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ATHÉISME ET ERREURS CONNEXES. HISTOIRE


farde pas à évoluer vers le scepticisme le plus absolu, celui de Hume et de Berkeley et à devenir une arme de guerre entre les mains des free tinkers anglais, Bolingbroke, Collins, Tindal.

V. Mouvement voltairien.

Voltaire, qui s'était réfugié en Angleterre vers 1726, rapporte à sa patrie cet esprit d’hostilité railleuse contre le christianisme et ses dogmes révélés. Ses saillies d’impiété ne pouvaient seules fonder une philosophie ; il fallait à ce scepticisme une tournure scientifique. Ce fut l'œuvre de Y Encyclopédie. Sous le prétexte de réunir dans un même faisceau toutes les connaissances humaines, on insinua, à tout propos, la haine contre la religion et, malgré des protestations officielles de déisme, aux articles Ame, Dieu, Athée, on ne parvint pas à dissimuler la sympathie marquée des rédacteurs pour l’athéisme et le matérialisme. Le xviii 6 siècle était mûr pour l’athéisme sans voile et sans périphrases du Système de la nature, par Paul d’Holbach, 2 vol., Londres, 1771. Ce manuel d’athéisme répéta Démocrite et Épicure dans un style lourd, prolixe etpédantesque qui lui valut les critiques de Voltaire, dans l’article Dieu du Dictionnaire philosophique. Il n’est surpassé en cynique impiété, que par le Dictionnaire des alliées de Sylvain Maréchal, in-8°, Paris, 1799, qui, dans sa bizarrerie sacrilège, met au nombre des athées Jésus(llnïst, le Saint-Esprit, saint Paul, saint Augustin, Bossue !, etc. Lalande, en ajoutant un supplément à cet ouvrage scandaleux, a la folie de se féliciter plus de ses progrès on athéisme qu’en astronomie. C’est dans ces aberrations que s’effondre le xviiie siècle.

VI. Mouvement kantien en Allemagne.

Le xixe siècle s’ouvre avec Kant (1724-1804), fondateur d’une nouvelle philosophie teinte aux couleurs nationales du génie allemand, patient, laborieux, méditatif, enclin à un idéalisme rêveur. L’Allemagne allait, à son tour, se mettre à la tête de la tranchée. Le père de la philosophie critique voulant relever la certitude de ses ruines et l'établir sur des bases plus solides, s’applique d’abord à rechercher la cause des contradictions entre philosophes. Il la découvre dans un vice de méthode. Tous, s’attachant A l’objet de la connaissance et poursuivant la solution des plus hautes questions que puisse se poser l’intelligence humaine, telles que celles de l’existence de Dieu, de la spiritualité de l'âme, de la destinée de l’homme, ont oublié le sujet qui donne naissance à tous ces problèmes, c’est-à-dire la raison humaine. Ils ont négligé de constater ses lois, sa nature, ses limites. Kant ramène le débat à cette analyse. Son projet entre dans le titre même de son principal ouvrage : Critique de la raison pure. Il y nie l’objectivité des idées et les réduit à être des formes purement subjectives de notre entendement. Selon lui, les objets de nos conceptions, Dieu, l’Ame humaine, la substance matérielle elle-même ne sont que de simples formes de notre raison et n’ont pas de réalité hors de l’esprit qui les conçoit. Une réforme entreprise contre le scepticisme aboutit ainsi elle-même à la ruine de la métaphysique objective, à la défiance à l'égard de nos plus hautes facultés, à l'élimination de tout ce qui n’est pas directement observable, enfin, à un doute uni I sur les objets qu’il importe le plus à l’homme de connaître, Dieu, l'âme humaine, la liberté. Telle est, dans sa première phase, l'œuvre du penseur allemand : œuvre de destruction, anéantissement de la raison spéculative. Mais il réserve tous les honneurs à la raison pratique, à celle qui gouverne la volonté' et préside à

activité' : seconde phase du problème développé flans sa Critique < ! < la raison pratique. Se tournant vers la loi morale, il reconstruit, par une déduction rigou . tous les dogmes de la métaphysique : Dieu, I im mortalité de l'âme, la liberté. Sceptique en théorie, Kanl rede 1 ient dogmatique en morale, L’incrédulité contemporaine, le positivisme, par exemple, ne le suivra que dans la première partie de sa thèse, condamnation de la mé taphysique, rejet a priori des réalités inexpérimentales. Là est le premier danger du système kantien par rapport à l’idée de Dieu ; le second, c’est d’amener, par la voie de l’idéalisme critique, une recrudescence de panthéisme. On y arrive avec la logique sévère de Fichte. Kant, son maître, avait subordonné l'être réel A la pensée, De cette conception il était facile de conclure : si les choses ne sont que ce que les fait la pensée, c’est la pensée qui constitue, qui crée les choses. Le moi, en se pensant, en se posant, se crée ; en posant le non-moi, il le crée aussi ; enfin, en posant Dieu, il le crée encore. Fichte (1762-1814), dans sa Théorie de la science, tira toutes ces conclusions : il fit sortir l’objet du sujet : identité absolue de l'être et de la pensée. Le moi seul est principe, expliquant tout, posant tout, créant tout, étant tout, s’expliquant, se posant, se créant lui-même. Singulier panthéisme qui absorbe en l’homme, Dieu et le monde, qui détrône Dieu pour couronner l’homme. Schelling (1775-1851) reprend, mais en le transformant radicalement, le subjectivisme idéaliste de Fichte. Il ne tire plus l’objet du sujet, le non-moi du moi, l'être de la pensée ; il les place tous deux sur la même ligne, les identifiant dans un principe supérieur, l’absolu, au sein duquel ils se réunissent et se confondent. Cet absolu c’est Dieu. En lui, s’effacent les différences du moi et du nonmoi. La conséquence d’un tel postulat, c’est l’identité de toutes choses dans l’essence de l’absolu : une seule essence, une seule substance qui, par son évolution, devient toutes choses. Le nom de ce système, c’est le panthéisme essentiel. Développé avec plus de vigueur et de hardiesse, il produit le panthéisme logique d’Hegel qui est le dernier mot de la philosophie allemande et la construction la plus originale du xixe siècle.

Hegel (1770-1831) commence par synonymiser totalement être et pensée et, pour marquer cette fusion, il les réunit sous un seul nom, l’idée. L’idée, en se développant, produit la nature ; la nature, en produisant l'âme, produit l’esprit, et l’esprit produit Dieu. Tout se réduit à un monde purement logique dans lequel Dieu est à la fois tout et rien ; rien, puisqu’il n’a conscience de luimême que dans l’esprit humain ; tout, puisqu’il est la substance générale de toutes les consciences et de toutes les existences. C’est la négation du Dieu réel, vivant et personnel. Hegel appelle superstition toute croyance en un Dieu objectif et ne reconnaît pour réel que ce qui est éternel, le mouvement logique de l’idée, cet éternel devenir qui produit et reproduit sans cesse le monde. Une philosophie où l’homme était transformé en conscience de Dieu, devait nécessairement dégénérer en excès audacieux, une fois livrée aux interprétations de nombreux disciples. C'était inévitable. A la mort du maître, en effet, Yécole hégélienne se fractionne, comme les groupes parlementaires, en droite, centre et r/aiiclic. La droite opéra une retraite avec des sens mystiques et religieux ; le centre voulut conserver les positions de l’orthodoxie hégélienne ; la gauche, poussant de l’avant, affirma de nouveau, par la plume de Strauss et de Micheletde Berlin, que Dieu n’est personnel qu’en l’homme. Puis on vil bientôt une extrême-gauche identifier rigoureusement idée et nature, pour revenir aux dogmes matérialistes et athées du xviir siècle. Ses adeptes, Feuerbach, Bruno Bauer, Max Stirner, Arnold Ruge, avec leur devis.' : honio sihi Dois, tentèrent de substituer A tous les cultes la religion de l’humanisme. Les révolutions politiques de 1848 se firent l'écho de ces doctrines radicales : icialisme fit alliance avec l’athéisme, tant en France qu’en Allemagne. L’idéalisme transcendant, arrivé A sa

dernière période il cvill.ilion, avec le pessimisme athée

de Schopenhauer, devait, A la liii, tourner au réalisme le plus effréné, au matérialisme cynique de Moleschott

et de Louis (incliner.

vil. Mouvement kantien et hégélien en France. Une crise analogue l’attendait, vers le même temps, de