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ASCÉTIQUE


chrétienne. Rouquillon, Theologia moralis fundamentalis, 2e édit., Bruges, 1890, n. 5 ; Aertnys, Theologia moralis, 5e édif., Paderborn, 1898, proœm, p. x.

3° Ce qui caractérise particulièrement l’ascétique, c’est qu’elle n’est point une science simplement théorique, expliquant la nature de la perfection au point de vue spéculatif ou dogmatique, mais une science pratique, exposant surtout les moyens à employer, les obstacles à éviter et la direction à suivre, pour arriver à ce but suprême de la perfection, auquel toute la vie humaine doit être subordonnée.

En analysant sommairement les grandes divisions de l’ascétique, nous verrons bientôt quels sont les principaux moyens pratiques qu’elle recommande, pour chacun des degrés ou chacune des phases de la vie spirituelle. Avec cette direction pratique, l’ascétique reste cependant une science et une science théologique, parce que ses règles et ses recommandations sont déduites de principes immédiatement fournis par la révélation, dans le sens délini précédemment.

4° La pratique de la perfection chrétienne, ainsi comprise, est l’objet de l’ascétique, seulement dans la mesure où les actes qu’elle inspire sont faits avec le secours ordinaire de la grâce, sans que l'âme s'élève, même d’une manière passagère, jusqu’aux sublimes hauteurs de la contemplation extraordinaire. Sans définir ici la contemplation extraordinaire qui appartient à la mystique (voir Contemplation), nous signalerons les deux notes caractéristiques qui la distinguent de la contemplation ou oraison commune :. une perception tout intime et bien certaine d’une présence très spéciale de Dieu, communiquant à l’intelligence des lumières extraordinaires, et à la volonté un amour et une joie indicibles qui sont, sur la terre, le plus parfait avant-goût du bonheur du ciel ; 2. une suspension, complète ou seulement partielle, des actes de l’intelligence, de la mémoire, de l’imagination et même des sens extérieurs, qui pourrait empêcher la volonté de jouir, dans une paix parfaite, de cette ineffable présence divine.

Toute oraison ou contemplation qui n’est point accompagnée de ces deux notes caractéristiques, quelle que soit sa perfection et quels que soient ses eifets, ne dépasse point l’oraison ordinaire ou acquise. Elle relève ainsi de l’ascétique, qui ne s’occupe que des voies ordinaires de perfection, tandis que la mystique se réserve l'étude des voies extraordinaires. Ainsi se trouvent nettement délimités les domaines respectifs de ces deux sciences, suivant la division communément adoptée aujourd’hui. Cette distinction, il est vrai, n'était point faite par les anciens théologiens ascétiques, qui, sous le seul nom de théologie mystique, traitaient tout ce qui appartient aux voies ordinaires et extraordinaires de la perfection chrétienne. Mais la différence entre ces deux modes d’opération de la grâce divine leur était bien connue ; c’est le point essentiel Cette distinction fondamentale une fois établie, on ne doit attacher qu’une imporlance secondaire à cette question subsidiaire : Y a-t-il lieu de considérer l’ascétique et la mystique comme deux parties bien distinctes de la théologie, ou bien la mystique n’est-elle vraiment qu’un chapitre de l’ascétique, nt le plus beau et le plus profond, où l’on étudie les merveilleuses manifestations de l’amour divin à ni de quelques âmes privilégiées ? On doit cependant reconnaître les avantages de la distinction adoptée actuellement : elle facilite une classification plus nelte d’oraison ordinaire et extraordinaire, et elle bit mieux ressortir le caractère tout spécial des faveurs dées par Dieu dans les états mystiques.

II. PR1NC1PBS IMMÉDIATS SUR LESQUELS IŒPUSE L’ASi / ; TKjl I I I MÉTIIODEQl i : L’ON > liDll OBSERVER. — I. 8 i il-', tant une science théologique, doit être I principalement sur l’autorité de la révélation, telle qu’elle nous est manifestée dans les saintes Ecritures et propo sée par la tradition catholique ou par l’enseignement de l'Église. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 8. — L'Écriture sainte nous fait connaître la doctrine de JésusChrist sur la perfection, doctrine rappelée par les apôtres, particulièrement par saint Paul. C’est à cette source divine que les Pères et les théologiens ascétiques ont principalement puisé leurs enseignements. Dès les premiers siècles, les anachorètes et les moines en avaient fait l’objet le plus habituel de leurs méditations ; aussi l’enseignement ascétique oral ou écrit, de toute cette époque, en est-il profondément pénétré. Un des premiers législateurs des moines, saint Basile, dans ses Etliica, emprunte textuellement au Nouveau Testament 80 règles morales appliquées à tous les devoirs de la vie chrétienne ou destinées particulièrement aux évêques, aux prêtres et aux diacres. Dans ses autres ouvrages ascétiques, particulièrement dans ses règles monastiques, le saint docteur appuie toujours sa doctrine sur l’autorité de l'Écriture. L’exemple de saint Basile a été suivi par les Pères et les écrivains ecclésiastiques des époques subséquentes ; nous mentionnerons particulièrement saint Nil dans ses Lettres spirituelles, Cassien dans ses Conférences, saint Jean Climaque, saint Grégoire le Grand, saint Bernard et l’auteur de l’Imitation.

A l’autorité de l'Écriture se joint l’enseignement formel de l'Église, condamnant ou réprouvant quelque erreur dangereuse pour la piété des fidèles. En ce genre, on doit surtout citer les 28 propositions d’Eckhart (voir ce mot) condamnées par Jean XXII en 1329, les 68 propositions de Molinos (voir ce mot) condamnées par Innocent XI le 20 novembre 1687, et les 23 propositions condamnées par Innocent XII (voir ce mot) le 12 mars 1699. Mais l’obligation du catholique ne s’arrête point à cet enseignement formel de l'Église ; elle doit aussi s’appliquer à ce qui est constamment et unanimement enseigné par les théologiens comme intimement lié avec la révélation. Ainsi en est-il particulièrement de cette proposition : Jésus-Christ lui-même a établi l'étal religieux, du moins en ce qu’il a d’essentiel.

En dehors de ce cas assez rare, l’enseignement des théologiens ascétiques ne s’impose point obligatoirement à notre adhésion. Cependant toutes les fois qu’il s’agit d’un enseignement communément donné, surtout par les théologiens qui jouissent dans l'Église d’une plus grande estime, nous devons, jusqu'à preuve décisive du contraire, incliner de ce côté toutes les préférences de notre intelligence, par déférence pour une sorte de direction tacite qui nous est ainsi indiquée par l'Église. En cas de désaccord entre les théologiens scolastiques et les théologiens ascétiques, toutes les fois que la matière discutée est, par sa nature même, principalement du ressort de la scolastique, on doit, de préférence, se diriger d’après l’enseignement des scolastiques. Si, au contraire, le point en litige appartient plutôt au domaine expérimental, le témoignage des auteurs ascétiques devra être préféré. Ainsi, s’il nous est permis d’emprunter à la mystique cet exemple particulier plus facile à saisir, nous suivrons plutôt les scolastiques pour les explications théologiques sur la nature de l’union fruitive ou sur le rôle des dons du Saint-Esprit dans la contemplation extraordinaire. Mais nous donnerons notre préférence aux auteurs ascétiques et surtout aux saints les plus estimés dans l'Église, pour la description des phénomènes constatés dans chaque espèce de contemplation extraordinaire ou pour le détail des épreuves préparatoires ou concomitantes. Il n’est cependant point rigoureusement nécessaire que celle estime pour l’enseignement expérimental des saints aille jusqu'à l’approbation absolue et universelle de leur terminologie ou de leurs classifications, qui peuvent n'être point toujours à l’abri de toute critique motivée.

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