Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 1.2.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée
2049
2050
ASCÉTIQUE


l’esprit de Dieu, et bien clignes d’attention, puisque, depuis les premiers siècles jusqu’à l’époque contemporaine, elles ont dirigé la vie religieuse dans l’Église. Elles ont sans doute grandement contribué au bien général de l’Église, en conduisant à la perfection des âmes d’élite qui ont eu, sur leur entourage et même sur leur époque, une inlluence considérable. Mais quelle qu’ait été cette inlluence, des œuvres de ce genre n’en restent pas moins des œuvres spéciales qui demandent à être étudiées à part.

Parmi les œuvres ascétiques qui ont eu sur la vie chrétienne dans l’Église une profonde et durable influence, nous mentionnerons particulièrement les suivantes.

I. l’imitation de jésus-cijmst. — Ce livre, à raison de l’estime universelle dont il a toujours joui dans toute l’Église, a un droit spécial au respect et à la vénération de tous les fidèles. Aussi son enseignement ascétique doit-il être considéré comme conduisant en toute sécurité à la perfection chrétienne.

Les principales notes caractéristiques de cet enseignement sont :

1 » D’être essentiellement pratique. On n’y trouve point de thèse doctrinale empruntée à la théologie positive ou scolastique, bien que l’auteur, toujours irréprochable dans sa doctrine, se montre bien au courant de l’enseignement théologique et philosophique de son temps. On ne rencontre point non plus les profondes théories mystiques d’un Hugues de Saint-Victor ou de saint Thomas, quoique l’auteur n’ignore ni les faveurs spéciales faites par Dieu aux âmes contemplatives, ni les épreuves si pénibles qui précèdent ces divines faveurs. Il se contente d’y faire allusion au point de vue immédiatement pratique. Ainsi au 1. III, c. v, la description des admirables effets de l’amour divin ne paraît guère convenir, dans tout son ensemble, qu’à la merveilleuse charité produite dans l’âme par la contemplation extraordinaire ; et au 1. II, c. ix, l’exilium cordis semble répondre à la nuit obscure de saint Jean de la Croix. Le pieux auteur s’est proposé un but plus accessible à toutes les âmes qui veulent tendre à la perfection : s’unir à Jésus-Christ par une vie fervente entièrement animée de son amour ; et dans ce but, lutter généreusement contre soi-même, pour maîtriserses inclinations et les courber entièrement sous le salutaire de toutes les vertus, dont Jésus nous a i é l’exemple. Mortification et abnégation, pratique des vertus chrétiennes, union constante avec Jésus-Christ ; tout se ramène à ces trois points qui comprennent toute l’ascétique et conviennent à toutes les âmes.

2° L’enseignement de l’Imitation, quoique particulièrernenl adressé à des moines, peut s’adapter facilement à tous les états de vie et à toutes les circonstances particulières dans lesquelles une âme peut se trouver. Que ce livre ait été composé spécialement pour des moines, es nous le démontrent évidemment ; plu-Bieurs chapitres même n’ont guère que cet objet immédiat, p.u’exemple 1. I, c. îx, xvii-xx. Cependant l’en-il est donné avec une si profonde connaissance du cœur humain et avec une si sage pondération, qu’il avec quelques modifications faciles à suppléer, s appliquer à toute âme chrétienne, dans les différentes situalions on elle peut se trouver.

3° I. enseignement ascétique de l’Imitation rellète constamment une tendance que l’on peut appeler principalemenl affective. La pratique de l’amour de Dieu est

ne la note dominante de tout l’ouvrage, depui paroles du chapitre i". Vanitas vanilalum et omnia vanilas pi elei amara Deumet illi solisenire, jusqu’au livre IV qui est entièremi ni pénétré d’un ardent amour envers Jésus dans la sainte eucharistie. <)n connaît les râbles c. vii, vin du I. II, et le c. V du I. III, où l’amour divin est si fidèlement dépeint. Cette tend affective i remarquable est une des cm -es de ce charme

D1CT. lit THÉOL. CATHOL.

particulier que l’on éprouve à la lecture de l’Imitation.

On a reproché à l’auteur de l’Imitation trop peu d’estime, sinon même quelque hostilité pour Loute science, et en particulier pour la scolastique de son temps. Par un examen attentif de toute sa doctrine, on voit clairement qu’il ne fait que répéter l’enseignement de saint Paul contre la fausse science, I Cor., VIII, 1, en y ajoutant la condamnation de cette scolastique de la décadence dont Melchior Cano a si énergiquement flétri les abus.

On a récemment encore reproché à l’Imitation une préoccupation trop exclusive du salut individuel, qui fait presque oublier l’obligation, cependant si importante, de l’apostolat et des œuvres de charité. C’est perdre de vue le but très spécial de ce livre, immédiatementdestiné aux moines, vivant dans la solitude et le recueillement de leur monastère. Mais n’est-il point facile à une âme chrétienne, à un catholique zélé, à un homme d’œuvres, à un prêtre, de suppléer, pour son usage personnel, les applications particulières qui ne rentraient pas dans le cadre immédiat de l’auteur ? Du principe de l’amour divin si admirablement décrit dans beaucoup d’endroits, n’est-il point facile de déduire les devoirs qui s’imposent à chacun, suivant sa condition et sa situation, d’après la parole du divin Maître : Sidiligilis ma, mandata measervate. Joa., xiv, 15.

II. LES ŒUVRES SPIRITUELLES DE SAINTE TBÉItÈSE. —

1° Le premier caractère de l’enseignement ascétique de sainte Thérèse est d’êlre spécialement destiné aux âmes appelées à la vie contemplative. C’est dans ce but que la sainte fondatrice explique avec soin comment on doit se préparer à la réception toute gratuite des faveurs divines, en éloignant de son âme les obstacles les plus habituels. C’est encore dans ce but qu’elle indique en détail les différentes sortes d’oraison ou contemplation extraordinaire, les dispositions que l’on doit y avoir, les peines et les difficultés que l’on peut y éprouver, la conduite que l’on doit y tenir et les faveurs inestimables que Dieu y communique si abondamment. — 2° Cet enseignement si relève 1, fruit de l’expérience personnelle des communications divines les plus extraordinaires, a puissamment contrihuéau développement de la science mystique, en donnant une classification plus nette des différentes sortes d’oraison extraordinaire, en complétant la description particulière de chacun de ces étals, et en traçant les règles pratiques les plus propres à diriger les âmes contemplatives dans chacune de ces phases. L’influence de cet enseignement de sainte Thérèse s’est surtout fait sentir dans l’admirable école mystique du Carmel qui, du xvi* au xville siècle, a produit de remarquables traités de mystique. — 3° £n même temps que les écrits de sainte Thérèse oui fait avancer la science mys tique, ils ont aussi produit d’admirables fruits de sain teté dans l’ordre du Carmel, dans les autres communautés religieuses, et même dans l’Eglise entière. Ils soni imprégnés d’un tel amour pour Dieu, d’une si grande estime pour la perfection et d’une sagesse si céleste, qu’une âme bien disposée ne peut les lire sans éprouver au moins un peu de celle ardeur pour les choses célestes. —’r Une autre note caractéristique de l’enseignement de sainte Thérèse, c’est un zèle ardent pour le salul des âmes, et l’insistance avec laquelle elle prie et fait prier continuellement, pour les ministres de Dieu, occupés aux nobles m. lis périlleux labeurs de l’apostolat. Cf. Chemin de la perfection, c. ni. A la lumii re de cel en «  seignement, on comprend mieux le rôle social des ordn s contemplatifs ; on.i aussi une intelligence plus complète de la véritable source de 1 1 fficac té de l’apostolat, ainsi quides conditions sans lesquelles cette efficacité ne p. -ut -, produire. En fait, le ri sullat de cel enseignement parait avoir été considérable dans l’Église, en orientant vers I apostolat, d une manière pludirecte et plus habituelle, las préoccupations de » ordres contemplatifs.

i. - 65