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ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE

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tout cas, ce n’est pas ce texte obscur et isolé qui peut créer non seulement une certitude, mais même une probabilité solide. Voir dans Le Camus, Les sept églises de l’Apocalypse, Paris, 1896, p. 131 sq., une discussion serrée qui conclut, d’après l’inspection du texte et des lieux, au rejet de la prétendue tradition éphésienne. — L’opinion actuellement la plus commune veut que la sainte Vierge soit morte et montée au ciel à Jérusalem. Elle s’appuie principalement sur des témoignages des VIe, VIIe, viiie siècles. Voir plus bas. Cf. Nirschl, Das Grab lier heiligenJungfrau Maria, Mayence, 1896. Pour être un peu tardifs, ces témoignages ne sont pas dépourvus de valeur. Ils en auraient encore davantage, s’ils émanaient d’écrivains dont le sens critique n’aurait eu aucune défaillance dans la question. Malheureusement, plusieurs d’entre eux ont puisé à des sources suspectes des détails visiblement légendaires sur la mort et l’assomption de Marie. Ce n’est d’ailleurs pas le lieu d’exposer ces légendes. On en trouvera un bon résumé dans Le llir, Éludes bibliques, Paris, 1869, t. il, p. 148-185, avec une étude sur leur origine, leur valeur et leur développement littéraire. Voiraussi Th. Zahn, Die Dormitio sanctse Virginis, dans la Neue kirchl. Zeitschrift, t. x, fasc. 5. Cf. Revue biblique, 1899, t. viii, p. 141-144, 593-600. Trois de ces textes ont été publiés par Tiscbendorf, Apocalypses apocryplise, Leipzig, 1866, p. 94-136. Voir Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1858, t. il, col. 503542. D’autres apocryphes, relatifs au trépas et à l’assomption de Marie, ont été édités depuis. Sur leur groupement voir Bonnet, Bemerkungen i’tber die àllesten Schriflen von der Himmelfahrt Maria, dans la Zeitschrift fur wisscnschaftliche Théologie, 1880, p. 222247.

La date de l’assomption est encore moins certaine que le lieu où elle s’est accomplie. Baronius lui assigne l’année 18, mais il a soin de nous dire « qu’il n’attache à cette date aucune importance et qu’elle est à ses yeux purement hypothétique. Dans cette hypothèse, la sainte Vierge était âgée de soixante-neuf ans environ, lorsqu’elle monta au ciel. D’autres Pères pensent qu’elle avait de soixante-douze à soixante-quinze ans. Mais, nous le répétons, il est impossible d’appuyer un calcul quelconque sur un fondement certain » . Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 1136.

Hâtons-nous d’ajouter que cette incertitude relative où nous sommes sur les circonstances de l’assomption, n’atteint en aucune manière le fait lui-même, malgré l’extrême pénurie des documents pour les premiers siècles et les quelques hésitations postérieures dont nous allons parler.

II. Histoire de la doctrine. C’est seulement dans la seconde moitié du VIe siècle qu’on trouve les premiers documents historiques attestant la croyance à l’assomption corporelle (le la sainte Vierge. Il y a bien, dans les siècles antérieurs, un certain nombre d’apocryphes qui la mentionnent, ou plutôt la racontent avec de longs détails. Mai- ; il est difficile de discerner les éléments historiques que ces écrits légendaires peuvent contenir ; et ce n’est pas sans raison que la tradition ecclésiastique, prise dans son ensemble, les a tenus à l’écart, et que l’un d’entre eui spécialement, le plus célèbre de ton-. Liber traruitus [assumplionis] sanctw. Mariw, P. G., t.v, col. 1233 sq., tut condamné par le décret dit de saint (élise. Voir Gela.se. Non seulement ces apocryphes ne sont pas le fondement sur lequel s’appuie la doctrine Catholique de l’Assomption, mais ils inspiraient en général une telle défiance, que certains auteurs ecclésiastiques, craignant de paraître l< ur emprunter la substance même authentique des faits qui > sont contenus, tombèrent dans un autre excès regrettable, en préférant se taire, , Il confesser leur ignorance sur la réalité même du mystère. Heureuse fut l’exception, et une exception tardive, (pu n’apparaît qu’à la fin du vin* se plus de cent ans après l’épanouissement du culte de l’assomption et de la croyance traditionnelle.

En effet, dès le VIIe siècle au moins, l’Eglise presque tout entière, en Orient et en Occident, célébrait la fêle de l’Assomption. A Rome, le pape Sergius (687-707) ordonnait une procession solennelle le jour de la fête : Constituit ut diebus Adnuntiationis Domini, Dormi noms et Nativitatis sanct.r. Dei genetricis semperque Virginis Mariæ. .. letania exeat a sancto Hadriano et ad sanctam Mariant popidus occurat. Liber pontificalis, P. L., t. cxxviii, col. 898 ; édit. Duchesne, t. i, p. 376. Et remarquons que cette fête n’est pas présentée dans le Liber comme d’institution récente, ce qui permet de croire qu’elle existait depuis quelque temps, peut-être même dès le pontificat de saint Grégoire le Grand. En Gaule, nous savons qu’on célébrait une fête solennelle, précédée d’une vigile, en l’honneur de la Vierge, vers le milieu du mois de janvier ; et Grégoire de Tours, qui nous fournit ce renseignement, dit assez clairement qu’il s’agissait de l’Assomption : Maria vero gloriosa genilrix Christi…angelicis choris canentibus, in paradisum, Domino prœcedente, translata est… Ifajvs festivitas sacra mediante mense undecimo celebratur… Adveniente auteni hac festivitate, ego ad celebrandas vigilias accessi. De gloria martyr., Mirac., . I, c. ix, P. L., t.LXXi, col. 713. L’ensemble du passage ne peut convenir qu’à l’assomption corporelle de la sainte Vierge. En Orient, l’historien Nicéphore Calliste nous apprend que l’empereur Maurice (582-602), contemporain et ami de saint Grégoire le Grand, ordonna de célébrer solennellement cette fête le 15 août, H. E., 1. XVII, c. xxviii, P. G., t. cxlvii, col. 292 ; « ce qui n’empêche pas, dit avec raison Tillemont, qu’on en fit dès auparavant quelque solennité. » Mémoires, etc., Paris, 1693, t. i, Notes sur la sainte Vierge, n. 18, p. 476. Cf. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, p. 318. On a signalé récemment l’existence à Antioche d’une fête de la sainte Vierge qu’on célébrait, paraît-il, dès la lin du IVe siècle, plus de cinquante ans avant le concile d’Ephèse. Voir Ant. Baumslark, dans la Rômische Quartalschrifl, 1897, p. 55-56. Cette fête était intitulée Mvi, |j.Y| tïjç àyi’a ; Œoxdxou y.a’i à£ntap0£vou Mapia ;, « mémoire de la sainte et toujours vierge Marie, Mère de Dieu. » Tout porte à croire que cette fête rappelait le souvenir de la mort de Marie. S’il était démontré qu’elle avait également pour objet l’assomption corporelle, nous aurions là une attestation précieuse, et d’une très haute antiquité, en faveur de cette doctrine. Malheureusement, il paraît difficile de faire celle démonstration. Autre chose, en effet, est l’existence d’un simple anniversaire, analogue, en soi, à celui des martyrs et des saints en général, et autre chose, l’existence d’une fête comme la Dormilio, dont le sens traditionnel, parfaitement établi, implique la croyance à l’assomption proprement dite.

L’influence de la littérature apocryphe se fit sentir, par voie de réaction, en Occident, vers la fin du vin 8 siècle, ou au commencement du ix". On vit circuler, sous le nom de saint Jérôme, un écrit intitulé Epistolaad Paulam et Eustochium, dont l’auteur met le public en garde contre les assertions de l’ouvrage apocryphe Dr transitu Virginis : niforte si venerit in m anus rentras illud apocryphum, dubia pro certis recipiatis. Et il ajoute : Il ; rr iddrco dùcerim, quia multi nostrorum dubitant utrum assumpta fuerit simul cum corpore, an abierit relicto corpore. Quomodo autrui, vel quo tempo re, mu a quibus personis sanctissimum corpus ejus indeablatum fuerii ici ubi transpositum, utrumne resurrexerit, ui’sitiin-. /’./.., t. xxx, col. 122, 123. La lettre du pseuilo-.lei oiue, désignée aussi sous le nom, 1e Lettre du pseudo-Sophrone, parce que le i" le dictin Martianav l’attribua-n ne Sophrone, ami de saint Jérôme, Upera sancti llicronymi, édit. Mar-