloquents de son De resurreclione carnis.

111. Particularités. — 1. Comme écrivain, Athénagore défasse de beaucoup tous les apologistes du iie siècle. On lui a reproché sa déférence extrême, son obséquiosité envers le pouvoir. Il plaide, en effet, la cause de l’hérédité impériale ; il fait argument de la prière des chrétiens en faveur des autorités constituées. Mais un tel loyalisme n’a pas de quoi étonner : ce fut celui de presque tous les écrivains ecclésiastiques de l’époque. On n’a qu’à se rappeler les avances que faisait Méliton à l’empire, dans Eusèhe, II. E., iv, 26. P. G., t. xx, col. 396, et la théorie de Tertullien, d’après laquelle les bons empereurs avaient favorisé le christianisme, tandis que les mauvais j avaient été seuls à le persécuter. Apolog., v, P. L., 1. 1, col. 290-297. Quant à la prière pour les chefs du pouvoir, elle était de tradition apostolique. Voir saint Clément, l Cor., lxi, dans Funk, Opéra Patr. apost., t. i, p. 140 ; Théophile d’Antioche, Ad Autol., 1, 11, P. G., t. VI, col. 1041 ; Tertullien, Apolog., xxx.P. L., t. i, col. 442-445 ; Ad Srap., il, P. L., t. I, col. 700. Voir Mangold, De Ecclesia prhnseva pro csesaribus et magistrat ibus romanis preces fundente, Bonn, 1881.

2. Tillemont a soupçonné Athénagore de montanisme, â c tuse de Impression dont il se sert au sujet des prophètes et de la manière dont il parle des secondes noces. Le mot extase, si en faveur chez les montanistes, n’est pas suffisamment caractéristique ; et quant à l’eÛTipeirr, ; (i.ot/eta, elle n’est qu’un écho des rigoristes du temps qui estimaient que le lien matrimonial n’était pas rompu par la mort. Si athénagore avait été réellement montante, il aurait traité les secondes noces de véritable adul Voir Théophile d’Antioche, Ad Autol., iii, , P.G., t. i, col. 1141 ; Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 12, /’. G., t. vin. col. 1184 ; Origène, In Luc, homif. xvii, /’, ., t. mu. col. 1846 ; Tertullien, De monog., i, P. L., t. h. col. 991 ; Minucius Kélix, Octav., xxviii, P. L., t. ni. col.’'<’'>'. Maran ci Otto renvoient aux témoignages recueillis par Cotelier sur Hermas. Mand., iv. i. Du restr, Athénagore n’a rien de la théorie montaniste sur le Saint-Esprit.

3. Philosophe, Athénagore appartient â l’école néomicienne, sans en être l’esclave : et il n’y a rien

d’impossible à ce qu’il ait été le chef de l’académie, au rapport de Philippe de Side. Il a une culture (’tendue ; il connaît le composé humain, la nature de l’âme et du corps, leur union qui duit se reconstituer par la résur rection, leur part respective dans la responsabilité et le jugement futur. Il garde une attitude bienveillante pour la philosophie ; il estime que les philosophes possèdent dans une certaine mesure la lumière divine, mais sont incapables d’arriver par eux-mêmes à la pleine connaissance de Dieu, ce qui implique la nécessité d’une révélation. En revanche, il se montre impitoyable pour ceux qu’il appelle des sycophantes : accusateurs sans jugement, sans science et sans conscience ; docteurs qui ne savent rien du christianisme, pleins de morgue, vicieux, haineux et cruels ; tourbe de grammairiens, de rhéteurs et de sophistes, possesseurs de riches sinécures, conseillers des empereurs et meneurs de l’opinion publique. Athènes était leur centre. On connaît Théodotius, Lollianus, Hadrianus, Hérodes Atticus et ses deux élèves, Aulu-Gelle et Apulée. Athénagore n’en nomme aucun ; mais il dénonce la pusillanimité de leur esprit, la subtilité de leur doctrine, la dépravation de leurs mœurs, l’infamie de leur rôle de délateurs.

4. Théologien, Athénagore a le premier essayé une démonstration scientifique de la Trinité : unité de Dieu ; création et gouvernement du monde par le Verbe ; le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; le Père inengendré ; le Fils est le Verbe du Père, en idée et en énergie, son intelligence, son premier rejeton, Yéwï|[ia, produit au dehors, irposXOujv. S’agit-il là de la génération éternelle du Verbe ? Le Verbe est-il Fils de toute éternité ? Sans doute Athénagore affirme que Dieu a de toute éternité en lui sa raison, qu’il est éternellement raisonnable. Mais le Verbe forme-t-il une hypostase distincte de celle du Père ? Rien ne l’indique. Le contexte porte plutôt à croire que le Verbe n’a été engendré qu’à l’occasion de la création et pour créer ; ce serait alors l’idée fausse d’une génération temporelle. Le Saint-Esprit agit sur les prophètes ; il est une dérivation de Dieu, àrcoppota ; il sort de lui et il y rentre comme le rayon dans le soleil : cette comparaison, déjà réprouvée par saint Justin, sera reprise plus tard et appliquée par le sabellianisme, non au Saint-Esprit, mais au Verbe. Athénagore admet l’existence personnelle des anges, distribués entre les cieux pour maintenir en harmonie les éléments du monde, et celle des démons, à la malice desquels il attribue les miracles, vrais ou apparents, qui se faisaient parmi les païens. Apol., x, P. G., t. vi, col. 908. 9119. A en croire Méthodius.dnns Photius, Bibl., cod.234, P. G., t. ciii, col. 1109, il aurait partagé l’erreur de ceux qui attribuaient la chute des anges à un péché charnel. Enfin dans son traité de la Résurrection, il fait allusion à la peine éternelle de l’enfer : c’est le feu inextinguible de saint Ignace, Ad Eph., vi, dans Funk, Opéra Pair, apost., 1. 1, p. 186 ; le feu éternel de VEpitre à Diogni’te, x, P. G., t. il, col. 1184 ; le châtiment éternel de saint Justin, Apol., 1, 21, P. G., t. vi, col. 361 ; Théophile d’Antioche, Ad Autol., i, 14, P. G., t. vi, col. 1045.

I. Éditions : Dechair, Oxford. 170lî ; Maran, dans P. G., t. vi, col. 889-1024 ; Otto, Corp. apol., t. vu ; Mardi et Owen, dans Dougla’s série* of ehri*t. greek and latin tvriters, New-York. 187fi, t. iv ; Schwartz dans Texte und Unters. zur Gesch. der altchristl. Lit.. Leipzig, 1891, t. iv, fasc. 2.

II. Thavaux : Helcle, Beitràge tur Kirchengesch., Tu. 1864, Lehre des Athenagoras und Analyse semer

Schriflen, t.ï, p. 60-86 ; Schubring, lue Philosophie des Athenagoræ Berlin, 1882 ; A. Joannides, np « Yn « tiî « rqu -r*, ; * « (.’'AOip , ?., ;./ ftloroftxiic 7/…1U.1 ;, léna, I88 : t ; Lehmann, Die Anferstehungslehre des Athenagoras, Leipzig, 189Q ; H. AejoOtnit, ’H I. ?’, j, Leipzig, 1893 ; Duchesne, Les origines chrétiennes, lithographie ; Harnack, Die Chronologie.*, |Leh> . 1. /)< Athen Chevalier, Répertoire,

Bio-bibliographie, p. 184, 2480 ; Rlebardson, Bibliog. synopsis, p. 37, 38 ; Amould, Dr apologia Athenagorte, Paria, 1898 ; Bar.1. Dbewer, Les Pères de r Église, trad. iranç.. paris. 1898, 1. 1, p. 177-482 ; A. Ebrhard, />/ altchristl. bitteratur, Frilmurg-en-Bris ^an. 1900, p 248-245 ; Bardenhewei. Geschichte der uiii.iixUl. Littsratur, Fribourg-en-B 02, t. 1. p. 267-278.

G. L’aiii.ii.i 1 :.