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ASCÉTISME


cessaireà tout chrétien pour acquérir la vertu et tendre à la perfection, qu’est-ce autre chose que le renoncement évangélique, comme il a été précédemment défini ?


2° Une deuxième raison d’être du renoncement évangélique, c’est, pour tout chrétien, le devoir de suivre les exemples de Jésus-Christ, dont la vie tout entière, depuis la crèche jusqu’au Calvaire, n’est qu’un renoncement et un sacrifice continuels. Être chrétien, c’est imiter Jésus-Christ ; vivre en parfait chrétien, c’est se conformer en tout aux exemples de Jésus-Christ. Matth., x, 38, xvi, 24 ; Marc, viii, 31 ; Luc, ix, 23 ; xiv, 27, 33 ; Rom., VI, 3-23 ; viii, 17, 29 ; Gal., III, 27 ; Eph., IV, 2432 ; Col., iii, 10, 12 ; I Pet., Il, 21. Or, ce qui est le plus manifeste et le plus caractéristique dans la vie de Jésus-Christ, c’est le renoncement constant, universel, absolu, qu’il pratique par amour pour nous, et qu’il porte à sa suprême perfection parle sacrifice de la croix. Ps.xxi ; xxxix, 7, 8 ; Is., un ; Luc, xii, 50 ; Joa., x. 11, 18 ; Hebr., ix, 11-28 ; x, 5-14. Cette immolation volontaire pour l’humanité coupable est le but principal de sa venue sur la terre ; c’est son œuvre principale en ce monde ; aussi dès que cette sublime mission reçue de son Père est entièrement remplie, il quitte ce monde, après s’être rendu le suprême témoignage que tout est consommé. Joa., xix, 30. Cf. Bossuet, Sermon sur la nécessité des souffrances, Œuvres complotes, Paris, 1836, t. i, p. 498.

Le chrétien parfait doit donc imiter cet amour de Jésus pour le renoncement sous peine de n’être point reconnu par son Maître comme un fidèle disciple. Matth., x, 38 ; Rom., viii, 17 ; Hebr., xii, 1, 2 ; I Pet., H, 21. S’il aime véritablement Jésus-Christ, il ne s’arrêtera point à ce qui lui est strictement commandé, il ne se contentera point de souffrir avec résignation toutes les peines ou épreuves qui lui sont envoyées par la divine providence. Il s’imposera lui-même, autant que la prudence chrétienne le lui permet, des souffrances qui lui donneront une conformité plus grande avec le divin Sauveur. De imitatione Christi, 1. II, c. xi, xii ; S’« Thérèse, Le château intérieur, septième demeure, c. iv ; Œuvres, Paris, 1859, t. iii, p. 560 sq. Or, cette vie de soull’rances, acceptée par amour pour Jésus et pour l’imiter plus parfaitement, qu’est-ce, sinon la pratique du renoncement évangélique sous sa forme la plus noble ?

3° Une troisième raison d’être du renoncement évangélique, c’est sa valeur particulièrement méritoire et satisfactoire pour nous-mêmes et pour le prochain. Comme cette vérité n’est point acceptée par la théologie protestante, cf. Realeucgeklopâdie fur protestantische Théologie und Kirche, Leipzig, 1896, à l’article Askese, par li. Seeberg, il est nécessaire que nous montrions la place qu’elle tient dans l’enseignement catholique, sans que nous ayons, cependant, à démontrer ici les principes dogmatiques sur lesquels elle repose.

I.C’est une vérité de foi que tous les actes accomplis pour Dieu par une âme en possession de la grâce sanctifiante, peuvent lui mériter la récompense éternelle et les dons surnaturels nécessaires ou utiles pour y parvenir. Concile de Trente, sess. VI, can. 32. Il est également certain que nous ne pouvons mériter pour autrui. du moins en ce sens qu’il convient a la libéralité divine icor les supplication^ des âmes qui lui sont unies par la charité. Mais ce résultat n’est point infaillible, car Dieu’.i changer, par une sorte de

miracle, l’ordre habituel de sa providence, pour toucher, par des moyens exceptionnels, la volonté d’un ur obstiné dans |e mal. S. Thomas, Su » i. theol. ! II", q. CX1V, a. 6 ; II=> II » , q. i.xxxui, a. 7, ad 2° » , point.i réfuter i< i la thé te contraire) outenue par les protestants..Vous remarquerons - ulement qu elle découle de cette supposition affirmée, mai non prouvée, que l’homme, par suite du

péché originel, n’a plus aucune liberté véritable, qu’il ne reçoit, par la justification, aucun principe intérieur

de vie surnaturelle et qu’il ne peut, en conséquence,

produire, dans l’ordre surnaturel, aucune action véritablement sienne, digne d’une récompense proportionnée, c’est-à-dire d’une récompense surnaturelle. Si l’on admet, avec la doctrine catholique, que l’homme n’a point perdu, par le péché originel, sa liberté naturelle et que la grâce sanctifiante lui est donnée comme principe intérieur de vie pour produire, dans cet ordre, des actes véritablement libres et personnels, bien que faits avec le secours de la grâce, on devra conclure que rien ne s’oppose à ce que de tels actes soient méritoires, suivant leur nature et suivant la fin à laquelle ils tendent, c’est-à-dire méritoires de la récompense éternelle et des grâces qui y conduisent. S.Thomas, Sum. theol., IMI*, q. exiv, a. 1-3.

2. Si l’on admet, avec saint Thomas, que l’amour divin est, dans les actes des âmes justes, la cause immédiate de leurs mérites, on doit conclure que ces méritessont d’autant plus considérables que l’amour divin est plus intense. S. Thomas, Sum. theol., I » IL, q. exiv, a. i.

Sans doute un amour très intense peut animer des actions en apparence minimes ; mais, toutes choses égales, la grandeur objective du sacrifice offert à Dieu suppose et en même temps manifeste, dans l’acte lui-même, une plus grande intensité de l’amour divin, suivantl’enseignementdesaint Thomas : Martyrium autem inter omnes actus virtuosos maxime demonslrat perfectionem charitatis : quia tanto magis ostenditur aliquis aliquam rem aniare, quanto pro ea rem magis amatam comtemnil, et rem magis odiosam eligit pâli. Sum. theol., IIa-IIæ. q. cxxiv, a. 3. Aussi, d’après le même docteur, magnitudo laboris pertinet adaugmeutum meriti. Sum. theol., Ia-IIæ, q. extv, a. 4, ail 2’"".

En ce sens, on doit attribuer une grande valeur méritoire objective aux actes de renoncement qui sont, par leur nature même, des actes pénibles, exigeant de notre part un sacrifice parfois très considérable, surtout quand il est renouvelé fréquemment ou même incessamment continué’.

3. Il est également certain, suivant la doctrine catholique, que toute âme juste peut offrir à la justice divine une véritable satisfaction pour les peines temporelles qui restent souvent à expier après la réception de la grâce sanctifiante. Concile de Trente, sess. XIV, c. viii et can. 12-14. On peut aussi, en dirigeant son intention, faire bénéficier de ces satisfactions, le prochain qui est en état de grâce. S. Thomas, Sum. theol., Supplem., q. XIII, a. 2. Pour qu’une action puisse être ainsi satisfactoire, il faut qu’elle puisse être considérée comme ayant le caractère d’une peine, soit par sa nature même, comme tous les actes de mortification extérieure ; soit à raison des difficultés qu’elle présente à notre faible nature, comme la prière et. en général, les actes du culte religieux ; soit à cause des sacrifices qu’elle demande, comme l’aumône et les autres actes de charité’spirituelle et corporelle. S.Thomas, Sum. theol. Sup plem., q. xiv, a. I, 3.

Il n’est point nécessaire, cependant, que l’ons’imposc volontairement cette peine ; il suffll qu’elle soit acceptée avec résignation et amour : en □ les épreuves el

les calamités, envoyées ou permises par la divine pro vidence, peuvent être l’occasion d’oeuvres satisfactoires. Concile de Trente, sess. ! Y. c. " ; S. Thomas, Sum. theol., Supplem., q. xv. a. 2.

Sans réfuter ici la thèseproti tante opposée à la doctrine catholique, observons seulement qu’elle reposi sur ces deux propositions inadmissibles, que la justill cation comporte toujours la rémission totale et absolue de toute peinedue au péché pardonné, el que, d’ailleur tisfaction, comme le mérite, est l’œuvre exclusive ment personnelle de Jésus-Cl rist cause unique et totale