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ATHANASE (SYMBOLE DE SAINT)

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cite, et que l’on peut supposer à l'évêque de Worcester de bonnes raisons pour n’avoir pas cité la seconde ; d) enfin, que le texte contenu dans les commentaires de Fortunat et de Troyes, s’il peut, en raison de ses lacunes, servir à prouver l’existence d’un développement ultérieur du texte primitif, fournit aussi une preuve péremptoire que, dans la première rédaction, les deux parties, trinitaire et christologique, étaient représentées. — 2° Le second ordre d’arguments n’est pas plus convaincant ; car s’il est vrai que Raban Maur et Éginhard semblent ignorer le Quicunque, leurs contemporains le connaissent, et Alcuin et Paulin d’Aquilée, s’ils ne le citent pas ad verbum, s’en rapprochent du moins singulièrement et pourraient bien s’en être inspirés. Pour l’autorité dont devait jouir le Quicunque, même sous le nom d’Athanase, il est difficile de la définir au juste. Son usage, dans la liturgie, était tout local, et on l’a considéré sans doute d’abord plutôt comme un chant d'église que comme un symbole authentique, marchant de pair avec celui de Nicée par exemple. Ajoutons que si ses principes (articles 32-35) condamnaient d’avance l’adoptianisme espagnol, comme le faisaient d’ailleurs ceux de saint Augustin et de saint Ambroise, il ne fournissait pas contre cette hérésie de trait direct. — 3° Quant aux observations de M. Harnack, il est exact que le Quicunque n’a pas été rédigé, comme le symbole des apôtres ou celui de Nicée, dans une unité littéraire et organique qui en maintienne intimement liés les divers énoncés : Credoin Deum… et in lesiim Christum…etin Sfriritum Sanctum ; mais c'était là une conséquence nécessaire du développement donné aux doctrines trinitaire et christologique, et surtout de la forme sentencieuse adoptée pour les formuler : on n’en saurait rien conclure contre l’unité de composition. Nous avons d’ailleurs de ce même procédé un exemple analogue et frappant : c’est celui de la Fides Romanorum attribuée à saint Damase, et qui est plutôt de saint Phœbade d’Agen' (f c. 392). Les deux parties qui regardent la trinité et l’incarnation sont si peu jointes ensemble dans la rédaction, que plusieurs manuscrits ont mis un Explicit à la fin de la première, pour commencer ensuite la seconde avec le titre Incipit ejusdem sermo. V. Burn, op. cit., p. 61, 62. A-t-on le droit cependant de dire que l'écrit n’est pas d’un seul jet ? Nullement. Et pas davantage pour le Quicunque. Dans celui-ci la fides catholica de l’article 3 s’applique aussi bien à la deuxième qu'à la première partie du symbole. Divisons cet article, et mettons, par la pensée, un primo après hsec est ; qu’estce qui peut nous en empêcher ?

On n’a donc pas apporté, croyons-nous, contre l’unité de composition du Quicunque, de preuve qui l'ébranlé sérieusement. Est-ce à dire que, depuis son origine, le teste n’en a subi aucun développement ? Je n’oserais l’affirmer, alors que le symbole des apôtres lui-même a connu ce genre d’altération. Le commentaire de Fortunat, qui représente peut-être la plus ancienne forme du Quicunque, offre, comme on l’a vii, des lacunes importantes. Ouelques-unes s’expliquent sans peine ; d’autres omissions, celle surtout des articles 20-22, se comprennent moins bien, et il est prudent, semble-t-il, de ne pas donner ici une solution trop radicale. Des énumérations comme celles des versets 8, 9, 10, 15, 17 pouvaient aisément être multipliées même par de simples copistes. Bans que le fond doctrinal fut d’ailleurs modifie.

IV. Origine.

L’origine du Quicunque sérail immédiatement Bxée dans le temps et l’espace, si nous pouvions nommer son auteur. Ne le pouvant pas, au moins directement, force nous est d’en rechercher séparément h date approximative et la patrie, rétrécissant ainsi le champ îles hypothèses, et déterminant, sinon un écrivain, du moins un groupe d'écrivains à qui l’on doive vraisemblablement attribuer.

Mais d’abord il faut écarter sur cet auteur les opinions

certainement fausses. De ce nombre est, sans conteste, l’opinion, régnante jusqu'à Vossius (1642), qui a vu dans le Quicunque l'œuvre de saint Athanase. Cette conclusion étant de celles qui ne se discutent plus, je ne m’y arrête pas davantage. On peut seulement se demander pourquoi notre symbole porte le nom du grand évêque d’Alexandrie, et la réponse est aisée, si l’on remarque que ce nom est intimement lié non seulement au triomphe de la doctrine du consubstantiel, mais aussi aux premières luttes christologiques de l’apollinarisme. La doctrine de l’incarnation, en réalité, ne doit guère moins à saint Athanase que celle de la trinité. — Bien plus, loin d'être l'œuvre de saint Athanase, le Quicunque n’appartient même pas à l'Église grecque. Les Grecs ne l’ont connu que fort tard, et les textes qu’ils en possèdent, peu concordants entre eux, présentent tous les caractères de traductions. Voir P. G., t. xxviii, col. 1579, 1581, 1585, 1587, où l’on trouvera quatre de ces traductions éditées par Montfaucon. Cf. Caspari, Quellen zur Geschichle des Taitfsymbols, t. iii, p. 263-267. Que l’on remarque maintenant l’affirmation catégorique, bien que discrète, de la procession du Saint-Esprit a pâtre et filio (a. 22), l'égalité rigoureuse maintenue, non seulement dans les termes, mais dans tout le ton du symbole, entre les trois personnes divines, l’absence de l’itiDOvaioç et, comme nous le verrons tout à l’heure, le cachet augustinien de toute cette théologie ; ce sont là des indices infaillibles qui ne sauraient nous tromper, et qui, indépendamment de ce qui nous reste à dire, devraient nous empêcher de voir dans le Quicunque un produit de l'Église orientale.

C’est donc chez les latins qu’il en faut chercher la patrie et l’auteur. Voyons d’abord à quelle date.

I. date.

Nous ne trouvons, avant le Ve siècle, aucune trace du Quicunque : En revanche, nous voyons, clans notre symbole, l’apollinarisme clairement visé' et condamné au verset 30 ; et dans les versets 8-18 ce symbole emprunte si visiblement les procédés de style et les expressions mêmes de saint Augustin (voir plus loin), qu’il faut nécessairement supposer qu’il lui est postérieur ou contemporain. N’oublions pas, d’ailleurs, que c’est le grand évêque d’Hippone qui, le premier, a formulé nettement la procession du Saint-Esprit a pâtre et filio, et en a, par son autorité, rendu dans l'Église latine la doctrine universelle. Tout ceci nous reporte, pour la composition du Quicunque, aux années 420-430 au plus tôt. — Maintenant les articles 32-35 ne nous obligent-ils point, à descendre plus bas. après le premier éclat des hérésies nestorienne et eutychéenne qui semblent y être en cause ? M. Burn, loc. cit., p. lxxiv, suivant ici Waterland, p. 144, ne le pense pas.' Il croit qu’une préoccupation antiapollinariste suffit à expliquer ces versets, surtout le verset 34. Il ne voit, dans tout ce passage, rien qui aille expressément contre ces hérésies ; et j’avoue que si l’on veut s’en tenir uniquement à la doctrine et aux expressions qui la traduisent, on trouve, en effet, celles-ci tout entières déjà dans saint Augustin, sans aucune vue ultérieure sur Nestorius ou Eutychès. Voyez., par exemple, Enchiridion, xxxv, /'. L., t. XL, col. 250 ; in Joa., tr. XXVII, 4, t. xxxv. col. 11117 ; Serni., ci.xxxvi, 1, t. xxxviii, col. 999 ; Epiai., cxt.. c. iv, n. 12, t. xxxiii, col. 542, 543. L'évêque d’Hippone a employé, lui aussi, pour éclairer l’union du Verbe et de l’humanité en J.-C, l’exemple de l’union du corps et de l'âme en nous. Epiât., oxxxvii. c. ni. n. II. t. xxxiii, col. 520 ; In.loa., tr. XIX. 15. t. xxxv. col. 1553. Cela est vrai ; mais, si les seuls écrits de saint Augustin peuvent expliquer le fond et la forme du développement christologique du Quicunque, ils ne suffisent pas à expliquer l’existence de ce développement lui-même, et pourquoi l’auteur l’a introduit ici. Four que cet auteur ait jugé indispensable d’insister sur ce point, et de nous due solennellement, comme il l’a fait pour la trinité :