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ARTICLES FONDAMENTAUX (SYSTÈME DES ;


foi, flottent ; ’i tout vent de doctrine ; ils bâtissent non sur le roc, niais sur le sable. Contra hæreses, iii, 24, P. G., t. vii, col. 966, 967. Aussi rapporte-t-il avec complaisance que saint Jean, ayant rencontré Cérintbe dans un bain public, se retira aussitôt de peur que la maison ne s’écroulât ; et que saint Polycarpe, s’étant trouvé avec l’hérétique Marcion, le dénonça comme le premier-né de Satan. Cont. hseres., iii, 3, P. G., t. vii, col. 853.

Origène, dont l’esprit était pourtant si larg « , n’est guère plus tendre à l’égard des hérétiques. C’est à lui que remonte la fameuse formule : Extra Ecclesiam nemo salvatur, In Josue, homil. iii, c. v, P. G., t. xii, col. 841, 842 ; et, comme le fait remarquer le protestant Schaff, op. cit., p. 169-170, il s’agit bien ici de l’Église visible, car les Pères de cette période, même les alexandrins, n’en connaissent point d’autre.

Les Pères latins n’ont pas parlé avec moins de force. Dans son livre De prsescriplionibus adversus hsereticos, P. L., t. ir, col. 12-74, Tertullien déclare nettement que toute hérésie conduit à la mort éternelle, col. 13, précisément parce qu’elle sépare ceux qui l’embrassent de l’unité de l’Église, col. 17 ; que les hérétiques se damnent par le seul fait qu’ils font un choix entre les vérités révélées, col. 18 ; qu’ils ne sont plus chrétiens et qu’il ne faut pas discuter avec eux, col. 29 ; que le moyen de reconnaître la véritable doctrine, c’est de voir si elle est enseignée par les Églises apostoliques, et surtout par l’Église romaine, col. 33, 49 ; qu’enfin l’unité de doctrine est une marque de vérité, de même que les variations sont un signe d’erreur, col. 40, 41.

Le langage de saint Cyprien. dans son traité De unitate Ecclesise, P. L., t. iv, col. 495-520, est encore plus clair et plus énergique. Il ne reconnaît d’autre Église que celle qui a été fondée sur saint Pierre, col. 498-500, et aflirme que quiconque se sépare de cette Église ne peut pas plus faire son salut que ceux qui étaient en dehors de l’arche ne purent échapper au déluge : Quisquis ab Ecclesia segregatus, adultérée jungitur, a promissis Ecclesix separatur : nec perveniet ad Christi pr, viiiia, qui relinquit Ecclesiam Christi… Habere jam non potest Dcum patrem, qui Ecclesiam non habet matrem. Si potuit evadere quisquam qui extra arcam Nue fuit, et qui extra Ecclesiam foris fuerit, evadit. col. 503. Et qu’on le remarque bien, il écrit contre les novatiens, qui ne niaient aucun des dogmes considérés comme fondamentaux par les protestants. Pour plus de détails, voir Nicole, De l’unité de l’Église, p. 80 sq.

Du reste, la conduite du concile de Nicée à l’égard des mélétiens et des cathares ou novatiens nous est une preuve encore plus authentique de la façon dont on concevait l’unité de l’Église au début du ive siècle. Le concile suppose en effet que ceux qui avaient fait schisme avec Mélétius, de même que les novatiens, sont en dehors de l’Église, puisqu’il leur permet d’y rentrer sous certaines conditions ; et cependant ni les uns ni les autres n’avaient nié un seul article fondamental. De plus, il exige que les Catnares « promettent par écrit de se conformer aux enseignements de l’Église catholique, c’est-à-dire de communiquer avec ceux qui se sont mariés en deuxièmes ivec ceux qui ont faibli dans la persécution, mais qui font pénitence de leurs fautes ; ils seront donc tenus à suivre dans toutes ses parties l’enseignement de l’Église catholique » . Can. 8, dans Hefele, Histoire des ^es, Paris, 1907, t. i, p. 576.

Ainsi donc, d’après l’Écriture et la tradition, l’Église i< J< sus-Christ n’est pas un amas de sectes divisées entre elles, mais un corps visible et organique, dont font partit ceux qui professent la même foi, d’où sont rejetés ceux qui nient uni’des doctrines apostoliques, enseignées par irité infaillible, ci où les hérétiques ne peuvent rentrer qu’en promettant de croire toutes les vérités enseignées par l’Église catholique. N’est-ce pas là une condamnation anticipée du système des articles fondamentaux’.'

II. IMPOSSIBILITÉ DE DÉTERMINER CES POINTS FONDA-MENTAUX. — Il est une autre raison qui condamne ce système, c’est l’impossibilité de trouver une règle, en dehors de l’autorité infaillible de l’Église, pour déterminer ces articles fondamentaux. Depuis plus de trois siècles les protestants cherchent cette règle ; ils ne l’ont pas encore trouvée, et chaque effort nouveau ne fait que multiplier les controverses et les divisions ; c’est donc une tâche vraiment impossible. Pour le mieux comprendre, passons brièvement en revue les différentes règles qui ont été proposées.

Est-ce l’Ecriture qui déterminera ces points fondamentaux ? Tous avouent qu’elle n’en parle pas explicitement ; ce qui est déjà une forte présomption contre ce système ; car enfin si cette distinction entre articles fondamentaux et non fondamentaux est absolument essentielle, ne devrait-elle pas se trouver clairement dans ce que les protestants considèrent comme l’unique règle de foi ? Voyons du moins si elle n’y est pas contenue implicitement. Accepterons-nous comme fondamental tout ce qui est clairement enseigné dans la Bible, et comme non fondamental ce qui ne l’est que _d’une façon obscure ? Plusieurs l’ont prétendu, mais le protestant Waterland fait remarquer avec raison, dans l’ouvrage que nous avons cité, qu’il n’en peut être ainsi ; car il y a certainement des vérités non fondamentales, par exemple, des faits historiques ou même quelques points de dogme ou de morale, qui sont très clairement exprimées dans la Bible, tandis que certaines vérités fondamentales ne le sont pas si clairement. Nous pourrions ajouter que ce qui est clair pour l’un ne l’est pas pour l’autre. Jurieu. et Waterland ont vu nettement dans la sainte Écriture les dogmes de la trinité, de l’incarnation, de la divinité de Notre-Seigneur et de la rédemption ; les sociniens, les unitaires et bon nombre de ceux qui s’appellent libéraux prétendent y voir, avec non moins de certitude, qu’ils n’y sont pas enseignés. En dehors d’une autorité vivante et infaillible, qui donc tranchera le débat ?

Aussi une autre règle a été proposée, c’est le symbole des apôtres. Mais, comme le dit encore Waterland, ce symbole, pas plus que la Bible, ne détermine quels sont les points fondamentaux. Il ne contient rien sur le canon et l’autorité divine des Écritures — points absolument essentiels — rien sur le culte et les devoirs pratiques. D’un autre côté il parle clairement de la sépulture de Notre-Seigneur, que les protestants ne regardent point comme un article fondamental, et de la conception virginale de Jésus, que plusieurs rejettent.

Sera-ce le consentement universel des chrétiens qui réglera ces points fondamentaux ? Mais comment le connaître ? Que faut-il entendre par chrétiens ? Faut-il y comprendre les ariens, les macédoniens, les pélagiens, les nestoriens ? Mais alors il ne restera d’articles fondamentaux que ceux qui n’ont jamais été niés, c’est-à-dire un très petit nombre, et encore ce petit nombre ne comprendra pas ceux qui sont véritablement importants, puisque les plus essentiels ont été attaqués. Dira-t-on qu’il ne faut pas tenir compte du jugement de ces grandes sectes hérétiques ? Mais alors, de quel droit les exclut-on, plutôt que les diinali-.tes, les vaudois et les albigeois ? D’ailleurs si l’on n’admet pas l’autorité infaillible de la tradition, à quoi bon recourir au consentement universel de chrétiens aussi faillibles que nous le sommes nous-mêmes ?


Restent les critères intrinsèques : on regardera comme Fondamentaux les articles qui en soi sont plus essentiels, el ont une liaison plus intime avec le fondement du christianisme. Mais ici la même difficulté se présente. Qui nous dira quels sonl ces dogmes plus essentiels, ceux sans quoi le christianisme ne peut subsister ? Les

prolestants orthodoxes nous répondront que ce sont la divinité de Jésus-Christ, la trinité, l’incarnation, la rédemption, la justification par la foi et les peines étei-