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ATHÉISME ET ERREURS CONNEXES. HISTOIRE


tincte de l’être. Mais cet être unique, Parménide le conçoit étendu dans l’espace ; c’est un concept d’être physique et non métaphysique. En tout cas, sa théorie est bien un panthéisme indécis à tendance mystique.

La raison humaine, égarée dans des excès d’empirisme ou d’abstraction, ne retrouva sa voie que le jour où Anaxagore de Clazomènes vint lui dire qu’il y avait, dans la nature, une intelligence qui est la cause de l’arrangement et de l’ordre de l’univers. Ce jour-là, dit Aristote, cet homme parut avoir seul conservé sa raison au milieu de la folie et de l’ivresse de ses devanciers. Un nouveau facteur entrait en équation et devait, en se perfectionnant, donner le jour à la théodicée spiritualiste : c’était la théorie du voû ;. Anaxagore y fut amené de la manière suivante : Ne trouvant pas le moyen d’expliquer par la matière, comme telle, le mouvement en général, et, à plus forte raison, le mouvement ordonné qui a produit une œuvre aussi belle ; d’autre part, ne voulant pas recourir à une nécessité inexpliquée, comme le hasard, il admit l’existence d’un être incorporel, d’une forme organisatrice distincte de l’univers, d’une cause transcendante. Anaxagore dépasse le réalisme de ses prédécesseurs, sans tirer toutes les conséquences du concept d’une cause intelligente distincte de ses effets. Par exemple, il ne s’est pas posé, d’une manière réfléchie, la question de la personnalité ; il a encore, ici et là, des conceptions semi-matérialistes. Mais le grand pas est fait ; la philosophie possède la donnée qui, en passant par les génies de Socrate, de Platon et d’Aristote, et, plus tard, par les docteurs chrétiens, donnera au problème des origines sa pleine lumière. Ainsi trois noms, trois principes résument les premières recherches sur la cause du monde : Démocrite, Parménide, Anaxagore ; l’éternité de la matière, l’unité abstraite, la causalité intelligente. On ne, passera pas ces limites à l’avenir, on devra forcément, dans ces questions, se placer dans l’un ou l’autre de ces moules systématiques.

La période antésocratique s’achève avec les sophistes. Bien qu’on fasse sortir de leurs écoles les premiers athées avérés, poursuivis comme tels parleurs contemporains, on ne saurait assigner à leur athéisme une base philosophique proprement dite : il était sans doute plutôt verbal et pratique. Leur principe était d’ailleurs de rejeter indistinctement toute méthode et toute idée de Système théorique. S’ils ont attaqué les cultes et les croyances religieuses, c’est parce qu’ils les rangeaient parmi les préjugés et les affirmations arbitraires. Protagoras, leur chef, fut accusé d’athéisme à cause de ses ouvrages sur les dieux et fut obligé de quitter Athènes. Cicéron n’en fait cependant qu’un sceptique doutant s’il nui.les dieux, ou non. De natura deorum, 1. 1, c. xi.ii. Diagoras de Mélos, au contraire, est regardé comme le premier qui ait reçu le nom d’athée. Un entêtement d’auteur, une tendresse excessive pour une production de sun esprit l’entraîna dans l’impiété’. Il avail appelé’en justice un poète qui lui avait volé une pièce de vers. Celui ci jura qu il ne lui avait rien dérobé, et peu de temps après, publia sous son propre nom cel ouvrage, qui lui acquit une grande réputation. Diagoras conclut de tout cela qu’il n’y avail pointde providence, point de dieux, et lit des livres pour le prouver. Tout porte à croire que ses arguments étaient surtout d’ordre pratique el portaient sur îles laits analogues à celui que nous venons de raconter.

II. période socratiqub.

A côté de ces grandes

écoles, sorties du mouvement socratique, où le concept

du vous va en se développant, il est étrange de voir se

r des systèmes plus ou moins hostiles à l’idée de

Dieu

L’école cynique, mélange incohérent de doctrine socratique, éléatique, tourne à une libre pensée, en dm

tière religieuse, qui s’approche de l’athéisme for I

dans lequel s’établit, sans aucune honte, Vécule < ; //v naïque, non plus au nom d’une physique matérialiste, mais d’une morale sensuelle des plus grossières et des plus révoltantes.

On nomme, dans cette dernière catégorie de joyeux viveurs, les deux fameux athées, Théodore et Ephémère. Cicéron, De natura deorum, 1. I, c. xlii. Il est souvent fait mention de leur incrédulité et de leur polémique contre les dieux. Sans doute, Théodore ne faisait porter immédiatement ses négations que sur les dieux populaires, mais il n’y ajoutait pas la préoccupation de distinguer ces faux dieux du véritable. A l’école socratique se rattache encore, par Aristote, l’athéisme de Straton de Lampsaque, disciple égaré de la secte péripatéticienne, qui place dans la matière une force organisatrice, mais sans intelligence, une vie intérieure sans conscience ni sentiment, qui devait donner à tous les êtres leurs forces et leurs facultés. Cette force aveugle recevait de lui le nom de Nature, et la Nature remplaçait, à ses yeux, la puissance divine. Cicéron, De natura deorum, 1. I,

c. XIII.

/II. PÉRIODE POST-SOCRATIQUE EN GRÈCE. — Elle débute par l’école d’Épicure. « Ce philosophe, dit Lucrèce, son fidèle interprète, est le premier des humains qui ait eu le courage de s’élever contre les préjugés qui aveuglaient l’univers, et de secouer le joug de la religion, qui, jusqu’à lui, avait tenu tous les hommes asservis sous son empire, et cela sans être arrèlé ni par le respect pour les dieux, ni par la crainte du tonnerre, ni par aucun autre motif. » Un tel éloge fait déjà pressentir l’orientation des idées théologiques d’Epicure. Comme toutes les autres spéculations de ce philosophe, elle a subi l’inlluence directrice de son système de morale. Diogène Laêrce, Vie des philosophes, 1. X, n. 85, 131, 13IÎ. L’éthique épicurienne, on le sait, vise à rendre heureuse la vie humaine en la délivrant des douleurs de l’âme. Or, de toutes ces douleurs morales, la plus redoutable est la crainte des dieux qui, maîtres des éléments, peuvent à chaque instant, dans un mouvement d’humeur capricieuse, enlever à l’homme la fortune, la santé’, et, en tout cas, le calme parfait, cette sérénité confiante qui fait le plaisir du sage. De là, chez Épicure, cette préoccupation de détourner la croyance à la providence et à l’immortalité de l’âme. Il admet bien des dieux, mais il leur enlève toute action possible sur le monde et sur nos destinées. Leur fonction réelle, disaient les anciens, (’tait de protéger le philosophe contre la haine de la multitude. Pour ravir aux dieux leur activité et les ensevelir dans une éternelle indolence, il fallait à tout prix construire une cosmogonie dans laquelle on put se passer de leur concours. Le naturalisme de Démocrite était là pour combler cette lacune, « pour arroser les petits jardins d’Epicure, » écrit spirituellement Cicéron, op. cit., 1. 1, c. xi.ni. Seulement Épicure en retranche l’inexorable nécessité pour enlever tout prétexte à la crainte. Il imagina ce clinamen insensible, ces déclinaisons menteuses, commentitias declinationes, comme les appelle Cicéron, par lesquelles dans un temps indéterminé, l’atome s’écarte lui-même de la parallèle, d’une manière imperceptible, et peut ainsi s’avancer vers d’autres atomes, les rencontrer, rebondir pour en choquer de nouveaux qui ont aussi décliné, et former avec eux l’univers. Réduite à si peu de chose, la déclinaison paraissait quantité négligeable, une sorte d’infinitésimal dont il n’y avait pas à se soucier. Epicure déclare lui-même qu’il a plus à cœur de rendre L’homme heureux que de le tenir au courant des minuties de la science. AristOte, PhyStC., IV, 8 ; Lucrèce,

De natura rerwni, ii, ’2"2l-’21 l 2 ; Cicéron, /’c fato, xi, x. De natura deorum, I. I, c xi.m ; Ravaisson, Essai sur la métaphys. d’Aristote, Paris, 1846, t. ti, p. iH. I.es stoïciens, avec Zenon, rétablissent la croyance à

la l’in. îdence el : i un ordre éternel établi dans le monde : plu de place pour le hasard ; les dogmes du Portique